Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Je n'ai pas dormi de la nuit. Je me sens épuisé et avec le rang que j'occupe désormais, j'ai plutôt intérêt à rester en forme. Je serais dans les rangs, la prochaine fois que nous passerons à l'attaque. Et je veux guider les miens vers la victoire, vers la libération des prisonniers qu'on nous a arrachés. Je souffle, ma voix est rocailleuse et tout me semble douloureux. Mes yeux, mes oreilles, mon crâne, tout me brûle et semble engourdi. Mes sens me travaillent, je n'ai pas été capable de chasser la nuit dernière, pas plus que de me reposer. ai-je attrapé quelque chose ? Possible. Ces dernières semaines, je n'ai pas fait grandement attention à ma santé. Je me suis contenté de me tuer à la tâche pour retrouver mon frère et sauver des griffes bipèdes les membres de ma meute. Je me lève difficilement, complètement vidé de toute énergie, et je sors de ma tanière. Je réfléchis, chose difficile, et je réalise que notre guérisseur n'est plus là. Alors, je pense à cette louve dont parlent souvent les miens. Une louve solitaire qui soignerait un peu à la manière des mercenaires. Toujours en échange d'un paiement, mais toujours en toute impartialité. Je retourne dans ma tanière, attrape cette chose que j'ai trouvé il y a peu chez les humains, et je l'emporte avec moi. La forêt aux pendus est ma destination, c'est là que crèche la guérisseuse. Je m'avance vers l'ouverture, gratte la paroi de métal pour attirer l'attention et dépose la chose à mes pattes.
- Il y a quelqu'un ?
D'abord aucune réponse, alors j'insiste.
- J'ai besoin d'aide ... Et j'ai de quoi payer ...
Peut-être est-ce là le mot de passe ? Préciser qu'on ne vient pas sans rien, pour qu'elle soit un minimum intéressée ? En tout cas, c'est tout ce que je vois. J'attends patiemment que quelqu'un se montre, en espérant que les rumeurs n'aient pas été erronées.
Infos:
Gain de la serre : mâcre nageante
Symptômes : – Migraine – Fièvre – Douleurs aux yeux/oreilles – Très fortes Insomnies – Grosse fatigue
Fatigué, tellement fatigué … Pourquoi ne peut-elle pas se reposer ces derniers temps ? Pourquoi tous en ont après elle ? Pourquoi tous essayent de la faire chier ?! Manîthil gronde, couché sur sa paillasse de feuille qui commencent à être trop sèche à son goût, malheureusement, l'automne n'aide pas à avoir de bon lit de feuilles … Elle ouvre lentement les yeux. Quelqu'un a gratté, elle l'a entendu, elle a entendu le bruit métallique des murs de sa tanière résonner en une plainte sourde. Qui est-ce ? Encore un satané petit voleur ? Elle se redresse, péniblement et, se traîne jusqu'à la salle principale avant de s'ébrouer pour se réveiller davantage.
Une voix retenti, puis une odeur. Elle se concentre, tiens donc, un Navnik ! Voilà qui est rare dans les parages ! N'ont-ils pas un guérisseur chez eux ? Elle le pensait. Elle s'approche de l'entrée de sa tanière et se place juste devant. Un mâle, tricolore et, loin d'être moche soi dit en passant. Belle gueule, s'il ne tirait pas une gueule de détéré, qu'a-t-il ? En tout cas, il avait besoin d'aide, comme il l'avait demandé et, il ne venait pas sans rien … Au moins, les Navnik sont au courant aussi de la réputation de la dame blanche, tant mieux … Voilà qui lui fera des affaires en plus. Entre son pacte avec les Merenaires et les Sekmet, la belle blanche ne reçoit plus aucun paiement.
Un sourire étire ses babines alors qu'elle fixe le mâle.
