Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Lorsqu'elle revint, la nuit, d’épais flocons de neige tombaient sur le sol et sur sa fourrure. Véga espérait que cela aurait découragés les humains à garder leurs moutons, mais ces derniers devaient tenir à leurs bêtes. Près de la clôture, elle entendait la voix distinctes de deux d'entre eux. Ils n'étaient pas tout proches de l'enclos, cependant, sa présence risquait d'affoler les moutons et donc de les faire venir. Elle n'allait pas prendre le risque que les deux humains soient armés. Reculant, la louve repartit d’où elle venait. Ce ne serait pas encore pour ce soir.
Une épaisse couche de neige recouvrait le sol lorsqu'elle repartit en direction de la bergerie. Au loin, elle entendait les aboiements des chiens. Sans être trop proches, ceux-ci devaient tout de même se trouver à quelques centaines de mètres, et elle n'était pas sûre de pouvoir camoufler son odeur si elle se rapprochait trop. Mieux valait qu'elle se garde ses distances pour le moment.
La bergerie était trop bien gardée. Véga savait qu'elle aurait pu facilement attraper un mouton dans leur petit enclos fermé, mais elle aurait prit un trop gros risque. Mieux valait qu'elle cherche de la nourriture à un autre endroit du village. Un endroit ou les humains seraient moins présents. Repartant en direction des bâtiments, la louve n'alla pas vers les clôtures des moutons, cette fois. Elle se dirigea là elle pensait savoir que les humains rangeaient leurs prises de chasse. Même si le bâtiment en question était moins excentré du reste que la bergerie, se saisir d'une proie et repartir en vitesse ne lui prendrait pas beaucoup de temps.
La structure devant laquelle elle arriva était basse et entièrement faite de bois. A l’intérieur flottait une odeur de viande fraiche. Véga s'en approcha disertement, montant sur un tas de chanvre afin de pouvoir passer sa tête par l'ouverture. A l’intérieur, un homme était occupé à dépecer une dinde bien grasse. Dos à elle, celui-ci portait un objets dangereux à sa ceinture. La louve se retira en silence. C'était parfait. Elle reviendrait cette nuit, pour dérober cette succulente proie pendant que cet humain et son arme seraient absents.
Elle avait attendu la tombée de la nuit avec impatience, rêvant de planter ses crocs dans cette délicieuse dinde qu'elle avait aperçu un peu plus tôt dans la journée. Reprenant le chemin jusqu'au petit bâtiment en bois, Véga prit garde à ce que personne ne s’aperçoive de sa présence en avançant lentement. Cependant, lorsqu'elle arriva près du petit bâtiment, elle remarqua qu'une lumière vacillait à l’intérieur. Un aboiement retentit alors à l’intérieur, la faisant repartir d’où elle venait. Satané chien ! Elle allait devoir patienter encore un peu avant de pouvoir pénétrer dans le garde-manger.
La nuit avançait, mais Véga ne dormait toujours pas. Non loin du village, elle attendait que les lumières du garde-manger s'éteignent enfin. Si le chien restait à l’intérieur, elle entrerait une fois qu'il se serait endormi, mais elle ne fuirait plus. Elle avait trop faim. Un bruit l'alerta soudain, pendant qu'elle patientait, dissimulée dans la neige. Son regard scruta la plaine. Un humain venait par ici. Se faufilant dans la neige, Véga s'empressa de disparaitre de son champ de vision. Ce n'était pas le moment de se faire blesser.
La nuit était déjà bien avancée lorsque les lumières du petit bâtiment finirent par s'éteindre. Depuis la forêt, Véga observait les allées et venue de l'humain qui l'avait surprise un peu plus tôt. Il ne semblait pas l'avoir repérée, mais elle ne pouvait pas sortir de sa cachette tant qu'il n'était pas partit. Il lui fallut donc patienter longuement, la faim au ventre, avant que celui-ci ne se décide enfin à rentrer dans son village. Véga put alors émerger de sa cachette et se diriger au pas de course dans la neige. Elle connaissait bien le chemin maintenant qu'elle était restée plusieurs jours aux alentours du village. Tous les sens en alerte, la louve prenait le soin d'effacer sa présence le mieux possible, bien que personne ne semblait vraiment surveiller les alentours.
Elle arriva jusqu'au garde manger sans encombres. La porte était fermée, mais la petite ouverture qu'il y avait au dessus du tas de chanvre ferait l'affaire. Elle s'y hissa, poussant la plaque de verre qui la refermait. A l’intérieur de la petite pièce, plusieurs proies étaient suspendues en l'air par de petits crochets. Véga y pénétra, s'apercevant avec soulagement qu'aucun chien ne se trouvait dans les parages. L'odeur du sang et de la viande était prédominante, ici. Elle se saisit de la plus belle dinde qu'elle vit, tirant en arrière afin de la détacher de son crochet. La proie vint avec un petit bruit métallique. Pressée de sortir, la louve essaya tout de même d'en décrocher une deuxième avant de s'en aller, mais un aboiement proche lui fit renoncer. Sortant en vitesse du garde-manger, Véga s'éloigna en courant le plus rapidement et le plus loin possible, avec dans sa gueule, la dinde qu'elle venait de dérober.