Cela fait bien longtemps que je ne l'ai pas vue, et je dois avouer que discuter avec elle me manque. Elle est bavarde et parfois plutôt chiante, mais je n'ai que de bons souvenirs des moments passés avec elle. Aussi, lorsque j'ai déniché son odeur dans la neige froide, j'ai immédiatement suivi sa piste en espérant la trouver rapidement, et surtout en croisant les doigts pour qu'elle n'ait pas déjà fait demi tour pour rentrer chez elle. Mais, là devant l'immensité glaciale de l'océan, sa silhouette élancée se dessine. J'ai l'impression qu'elle a changé depuis la dernière fois, et je regrette de n'avoir pas pu passer plus de temps avec elle. J'ai envie de la connaître, d'apprendre d'elle et de mieux la comprendre. Et puis, lui ai-je révélé ma véritable identité ? Peut-être aura-t-elle de nouvelles histoires à me conter sur sa meute, cette meute que j'aime et qui est autant la mienne. Je m'approche d'elle d'un air enjoué, le pelage au vent, et les babines étirées en un sourire enjôleur

- Alors Princesse, on rêve devant l'océan ?

Je la rejoins en trottinant dans le sable glacé, et le froid entre mes doigts ne me fait plus autant d'effet maintenant que je suis à ses côtés. Oui, elle a bien changé, et je crois que le temps la rend d'autant plus belle en défilant.

Je ris doucement à sa remarque, et me réjouis de voir dans son regard qu'elle est satisfaite de me revoir.

- Je n'me permettrais pas ! Et puis j'ai trop de succès pour draguer une louve de meute.

Je souris d'un air prétentieux, sachant pertinemment que la drague est loin de mes préoccupations actuelles. Mais, en fait, peut-être que lorsque je m'intéresserais davantage aux louves, celles comme la fille Lumière seront les plus attrayantes à mes yeux. Je la pousse doucement d'un coup d'épaule.

- Je te parie que t'es pas capable d'aller dans l'eau plus loin que moi.

Je la détaille avec insistance, son visage me plait bien et si elle n'était pas la fille de l'imposteur qui a volé ma meute, je l'apprécierais d'autant plus.

Sa vulgarité est plus amusante qu'autre chose, et si j'aurais pu être surpris par son éducation visiblement douteuse, je ne le suis pas quand je pense à l'identité de ses parents. Elle affiche cet air sûr d'elle, comme si rien ne pouvait l'atteindre même si je sais qu'aucun loup n'est invincible. Nous avons tous nos faiblesses, il suffit d'observer un peu pour deviner quelle est la sienne. Chose que, pourtant, je ne cherche pas à connaître.

- Tsk! n'importe qu'elle loup pourrait battre un vieux rat comme toi!

Je marque une mine outrée, comme si elle venait justement d'atteindre l'une de mes barrières. Comme si cette insulte me vexait au plus haut point, alors qu'en réalité elle ne me touche pas le moins du monde.

- Vieux rat ? Tu me trouve si méprisable ?

Mais elle ne répond pas, elle me sourit bêtement et je réponds à ce sourire sans m'inquiéter du reste. Et puis, son attitude change. Je n'ai plus qu'à espérer qu'elle n'est pas aussi folle que je l'ai été, qu'elle reste un tant soit peu équilibrée et qu'elle saura garder un tempérament stable jusqu'à la fin de notre entre vue.

- Mais avant toutes chose j'ai un truc à te demander. Vue que t'es solitaire, peu être que t'en sait quelque chose nan? T'aurais pas vue mon frère? Ragnar'k? Tu sait le mâle hargneux qui en voulait à Dalioka car elle lui avait foutue une baffe?

Je la regarde dans les yeux, l'air parfaitement impassible, et je réfléchis quelques secondes.

- Je peux faire des recherches contre paiement, je suis mercenaire.

Je la détaille longuement, je n'ai pas d'autre choix. Je suis mercenaire, je ne dois rien faire gratuitement. De plus, je ne peux lui révéler ce que je sais sur son frère.

Je ne suis pas réellement un mercenaire, je l'ai dis à Koschei et il a bien compris que ma loyauté allait aux Navnik. Mais pour l'heure, je reste l'un des leurs, parce que je suis membre des vrais Navnik. Je ne serais jamais le serviteur de ces Imposteurs Sekmets qui pensent pouvoir faire oublier leurs origines en s'occupant des miens. Alors, à l'heure actuelle, Ragnar'k est bel et bien l'un des miens, même si je le haie. Et s'il est l'un des miens, il a droit autant à ma loyauté qu'à ma protection. Ma bonté me perdra. Je soupire lorsque la jeune femelle brune me demande quel paiement je souhaite recevoir. Je réfléchis encore de longues secondes, et je cherche le moyen de ne pas lui révéler ce que je sais. Je ne peux pas trahir l'un des miens, même s'il ne l'est que temporairement. Ce n'est pas moi qui vendrais la mèche alors que j'ai un si lourd secret à garder.

- Disons que pour retrouver un tel spécimen il va me falloir du temps et beaucoup d'énergie. Je t'en demande six proies. C'est que la chasse est difficile, ces temps-ci ...

J'ai comme l'impression d'abuser, d'en demander trop. Mais je n'ai pas le choix, mes deux frères rencontrent les mêmes difficultés que moi à se nourrir, et vu ce que le sien à fait à ma soeur, j'estime que nourrir ma famille est une bien maigre excuse en comparaison. Après tout, sa famille n'a-t-elle pas en partie déchiré la mienne ?

