La journée s’annonçait calme. En ce matin d’automne, le froid commençait lentement à prendre possession des terres, une fine couche de givre recouvrait les plantes, et des plaques de verglas apparaissaient par endroits, fruits de la pluie qui était tombée durant la nuit. Le pelage de Koschei, comme celui des autres loups, en arrivait presque à son épaisseur maximum, formant une isolation contre le froid mordant qui ne manquerait pas de s’abattre sur eux cet hiver.

Koschei s’ébroua en émergeant de sa tanière et bâilla largement avant de se diriger à pas lents vers les abords de son territoire, prêt pour une nouvelle journée d’exploration, mais en chemin quelque chose attira son attention : une fourrure blanche se mouvant entre les débris de la Fête Foraine. Aucune odeur connue ne parvenait aux narines du Leader, aussi, intrigué, désira-t-il faire la rencontre de cette personne qui se promenait par une heure si matinale, de toutes façons ce n’était pas comme si il avait quoi que ce soit de mieux à faire.

Koschei trottina vers l’odeur jusqu’à être de nouveau en vue du loup, ou plutôt de la louve en l’occurrence : une dame blanche fort bien bâtie, une Solitaire qu’il n’avait pas encore eu l’occasion de rencontrer ... Peut-être une recrue potentielle ? Il la héla tout en continuant de se rapprocher :

“Bonjour, demoiselle ! Qu’est-ce qui peut donc bien vous amener sur ces terres en cette froide matinée ?”

Il s’arrêta quand il fut assez proche d’elle, lui offrant alors un large sourire comme il en connaissait le secret.

La louve lui rendit son sourire. Il n’avait rien d’innocent, lui non plus. Qui pouvait-elle donc bien être ? Une Solitaire qu’il n’avait pas encore rencontrée auparavant mais qui était pourtant forte (voire même mieux bâtie que lui), peut-être une nouvelle habitante de ces lieux, venue de terres lointaines ? Dans tous les cas, elle l’intéressait : elle semblait avoir beaucoup d’histoires à raconter, et Koschei adorait les histoires.

“Je découvre un peu plus les terres neutres. Ce lieux est magique de mon point de vue. S'amuser avec des proies, leurs faire croire qu'il on une chance de s'en sortir ... Voir l'espoir sur leurs visages, et leurs enlever ... c'est magique !”

Koschei balaya les lieux du regard en hochant la tête. Il aimait bien sa vision des choses. Beaucoup de loups n’appréciaient pas la Fête Foraine : trop humaine, trop sale, trop remplie de recoins sombres, trop dangereuse, ... Mais au final Koschei s’y plaisait bien, il s’y était plu depuis le début, et visiblement cette louve aussi.

Il soutint son regard alors qu’elle se positionna en face de lui :

“Qu'est-ce qui peu bien amener un mercenaire par ici ?”

Elle connaissait donc déjà les Mercenaires et savait en reconnaître un. Koschei sourit de plus belle, avant de répondre :

“A vrai dire, je vis ici.”

Elle ne semblait pas l’avoir reconnu, lui, par contre. Mais d’un côté qui pouvait lui en tenir rigueur ? Peut-être qu’elle avait entendu parler de lui, mais les récits n’étaient pas souvent à la hauteur de la réalité.

“Mais je ne me suis pas encore présenté : Koschei, Leader des Mercenaires.”

La louve approuvait visiblement le choix de refuge de Koschei. Avait-elle elle-même une tanière fixe quelque part, ou bien était-elle trop nouvelle que pour en avoir trouvé une ? Peut-être aussi qu’elle était de ce genre de loups qui ne se posait jamais et dormait chaque jour à un endroit différent ... Dans tous les cas, cette louve l’intriguait, il aurait aimé en savoir plus sur elle, voire peut-être l’attirer chez les Mercenaires ...

“Quelle rencontre intéressante. Diedora, simple solitaire en vadrouille. Vous pourrez répondre a mes questions alors ! Les mercenaires son si énigmatique, pas qu'il soit distant, quoi que certain si. Mais votre façon de voir les choses et de vivre est intéressant, bravo.”

Koschei accueillit le compliment avec un mouvement de la tête. Ainsi donc cette Diedora était intéressée par le mode de vie des Mercenaires ? Bien, elle venait de trouver la personne parfaite pour la renseigner et Koschei était prêt à parier qu’elle ne risquait pas de sortir de cette conversation sans rejoindre le petit groupe de solitaires sans foi ni loi ... Le sourire du Leader se renforça.

“Diedora, c’est un plaisir de faire votre connaissance et je serai ravi de répondre à toutes les questions que vous avez ; qu’elles soient sur les Mercenaires ou sur autre chose.”

Il recula d’un pas et désigna le reste de la Fête Foraine d’un signe de tête :

[colo=#dead00]“Et si nous marchions ? Je pourrais vous faire découvrir un peu les lieux pendant que nous discutons.” [/color]

La louve fit un pas en avant, acceptant ainsi silencieusement la proposition de promenade de Koschei. Il ouvrit donc la marche, guidant Diedora à travers la débris de ce qui fut autrefois un lieu de joie et d’amusement ... Et qui le demeurait encore, pour certains êtres.

