Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Impossibilité de chasser ; pas de communication, cela veut donc dire que mon seul choix possible est d'aller piller les hommes. Au final, ce n'est pas si nouveau que ça. Ils n'ont jamais été bien doués pour garder leurs proies. C'est bien dommage pour eux, mais pas pour nous !
Disons qu'apparemment aujourd'hui ils ont décidé de se bouger. A peine sortie de mon tas de fourrés j'ai entendu un chien aboyer et un homme (ou plusieurs) pester. Je ne veux pas prendre plus de risque que nécessaire et retourne aussitôt derrière mon arbre. S'il faut attendre un peu, j'attendrai. J'ai tout mon temps.
Les secondes puis rapidement les minutes s'envolent ... Et enfin les heures. Et je peux vous dire qu'on les sent passer les heures dans le froid à attendre qu'un homme daigne s'en aller juste pour aller manger une foutue bestiole !
J'ai jeté mon dévolu sur une dinde bien grasse, et même si elle ne vaut pas une brebis ou un sanglier, elle permettra au moins à la soeur de tenir un jour de plus. Il faut que je file au plus vite, que j'attrape ma proie et que je disparaisse de cet endroit avant que les hommes ne me voient. Il serait bien trop risqué de rester plus longtemps que nécessaire, et surtout inutile. Je fixe longtemps la silhouette de l'un des hommes, qui semble être plus concentrée sur sa tâche que le second. J'attends donc, patiemment, que ce dernier échange sa place avec le premier. Il me faut mettre toutes les chances de mon côté, et choisir de me battre contre le plus évasif des gardiens est aussi une tactique de survie comme une autre. L'homme le plus ardu s'est éloigné pour laisser la place à son camarade, et je profite de cet échange pour filer entre les débris et me précipiter sur une dinde et de la tuer sur le coup, si facilement. J'attrape le cou de la dinde entre mes crocs et je file aussi vite que je suis arrivé pour disparaître avec mon butin avant de me faire attraper et massacrer.