J'aurais aimé pouvoir l'aider. J'aurais aimé pouvoir lui dire que son connard de frère est planqué derrière les pattes de mon propre frère et que si Pandémonium n'avait pas été là, il serait même mort sous mes crocs. Mais je ne peux pas, je dois me taire. Je suis obligé de garder un silence profond et de piéger la louve que j'apprécie, tout ça simplement pour cacher un lâche. L'idée m'est douloureuse, mais c'est la demande de mon frère et rien ne surpassera notre lien, notre fraternité. Comme prévu elle s'indigne, me fait remarquer sur six proies, même pour une meute c'est énorme. Elle ne peut pas me donner ce que je lui demande, elle ne peut pas accepter ce contrat. Je n'aurais pas ce job, c'est ainsi. Et ça m'arrange profondément. Parce que je ne peux trahir mon frère, pas même pour une louve que j'apprécie. Les sentiments sont éphémères, les liens du sang eux, ne tariront jamais. Finalement, elle change seule de sujet, me demandant ce que je veux faire. Eh bien, j'aimerais t'entendre parler de toi, t'écouter déblatérer des heures durant, avoir envie de te dire de la fermer et ne pas le faire juste parce que je t'apprécie.

- Au fait, je n'm'appelle pas Opium.

Je m'apprêtais à dire mon nom, mais je prends encore conscience de mes promesses faites à mon frère. Mon identité est un secret. Et même si je l'aime bien, elle n'en reste pas moins la fille des traîtres. Alors, dans un sourire gêné, je reprends comme si je ne m'étais pas brusquement interrompu.

- J'veux dire, n'oublie pas qu'un jour j'aurais un prénom. Ne t'habitue pas trop à celui-là.

Oui un jour, elle pourra savoir. Quand j'aurais repris ma meute aux pattes de sa mère et que j'aurais sorti mon père des Enfers. Quand tout sera rentré dans l'ordre. Ce jour-là, je pourrais partager avec elle tout ce dont j'aurais envie.

- Tu veux te battre ? Je veux dire, pour s'entraîner ?

Après tout pourquoi pas ? Si elle veut qu'on s'occupe, autant joindre l'utile à l'agréable, n'est-ce pas ?

Elle accepte de son ton malicieux et je n'attends pas une seconde de plus. Je prends appui sur mes quatre puissantes pattes et je bondis dans sa direction, la percutant de tout mon poids dans un sourire prétentieux. Je sais ce que je vaux, et je sais qu'elle n'a pas mon niveau ni mes expériences en combat. Je la roule dans la neige, blanchissant de force son pelage brun et lui faisant manger la poudreuse en accompagnant notre chute d'un rire grave. Je la pousse violemment pour me relever avant elle, et je ne lui laisse pas le temps de se remettre de la surprise. Je suis déjà sur elle, la surplombant de toute ma masse, à essayer de lui mordre la gorge tandis que ses antérieures m'empêchent tant bien que mal d'atteindre sa jugulaire. Je ricane, me recule et bondis en avant pour revenir à l'assaut. Si elle croit que je vais être moins offensif sous prétexte que je l'apprécie, elle se trompe. Mais je sens, je vois dans son regard qu'elle ne veut d'aucune pitié. D'aucune sorte de compassion.

Je plonge mes crocs dans son encolure, la traîne par terre et recule avec agilité pour esquiver d'autres coups de ses postérieures dans mon abdomen. Je ris à la voir gesticuler dans tous les sens pour se libérer ou se relever, et je m'amuse d'autant plus de la regarder se débattre avec la neige pour m'atteindre dans l'espoir de me porter d'autres coups. Je m'avance vivement, lui mords l'échine et recule, puis je pars en courant à travers les arbres. Je laisse ma voix résonner entre les arbres pour la guider et l'aider à me suivre, mais je sais où je vais et comment, elle n'a aucune chance. Je lui coupe brutalement la route après avoir laissé un silence de plusieurs secondes la déconcentrer, et je lui rentre dedans de plein fouet pour la faire rouer au sol. J'espère que la neige est bonne, parce qu'elle va en bouffer des kilos aujourd'hui. Dans un rire joyeux, je bondis sur elle et lui flanque des coups de pattes brusques pour la forcer à rester au sol, tout en essayant d'atteindre sa gorge avec mes crocs assassins.

Je continue de m'acharner contre elle, presque comme si j'étais un prédateur déjà gagnant contre sa proie. Dans ma tête le jeu résonne, mais mes pattes et mes crocs sont bien décidés à montrer ce dont ils sont capables. Il faut bien que les mois passés dans une cage à me battre jour et nuit me servent. Finalement, la jeune louve s'avoue vaincue. Sa fierté en prend un coup mais elle sait bien qu'elle n'a aucune chance contre moi alors autant sauver son semblant de force plutôt que de risquer sa vie. Je ricane, me retire d'au-dessus d'elle et recule en la regardant, alors que la jeune femelle me met en garde, promettant de progresser pour venir à bout un jour de mes propres compétences. Je lui souris, lui tourne autour alors qu'elle se relève, et finalement me rapproche d'elle pour lui mettre un affectueux coup d'épaule.

- Rentrons, j'te raccompagne à la frontière.

Et sans attendre qu'elle me réponde, je me mets déjà en marche en direction des frontières Navnik. Il est grand temps que j'aille me reposer.

PS : Je fais la demande de points et d'archive, réponds une dernière fois avant si tu veux