« Entre donc mon beau, installes toi. »
Elle entra dans sa tanière et attendit qu'il en fasse de même. Elle l'observe un moment. Bah, pourquoi ne pas se faire plaisir de temps à autre après tout ? Il est tellement rare que Manîthil regarde un mâle alors, elle ne risque pas de se priver. Si autrefois, elle a fréquenté bien des mâles contre des paiements, il n'y en a qu'un seul qui a eu le privilège de ne rien payer et, depuis, elle le regrette. Elle regrette de ne pas lui avoir demandé quelque chose en échange du chiard qu'il a implanté dans son ventre. Ces vermines qui ont bien faillit avoir sa peau lorsqu'elle a mis bas mais, toute ceci n'est plus que du passé et, désormais, Manîthil se tient à l'écart des mâles pour ne plus avoir ce genre de problème.
« Si tu commences pas me donner ce petit cadeau puis que tu me dises ce qui ne va pas ? Ah et ton nom aussi, j'aime connaître l'identité de ceux que je soigne. »
La voix mielleuse, comme à son habitude, Manîthil s'assit en face du mâle, attendant d'en savoir plus avant d'aller chercher ce dont elle aurait besoin.
Mon beau ? Qu'est-ce que c'est que cette façon de s'adresser aux inconnus ? Est-elle toujours aussi familière ? Je ne répond pas, ne relève pas, et j'obtempère. Après tout je ne suis pas là pour bavasser, mais bien pour me faire soigner et au plus vite. Il n'est pas question que je reste dans cet état plus longtemps. Je la suis dans son antre avec une légère hésitation, puis un lourd silence s'installe entre elle et moi, tandis qu'elle me fixe. Cherche-t-elle mes symptômes à vue d'oeil ? Est-elle si talentueuse ?
- Si tu commences pas me donner ce petit cadeau puis que tu me dises ce qui ne va pas ? Ah et ton nom aussi, j'aime connaître l'identité de ceux que je soigne.
Je jette un oeil au truc que j'ai déniché dans la serre des bipèdes, qui semble pas mal intéresser la louve blanche. Apparemment j'ai fais une belle prise, vu son regard. Quoi qu'il en soit je n'en aurais jamais l'utilité, alors si ça peut me permettre d'aller mieux ... Je pousse la chose d'un coup de museau vers elle, puis je me redresse en frissonnant.
- Je suis épuisé depuis deux jours. Je meurs de froid, mais mon corps est brûlant. Ma tête tambourine, mes oreilles sifflent, et je ne dors pas. Je suis, j'étais chasseur. Ces dernières semaines je me suis peut-être un peu ... Défoulé au travail ... Est-ce que je pourrais avoir attrapé froid ?
Peu m'importe en fait. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir si elle peut faire quelque chose pour moi, et si je pourrais retourner remplir mes tâches dès ce soir. Pourvu qu'elle puisse me soulager ...
Il poussa la plante du museau. La louve observe en souriant avant de poser la patte dessus pour la ramener vers elle. Elle écouta ensuite les symptômes du mâle. Épuisement, froid, chaud, tête qui tambourine, oreille qui siffle, il ne dort pas … Tiens donc, comme ce discoure devient habituel aux oreilles de la blanche, même pas besoin de s'approcher pour l'ausculter davantage car, elle sait déjà ce qu'il a.
« Le Sang des Cauchemars hein. Il ne s'agit nullement d'un simple coup de froid mais, d'une épidémie qui touche tout le monde dernièrement et qui semble être plutôt contagieux, sauf pour ceux qui ont déjà été porteur. »
Et heureusement, sinon Manîthil aurait chopé une fois encore cette saloperie et elle n'en a guère envie. Désormais sérieuse, la dame blanche réfléchit un moment avant de se redresser pour se rendre dans la pièce d'à côté. Elle fouina parmi ses réserves et attrapa une plante avant de retourner auprès de son patient. Elle déposa le lotier corniculé juste à côté de la mâcre nageante que lui a ramené le Navnik et, pousse les deux vers lui.