“La manière de vivre des mercenaires est très intéressant et tentant ... je ne vais pas tourner autour du pot. Un solitaire l'est souvent parce qu'il ne supporte pas de devoir se soumettre ... en quoi les mercenaires sont différents des meutes avec un "leader" ? lui doit-on obéissance ?”

Koschei acquiesça d’un signe de tête tout en continuant sa marche. Oui bien sûr, beaucoup de Solitaires se posaient cette question avant d’entrer chez les Mercenaires, et la clé du succès pour arriver à la convaincre qu’ils garderaient leur liberté était une réponse finement nuancée :

“Les Alphas des Meutes gèrent tout de la vie de leurs membres : où ils doivent dormir, quand et contre qui ils doivent se battre, qui doit ramener de la nourriture, qui doit s’occuper des louveteaux, ... Nous les Mercenaires sommes avant tout Solitaires. Nous chassons pour nous-mêmes, nous choisissons quels contrats nous voulons remplir : la liberté est ce qui nous définit.”

Il s’arrêta alors que les deux loups étaient arrivés à un endroit que Koschei appréciait beaucoup : un petit talus qui donnait un panorama dégagé sur la grand-roue, cadavre majestueux d’un géant de fer qui attirait autrefois les foules, du temps de sa grandeur. Il se tourna vers Diedora :

Mes Conseillers, ou parfois les autres Mercenaires, me tiennent au courant des opportunités de contrats et je décide de qui serait le plus apte à remplir quel contrat. Bien sûr la personne à qui j’assigne une mission est libre de la refuser si elle sait se justifier avec une très bonne raison. Je n’ai pas réellement d’autorité sur qui que ce soit, mais j’attends de mes Mercenaires qu’ils me soient fidèles et qu’ils tiennent leur parole.”

L’image de Tybalt vint bien sûr en tête, mais il ne le mentionna pas, les traîtres faisant plutôt mauvaise publicité.

hrp:

Le Leader s’assit et enroula sa queue autour de ses pattes, tout à fait à l’aise, et écouta attentivement les questions que Diedora avait encore à lui poser :

“Tous me semble correcte ... Quant à la fidélité tu t'attend à quoi ? si je deviens une mercenaire je respecterais les conditions que cela demande. Je ne vais pas non plus aller voir les meutes, leurs règles sont stupide ... par contre si je n'ai aucune raison de te suivre dans un contrat qui pour moi est sans importance je peux refuser ? je pense que je me sentirais comme chez moi ... J'aime savoir ce qui ce passe autour de moi ...”

Koschei acquiesça d’un mouvement de la tête :

“Oui, tu es tout à fait libre de refuser, mais bien sûr tu ne profiteras pas des gains éventuels du contrat.”

Son regard se perdit un instant vers l’horizon, en direction de la vieille grand-roue tombée, alors qu’il se remémorait le jour où Tybalt avait lâchement menti en prétendant être prêt à se battre contre les Navniks, alors qu’il avait décidé de les rejoindre.

“Tant que tu restes honnête et ne m’attaques pas en fourbe, tout devrait bien se passer.”

Il retourna son regard vers Diedora avec un léger sourire en coin :

“J’ai le sentiment que tu pourrais être une addition très précieuse à mon équipe, Diedora.”

Il ne doutait pas qu’elle allait accepter, après tout c’était même elle qui l’avait approché et admis penser que le mode de vie des Mercenaires était alléchant.

“Tout va de soit. Ce n'est qu'une question de logique. Quant a te nuire, temps que tu ne me nuit pas il n'y a pas de raison. Je ne fonce jamais tête baissé, et encore moins dans une bataille ou je suis sur d'être perdante.”

Bien, elle a de la jugeote, pas comme certains qui foncent dans le tas en se croyant tout permis ou qui s’imaginent pouvoir faire mal à Koschei sans aucune répercussion.

“Je ne doute pas de mes talents !”

Le Leader lui sourit. S’il ne se trompait pas (et bien sûr il ne se trompait jamais) cette phrase ressemblait bien à une approbation. Bien, bien. Sa petite équipe de sans foi ni loi commençait à prendre une bien belle forme. D’ici peu de temps tout le monde entendrait parler d’eux et le nom de Koschei se retrouvera gravé dans les mémoires. Le nom d’un grand Leader, de celui dont tous avaient peur et auront peur pendant des générations ...

“Bien, bien.”

Il se releva, saluant Diedora d’un signe de tête.

“Diedora, j’ai hâte de travailler avec toi. Je te ferai parvenir les informations concernant les contrats. Si tu as des questions, tu sais où me trouver. Pour l’heure, j’ai des occupations qui m’attendent.”

Il s’éloigna de quelques pas avant de lui lancer ses derniers mots :

“A la prochaine, Mercenaire.”