Le jour qui suivait encore ne fut pas meilleur. Il eut beau revenir sur ses traces, sur les lieux de ses précédentes découvertes, des excréments par exemple, le vide. Rien, rien sinon le blizzard, la neige, qui avaient tout avalé. Tout avait disparu, toutes ses solutions de secours étaient introuvables.

Il ne pouvait pas ne rien trouver indéfiniment, avec l'énergie qu'il mettait dans ses recherches. Revenant sur la piste qu'il traçait à cause de ses aller-retours chez les hommes, une poule morte s'offrit à son regard; sans réfléchir, spontanément il l'attrapa entre ses crocs et la ramena.
Seul autre événement à troubler son chemin; une gourde vide qu'il emmena aussi, au cas où. Paraît-il, ça aidera un guérisseur.

Il avait eu son heure de gloire. Après la poule, plus rien ne vint.

Finissant par trouver un ruisseau à sec, bouché par la neige, des pierres, de la terre qu'en savait-il, il entreprit d'en descendre l'aval. Bonne idée puisqu'un poisson, fraîchement mort et pas encore avarié - espérait-il - l'y attendait. Il ne se fit pas prier et le dévora aussitôt. Ce genre de proies ne se conservait pas.

Il ne revint pas sur le ruisseau, peu tenté par une intoxication au poisson pourri. Au lieu de ça, il fit le tour du lac dont il s'était de plus en plus éloigné pour ses recherches, et finit par trouver un os dur auquel il ne trouva aucun intérêt sinon de le balancer dans le lac.
Ce qu'il fit, d'ailleurs. Sa tanière n'était pas un dépotoire libre service aux guérisseurs.

Ses crocs claquèrent dans le vide derrière la proie qu'il avait trouvée. Elle bêlait à qui voulait. Une chèvre perdue qui avait eu la mauvaise intuition de croiser sa route et qui allait en faire les frais. Mais elle était agile la bougresse, quoique moins que lui et surtout à demi affamée et morte de froid.
Clac. Clac. Croc.
Le sang goutta à folle allure sur la neige alors que la chèvre agonisait entre ses machoîres. Sans même attendre sa mort, il la traîna vers son trou provisoire en laissant une traînée dans la neige quasi intacte. Il trouva sur le chemin quelques ossements, recouverts de quelques lambeaux de chair proprement immangeables et s'empressa de continuer sa route.

Moment florissant puisqu'il ne tarda pas à trouver également une piste qui le mena à un lapin. Qu'il tua et ramena lui aussi, sans plus de préambule.

Le lendemain, il ne trouva ni carcasse ni bout d'os à ronger. Le lendemain, il trouva quelque chose de bien plus original.
En voyant les tentes et abris provisoires, dressés au milieu du blizzard, le solitaire fut d'abord pris de l'envie irrésistible de s'enfuir à toutes pattes avant qu'un des chiens aux humains qui se trouvaient sûrement dans ce camp ne le repère et ne lui donne la chasse. La faim le retint de justesse et il s'aplatit dans la neige, attendant de voir ce qui s'y passerai.
Sauf que rien ne s'y passa. Pas une âme qui vive ne se montra, pas une odeur, pas un bruit ne l'atteint depuis sa cachette, et, enhardi par un ventre vide, le fantôme se risqua à approcher plus près. Toujours rien. Les rares effluves qui flottaient encore dans les tentes étaient vieilles, trop pour représenter un danger. Le camp devait être abandonné, sûrement. Il se mit en devoir de le fouiller en recherche d'une pitance oubliée, d'une provision laissée là dans l'urgence.
Pour rien. Tout avait déjà été vidé ou parfaitement bien nettoyée par les ex-propriétaires. Il lâcha un grondement de frustration et refit le chemin inverse, les machoîres vides.

Il évita soigneusement le coin du camp abandonné au lendemain, craignant que les hommes ne soient encore présents dans cette zone-là.
Et ne trouva rien, accessoirement.

Ce fut un poisson mort qu'il retrouva à demi-congelé au fond d'une congère recouvrant ce qui devait être un ruisseau avant l'hiver. Il le renifla prudemment avant de s'en saisir, cessant là ses pérégrinations dans le brouillard pour ce jour-là.