« Manges ça, tu te sentiras mieux au bout d'un moment. La plante que tu m'as ramené, elle t'aidera pour te redonner un coup de boost. Cette plante ci t'aidera pour tes insomnies mais, également pour tes migraines. Tu pourras enfin te reposer tranquillement et, le reste des symptômes partiront d'eux même, quand ton corps sera suffisamment reposé. »
Dommage, le paiement ne lui aura pas servit bien longtemps mais, au moins c'est une plante qu'elle n'a nullement besoin de piocher dans sa réserve donc, au final, c'est comme si ils étaient quitte car, après tout, les mâcres nageantes sont plutôt rare à obtenir, surtout en bon état et si on veut leur effet maximal, mieux voit qu'elles soient intactes. Elle laissa le Navnik consommer les deux plantes. L'avantage avec les premiers symptômes de cette épidémie, c'est qu'elles sont facile à soigner. Lorsque la maladie commence à se propager davantage, cela devient plus difficile et plus coûteux. Combien de plante a-t-elle passé pour le Gamin ? Beaucoup ! Mais au moins, il est sur patte.
« Au fait, tu ne m'as pas dit ton nom. »
C'est qu'elle y tient, de connaître son identité. Pourquoi ? Pour ses archives personnelles, pour se souvenir de qui elle a soigné, qui lui en doit une ou non. Qui elle peut aller voir si besoin, ainsi de suite. La blanche a bonne mémoire alors, autant en profiter ...
Il faut peu de temps à la louve solitaire pour prononcer son diagnostic, que j'écoute avec attention. Une maladie que tous ont attrapé ? Je n'ai même pas entendu parler de quelconque symptômes parmi les miens. Je pense immédiatement à Inka et Sayian. Est-ce qu'ils vont bien ? Cela pourrait-il expliquer l'absence de mon frère, depuis plusieurs semaines ? Le doute s'empare de moi, mais les secondes filent et je refuse d'y croire. Non, je suis son frère. Si il lui était arrivé quelque chose, je l'aurais senti. Non. Je panique pour rien. Il est certainement en train de faire l'idiot quelque part, peu importe où ... Je l'espère, en tout cas ... La louve blanche revient, je n'avais pas fait attention à son départ. Elle me dit quoi faire, me donne ses instructions de guérisseuse. J'obéis sans faire d'histoire, je ne suis plus un louveteau qui refuse de finir sa carcasse.
- Tu pourras enfin te reposer tranquillement et, le reste des symptômes partiront d'eux même, quand ton corps sera suffisamment reposé.
Je m'appuie sur la paroi machinalement, pour mâcher les plantes servies par la louve solitaire. Et alors que je me rends compte que je mange ma propre trouvaille, je lance un sourire amusé à l'inconnue.
- Si j'avais su ce que j'avais trouvé, je ne serais pas venu t'ennuyer.
- Au fait, tu ne m'as pas dit ton nom.
- Ah ! Je suis tellement fatigué que j'ai oublié. Je m'appelle Natan. Et toi ? A moins que tu ne dévoile pas ton identité ?
Je souris toujours. Même si j'ai l'impression d'avoir une massue dans la tête et que mes pattes ne tiendront plus longtemps, j'ai encore la force de faire le con. Sayian dirait que c'est rassurant ...
Il ne serait pas venu s'il avait su mais, il ne serait pas guérit pour autant non plus, Ô non. Sans le lotier corniculé, il ne pourrait pas retrouver un sommeil correct. Non, avec ce traitement, il va pouvoir être tranquille pour ses nuits futurs. Elle le fixe toujours, se plaçant contre les parois froides de ces murs de fer. Cet ancien bunker dont elle a fait sien, sa tanière, son territoire, son lieu de travail et repère. Elle l'écoute et, sourit à son retour de question. Décidément … Les loups ne s'informaient qu'à moitié avant de venir la voir, enfin, au moins ils étaient au courant des paiements à effectuer donc, c'est l'essentiel.
