Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Atom était allongée dans les fourrés, des épines lui piquant et lui tirant le poil de tous les côtés. Ses yeux avaient bien du mal à apercevoir ce qu'elle convoitait tant, mais il fallait qu'elle soit très prudente si elle ne voulait pas que sa partie de chasse termine en catastrophe.
Il faisait relativement chaud pour un jour de novembre, et la louve se retenait d'haleter. Il ne fallait surtout pas attirer l'attention sur elle. Elle retourna à ses observations. Elle se rapprocha encore un peu plus du petit trou par lequel elle parvenait à voir ses cibles. Derrière un très haut grillage d'où un bruit infernal et effrayant s'échappait, plusieurs dizaines de poulaillers étaient installés. Dans ces poulaillers gambadaient en dodelinant des proies succulentes : des dindes ! Grandes et dodues, elles semblaient tout à fait indifférentes à leur entourage, à croire que jamais un prédateur n'était venu les importuner. Après tout, c'était peut-être possible, car ce qui effrayait la plupart des loups et des ours était probablement ces hommes tout de vert vêtu, avec leurs armes long comme un bras et gros comme une jambe, leur regard assassin et leur démarche brutale. Oui, effectivement, ils étaient effrayants. Mais pas assez pour effrayer Atom, fondatrice des Navnik.
Après un long moment d'observation, la louve sortit avec précaution de sa cachette, les hommes lui ayant tourné le dos. Elle rejoint rapidement un trou sous le grillage bourdonnant, creusé par les vaillants congénères qui avaient bravé le danger. Etant donné qu'il se trouvait derrière une grande maison de bois qui menait directement aux nids des dindes, elle se faufila derrière sans que personne ne la vit. A l'intérieur, Atom fut accueillie par deux ou trois dindes, qui ne tardèrent pas à piailler comme si elles étaient cent. Avec une rapidité exceptionnelle, l'espionne sauta sur l'une d'entre elles et l'acheva d'un bon coup de crocs. A tout allure, elle se rua vers le trou dans la clôture et rejoint son abri. Il s'en était fallu de peu ! Un gardien s'était précipité à l'intérieur pour voir ce qui provoquait la panique générale. Heureusement, il se désintéressa vite de ces stupides dindes en jurant contre elles. Ainsi, Atom reproduit l'opération, ramenant une nouvelle victime. Au moment d'en ramener une troisième, elle s'engagea un peu trop tôt dans le poulailler, si bien que les animaux qui avaient fuient n'étaient toujours pas revenus. Elle dut patienter à ses risques et périls dans l'attente d'une nouvelle proie, et lorsque celle-ci pointa son bec, Atom fut obligé de l'attraper avant qu'elle ne sorte en hurlant. Seulement le gardien s'était posté plus prêt cette fois-là et quand il entendit un nouveau cri, il fut dans la hutte en moins de deux. En panique, Atom saisit la dinde et retourna à son trou le plus vite possible. L'homme dégaina son arme et tira, évitant de justesse la louve. Elle se faufila vers la sortie et rejoint les buissons. Elle mit un moment à reprendre son souffle tandis que l'humain, pestant très fort, essayait d'apercevoir la voleuse tout en mitraillant dans la mauvaise direction. Après un long moment, il renonça et prévint les autres. Il fallait partir très vite. Atom saisit ses trois dindes comme elle pût et s'enfuit à toute jambe.