« Eh bien, je vais finir par me vexer qu'on se souvienne principalement de ma réputation plutôt que de mon nom. Je suis Manîthil. »
Se présenta-t-elle après avoir mimé une voix outré car, au final, elle s'en fiche pas mal qu'on ne connaisse pas son nom, tant que elle elle connaît ceux des patients dont elle s'occupe. Elle se redressa pour pouvoir s'étirer avant de s'ébrouer, s'installant de nouveau mais, pas assise cette fois-ci, non, elle se mit à l'aise, allongé sur le sol froid de sa tanière. Après tout, elle est chez elle, elle fait bien comme le le souhaite.
Ainsi donc, ce dénommé Natan est chasseur parmi les Navnik ? Est ou était ? Sa phrase était plutôt confuse, difficile de savoir si il est toujours chasseur ou si il ne l'est plus mais, quelle importance de toute manière ? Oh, beaucoup. Après tout, beaucoup payerait pour des informations concernant les Navnik donc chaque petites informations qu'elle entend peut lui être utile mais, elle ne lui demandera pas de but en blanc, non, aucun intérêt. D'ailleurs, il y a peut-être une information qu'elle demanderait bien à ce Navnik.
« Toi qui es Navnik, tu connais peut-être Leikn, une guerrière parmi ta meute. Comment va-t-elle ? A-t-elle été blessé pendant la guerre ? »
Elle n'a pas pu rendre visite à sa sœur la dernière fois ou, plutôt, elle s'est laissé déconcentrer par diverses plantes qui se trouvaient dans les dunes de sable avant de finalement rebrousser chemin.
Je n'ai pas pour habitude de m'intéresser à d'autres louves que Inka, et ces derniers temps mon amie me demande toute mon attention. C'est peut-être égoïste de sa part, dans un sens, puisqu'elle sait très bien à quel point je l'aime et qu'elle refuse obstinément de me rendre cet amour. Pourtant, je ne peux m'empêcher d'être là pour elle et, au fond, j'espère certainement qu'elle tombera amoureuse à force de voir comme je suis prêt à tout pour elle. Je me laisse aller quelques secondes à mes réflexions, et c'est la louve au pelage immaculé qui me ramène à la réalité en s'offusquant face à mon ignorance.
- Eh bien, je vais finir par me vexer qu'on se souvienne principalement de ma réputation plutôt que de mon nom. Je suis Manîthil.
Il est vrai que je n'ai pas cherché à en savoir davantage. Ce qui m'importait était de trouver quelqu'un qui me permettrait de rester debout et de garder toute ma tête encore quelques années au moins. Ou, au pire, au moins jusqu'à ce que je retrouve Sayian. Je soupire, mais je n'ai de cesse de sourire à cette inconnue qui en est déjà moins une maintenant que je sais comment la nommer.
- Toi qui es Navnik, tu connais peut-être Leikn, une guerrière parmi ta meute. Comment va-t-elle ? A-t-elle été blessé pendant la guerre ?
Leikn ? Je l'ai lié de relations avec personne, et j'ai été trop occupé ces dernières semaines entre chasser pour oublier la disparition de mon frère et m'occuper de Inka, pour être au courant des derniers potins et encore plus pour savoir qui va bien parmi les miens. Je réfléchis un petit moment, puis je redresse vers Manîthil un regard rassurant. Ce qui est sûr, c'est qu'elle n'est pas parmi ceux qui ont été enlevés.
- Je t'avoue ne l'avoir croisé que bien peu, mais il me semble qu'elle va bien.
Je m'intéresse à d'autres détails, ne tiltant pas tout de suite, et enfin la question me monte à la tête. Alors mon regard inquisiteur se pose dans celui de la louve immaculée, et je m'enquiers de la situation.
- Tu la connais ?
Enfin à vrai dire, la question est probablement stupide. Elle ne m'en demanderait pas des nouvelles si elle ne savait pas qui est Leikn ...
Le mâle semble ailleurs, dans ses pensées mais, il en fut tiré, arraché, par l'intervention de Manîthil et sa question. Elle voulait des nouvelles de sa sœur, elle se fichait complètement du reste, de savoir si le Navnik se sent suffisamment bien pour lui répondre ou non. Fort heureusement, il lui répondit mais, pas forcément ce qu'elle voulait entendre. Ainsi donc, lui même n'en sait pas plus car il la croise peu. Est-ce que cette meute à la moindre considération pour sa jumelle au moins ?! Est-ce ainsi qu'ils sont entre membre d'une même meute ? Même pas fichus de savoir si les autres vont bien ou non ! La connaît-il seulement ? Lui a-t-il déjà parlé ou l'ignore-t-il ? De savoir sa sœur dans une meute l'agace déjà en soit mais, de savoir maintenant que même un loup de sa meute n'est pas foutu de savoir si elle va bien, voilà qui a le don de réellement l'énervé ! Peut-être devrait-elle songer à arracher Leikn des pattes des Navnik ? Oui mais, est-ce que la blanche acceptera de suivre la sœur qui a osé abandonner son neveu ? Après tout, leur dernière rencontre n'a pas été des plus douce à cause de son rejeton …
Puis Natan lui posa une question. La connaissait-elle ? Oh oui ! Bien sûr que oui ! Mieux que quiconque même du moins, elle l'espère. Sa vie est sienne, son cœur est sien. Qu'importe combien Leikn peut la haïr pour ce qu'elle a fait, Manîthil ne cesse d'aimer sa sœur, cette part d'elle, cette moitié avec qui elle a toujours vécu et, même malgré leur différence, elle tient à sa sœur plus qu'à n'importe qui.
« Évidemment que je la connais. C'est ma sœur. »
Lâcha-t-elle tout simplement comme s'il s'agissait de quelque chose de logique que tout le monde devrait savoir mais, personne ne sait, beaucoup l'ignore voir tous. Pourquoi ? Parce que révéler l'identité de sa jumelle pourrait la mettre en danger. Pourquoi une fois encore ? Car des loups pourraient la retourner contre elle ou la prendre en otage et, la dame blanche refuse qu'on touche à sa seule et unique faiblesse. Alors, pourquoi le dire à ce loup ? Bah … Il est Navnik, s'il croise Leikn et lui parle d'elle, la guerrière l'en informera d'elle même alors, y cacher à cette meute ne sert à rien.
« Enfin, tant qu'elle va bien, c'est tout ce qui m'importe. Bref. As-tu besoin d'autre chose ? »
Sa soeur ! Rien que ça ! Je m'en étonne, suis surpris de l'apprendre. Pourquoi n'être pas restées ensemble ? Pourquoi n'avoir pas suivi Leikn chez les Navniks, ou pourquoi Leikn est partie sans elle ? Il est vrai que ma vision de la fraternité est très fusionnelle, presque obsédante. Il est tout aussi vrai que toutes les fratries du monde ne se comportent pas toujours ainsi et que je suis peut-être un cas à part, de m'occuper autant des miens. Je pense un instant à lui poser des questions, à essayer d'apprendre à la connaître un peu plus. Après tout, il est peut-être temps que je m'intéresse à d'autres louves que Inka, et surtout il est peut-être grand temps que j'apprenne à connaître les membres de ma meute, ceux pour qui j'ai travaillé si dur ces dernières semaines dans le seul but de les nourrir et de les rendre assez fort pour leur propre subsistance.
- Enfin, tant qu'elle va bien, c'est tout ce qui m'importe. Bref. As-tu besoin d'autre chose ?
Je m'assieds sur la paillasse, lui faisant face. Les minutes qui se sont déjà écoulées me semble m'avoir fait du bien, et le marteau dans ma tête ne tape plus qu'en sourdine.
- N'as-tu pas peur pour elle ? Être si loin de ta soeur doit être une épreuve permanente, non ? C'est que maintenant que tu le dis, tu as une forte ressemblance. Peut-être tes yeux sont-ils différents.
Oui, je resterais bien quelques minutes de plus pour faire connaissance. Si ça se trouve, avec tous les loups qu'elle a rencontré dans sa carrière, elle connait plus de Navniks que moi. Alors pourquoi ne pas discuter un peu plus, si elle m'y autorise ?
Il s'installe, il veut taper la causette ? Soit ! Manîthil n'a que cela à faire après tout. Elle s'installe à son tour. Si son interlocuteur est assit, elle, elle s'allongea, prenant son aise, lâchant un long bâillement à s'en décrocher la mâchoire. Après tout, elle avait tellement travaillé dernièrement que ses heures de sommeil se font rare ou léger. Fouiller, chasser, soigner, dormir … Un quotidien dont elle commence un peu à se lasser. Secouant la tête, elle posa de nouveau son regard argenté sur le chasseur Navnik. A-t-elle peur pour sa sœur ? Oui. Être si loin est-il une épreuve ? Oui et non, ça dépend des jours et des détails. Enfin, visiblement, pour le mâle, cela semblait inconcevable d'être loin de l'un des membres de sa famille, du moins c'est l'impression qu'il donne.
« Elle a voulu s'enchaîner à une meute, c'est son choix, elle est suffisamment grande pour prendre ses propres décisions. Elle sait où me trouver de toute manière si elle a besoin de moi. »
Mais aura-t-elle un jour de nouveau besoin d'elle ? Avec ce qu'il s'est passé. Manîthil a tenté de montrer à sa sœur que ce qu'elle pensait été faux, qu'elle n'aime pas que elle en ce monde mais, aussi sa sœur. Après, si elle se sent bien parmi les Navnik, soit. C'est sa décision mais, jamais, Ô grand jamais, la dame blanche ne rejoindra la moindre meute ! Non, elle n'a rien à y gagner et tout à perdre.
« Je tiens à ma liberté. Je suis et je resterais solitaire, qu'importe sa décision. »
Car seul son petit confort compte, dans un sens … La blanche se gratte le cou de sa patte arrière avant de la reposer. En y repensant, Leikn lui manque et, il faudrait vraiment qu'elle aille lui rendre visite à l'occasion.
- Elle a voulu s'enchaîner à une meute, c'est son choix, elle est suffisamment grande pour prendre ses propres décisions. Elle sait où me trouver de toute manière si elle a besoin de moi.
Je l'observe en silence, j'essaie de comprendre son point de vue, de me mettre à sa place. J'essaie d'envisager ma vie si Sayian ne m'avait pas suivi, si Inka était restée loin de nous sur les terres libres. Non, ça n'aurait pas été supportable de m'inquiéter sans cesse pour eux. Je souffre déjà bien assez en ne sachant pas où est mon frère et ce qu'il fait, je n'aurais pas supporté l'idée de le savoir volontairement loin de moi.
- Je tiens à ma liberté. Je suis et je resterais solitaire, qu'importe sa décision.
J'inspire doucement.
- Je peux comprendre cette nécessité d'indépendance, mais en étant guérisseuse n'es-tu pas prisonnière à la fois des meutes et des solitaires ? S'ils ne quémandent pas ton aide, alors aura-tu un autre but à ton existence ?
Je pense à mon frère. Est-il enchaîné auprès d'une autre meute ? Cache-t-il quelque chose, quelque part ? Où est-il foutrement parti ? Je soupire, j'aimerais pouvoir entrer dans sa tête et savoir enfin ce qu'il peut bien fabriquer ailleurs qu'auprès des siens.
Manîthil penche la tête sur le côté. Prisonnière ? Prisonnière de quoi ? Ce sont les autres loups qui sont plutôt prisonnière d'elle. Sans elle, ils ne guérissent pas. Elle a le droit de vie et de mort sur leur existence alors, non, elle n'est point leur prisonnière, elle n'est prisonnière de personne. Jamais elle n'obéira à qui que ce soit, elle décide de tout. Même si certains croient pouvoir la commander, ils se trompent car, dans ces moments là, elle ne fait que par intérêt, elle a toujours tout fait par intérêt. La vie est un jeu, un jeu de survie et, elle passe maître dans l'art de la survie. Une meute ? Nullement besoin, elle se débrouille fort bien sans et même mieux en étant seule d'ailleurs ! Elle finit par lâcher un rire.
« Oh non mon beau. Je ne suis prisonnière de personne. Sans moi, beaucoup serait déjà mort, ce sont eux qui ont besoin de moi pour pouvoir vivre. Je n'ai besoin de personne pour avoir un but à mon existence. Mon but est de vivre mon cher, pas seulement survivre et, en étant seule, j'y arrive très bien ! »
Plus que bien même. Sa réserve de nourriture s'est bien entassé depuis quelques jours, sa tanière, même si froide et humide au premier abord, lui procure la chaleur et la protection dont elle a besoin. Elle n'a nullement besoin d'une meute pour veiller sur elle, elle a les Mercenaires pour cela. Elle n'a nullement besoin de chasseur pour la nourrir, elle se débrouille très bien en cela puis, ses patients ont parfois la délicatesse de lui apporter une proie en paiement, de plus, désormais, elle a accès au garde manger des Sekmet, quoi de mieux ? Non vraiment, la blanche se plaît dans sa petite vie. Elle ne demande rien à personne, elle laisse les autres demander, venir geindre à sa porte, la supplier. On la paye, elle soigne, elle ne dépend de rien ni personne.
« Je peux soigner qui je veux, je peux aller où je veux, je peux parler à qui je veux sans qu'une meute ne me dise quoi faire alors, pourquoi irais-je m'enchaîner. Mon statut de guérisseuse ne m'enlève aucune liberté, au contraire, elle m'en offre. Enfin, si un jour ma tendre sœur en a marre d'être un pion parmi tous dans votre meute, je lui offrirais volontiers tout ce que je possède et, elle ne manquera jamais de rien et ne se retrouvera plus jamais au milieu de guerre stupide. »
Protégé, nourrit, logé, Leikn serait au paradis. Pourquoi a-t-elle préféré une vie de meute à une vie auprès de Manîthil ? Certes, la blanche c'est isolé un moment avec son rejeton qu'elle a finit par abandonner puis, est revenu auprès de sa jumelle pour que, au final, leur chemin se sépare de nouveau … Si seulement elle pouvait arracher sa sœur aux pattes des Navnik pour l'enfermer dans sa propre cage dorée, une cage où elle serait reine et à jamais auprès d'elle ...
Elle se rit de ma réflexion, m'appelle encore "mon beau" malgré mon agacement visible.Et, dans le fond, elle a probablement raison. Sans elle, les solitaires n'auraient aucune chance de survie et puisqu'elle est là, moyennant paiement, elle permet à certains d'avoir la vie sauve. Moi même, je ne saurais dire ce qu'il serait advenu de moi sans sa présence sur les terres libres. Je n'aurais décemment pas demandé l'aide des autres meutes, qui ne pensent qu'à exterminer la mienne. Ils m'auraient ri à la truffe, m'auraient regardé mourir ou pire, m'auraient achevé. Alors oui, après tout elle a sûrement raison. Sa vision de la vie remet en cause les moeurs de toute notre espèce, mais je suppose qu'il faut bien des solitaires quelque part pour que les meutes se forment au fil du temps. Je ne donne pas davantage mon avis sur sa vie d'ermite, elle m'a convaincu. Et puis, la conversation revient à sa soeur. Elle lui donnera tout ? N'est-ce pas là sa faiblesse ? Je pars d'un sourire amusé, provocateur sans chercher à m'attirer ses foudres.
- Oh alors, la prochaine fois que j'aurais besoin de tes services, il me suffira de prendre ta soeur en otage !
Cependant je réalise qu'une louve prête à donner tout ce qu'elle possède à sa soeur, pourrait s'avérer susceptible sur le sujet ... Alors je me racle la gorge en un léger rire nerveux.
- Je plaisante, bien sûr ...
Autant vous dire qu'à choisir, j'aimerais autant qu'elle ne m'empoisonne pas dans mon sommeil, 'voyez ... J'inspire doucement et regarde dans la petite ouverture de sa tanière métallique. Je sens d'ici que l'air se rafraichit, et qu'il me faudra bientôt rentrer si je ne veux pas traîner ma carcasse convalescente au milieu des dangers potentiels.
Elle le fixe, plante son regard argenté sur lui, reste de marbre face à sa réflexion puis peu à peu, un sourire naquit sur les babines de la dame blanche. Oh oui, tu ferais mieux de plaisanter car, qui sait ce que pourrait faire Manîthil si un quelconque loup avait le malheur de poser la patte sur sa précieuse sœur ? Empoisonnement, traque par les sbires Mercenaires de Koschei ou, morte lente et douloureuse entre les crocs acérés de la belle blanche qui n'aura pas la moindre pitié d'ôter la vie du petit malin qui osera faire du mal à sa jumelle. Oh oui, Manîthil ne manque pas d'idée et de moyen et, elle n'aura aucune honte à recourir à la plus perverse des solutions pour se débarrasser d'un gêneur, d'un insecte.
« Oui, plaisante donc, cher Navnik. »
Lâcha-t-elle d'une voix à la fois mielleuse mais également méprisante. Leikn ? Son point faible ? Oh que oui ! Elle ne s'en cache pas, elle le sait et, c'est pour cela qu'elle déteste la savoir chez les Navnik, eux qui ont tant d'ennemies, comment pourrait-elle assuré la protection de sa moitié sans que celle-ci ne lui crache à la gueule qu'elle n'a nullement besoin d'elle ? Aucune idée, à moins de réussir à se tenir informer de ce qu'il se passe autour, des agissements des autres, ainsi de suite. Pas difficile en soit, maintenant qu'elle a le libre droit d'entrer et sortir des terres Sekmet sans que le moindre Sekmet ne puisse lui dire quoique ce soit. La vie est belle et oui ! Que demander de mieux ?
Manîthil se redresse et, alla farfouiller dans sa réserve pour choper deux mâcres nageantes. Elle se sent un peu raplapla sur le coup et décide de les consommer pour se ressaisir avant de retourne auprès de son « invité » et patient.
« Bien, je pense que les plantes ont fait suffisamment effet pour que tu te sentes au moins d'aplomb pour rentrer chez toi. Non pas que je te met à la porte mais, tu comprendras qu'à cause de cette épidémie, je n'ai que peu de temps pour moi, pour me reposer. Enfin, si tu croises Leikn, n'hésites pas à lui passer le bonjour de ma part. »
Qu'elle voit que Manîthil n'est pas le monstre sans cœur que sa sœur pense qu'elle est. Certes, elle soigne que par intérêt mais, elle soigne correctement, sans chercher à faire souffrir ou autre, enfin, tout dépend des moments … Elle lâcha un bâillement avant de secouer la tête puis, attendit que le mâle bouge de sa tanière pour aller piquer un somme ...
Je sens que la tension monte d'un cran, mais je sais que je suis le seul à blâmer alors je m'abstiens de tout commentaire sur la situation. Finalement, après de longues secondes d'un silence pesant, la louve immaculée s'éloigne dans les tréfonds de sa tanière et revient avec de quoi grignoter. Je la regarde avaler les plantes en silence, ne sachant pas trop où me mettre. Et, rapidement, la voilà que me demande de poser congé. Mais je comprends, elle doit être épuisée avec tous ces malades qui rampent devant sa porte. Alors, je me lève de la couche et m'éloigne vers l'entrée de sa tanière métallique.
- Je te remercie, ç'aura été un plaisir de discuter avec toi.
Et bien sûr, je ne manquerais pas de passer le bonjour à sa soeur si un jour je la croise. Je quitte les lieux sans plus attendre, et je retourne sur les terres Navnik dans un silence de mort.