Le soleil, bien que filtré par les nuages, tapait cruellement sur sa nuque et ses coussinets craquelés s'écorchaient sur la terre sèche. La vue de Leikn était trouble, et pas seulement à cause du filet de sang qui commençait à lui dégouliner paresseusement dans les yeux. Environ une heure auparavant, son optimisme à l'égard de ses blessures avait fini par déchanter fortement, lorsqu'une blessure près de ses oreilles, dont elle n'avait pas conscience, s'était rouverte. En outre, au fur et à mesure de ses trottinements, elle avait fini par ressentir la sérieuse impression que ses côtes frottaient les unes contre les autres, l'empêchant de respirer ; ses pattes, elles, étaient lourde comme du plomb. La tête lui tournait parfois.
Lei, tu es tombée d'une falaise. Une falaise.
Elle avait fini par s'en souvenir et convenir que ses blessures n'étaient peut-être pas si anodines que prévu. Impossible de déterminer combien de côtes elle s'était fêlée.
Enfin, considérant qu'elle s'était fait passer à tabac par des humains avant de se jeter du haut d'une falaise pour passer les deux jours suivants à errer en délirant dans les bosquets bordant la blessure... au final, elle s'en tirait à bon compte.
C'était déjà pas mal en soit qu'elle puisse se tenir sur ses pattes.
Non pas que ce soit la première fois qu'elle en vienne à tomber dans un ravin non plus. Heureusement qu'elle avait les os solides. Et épais. Elle remercia une nouvelle fois intimement son père de lui avoir légué sa carrure.

Seulement voilà, la louve blanche avait beau s'en tirer remarquablement bien jusque là, elle doutait de pouvoir aller beaucoup plus loin. Elle était repassée au pas une heure auparavant, incapable de soutenir la cadence. Désormais elle se demandait si elle n'allait pas devoir carrément s'arrêter, ce qu'elle avait évité de faire jusqu'à présent. Elle avait l'impression que si elle cessait de marcher, rien ne pourrait la faire repartir.
Malheureusement, très vite, des vapeur nauséabondes parvinrent au museau de Leikn et lui firent tourner la tête. Elle dû cesser sa progression et s'allonger à l'ombre d'un rocher, haletant. Ses côtes lui faisaient l'effet d'épines acérées sous sa peau.
Le lac d'acide. Elle s'était dirigée tout droit de la Blessure en direction de son territoire, mais le chemin était long. Elle savait pouvoir demander à un guérisseur de la soigner chez les Navniks, mais encore fallait-il parvenir jusqu'à eux.
La guerrière leva un instant le nez vers le ciel couvert : la tanière de sa soeur était bien plus proche, mais après sa dernière dispute avec 'Thil, elle aurait préféré s'arracher une patte que de revenir quémander quoi que ce soit auprès d'elle. La seule évocation interne de la guérisseuse suffit d'ailleurs à la faire grogner.

Visiblement, Leikn était bien trop concentrée sur ledit grognement et tout ce qui allait avec. A savoir, tornade de pensées désagréables sous son crâne, dont la moitié s'appliquaient à traiter sa soeur jumelle de tous les noms et l'autre à gémir sur l'absence de cette même soeur jumelle, qu'elle avait envers et contre tout du mal à supporter. A cela s'ajoutait la longue liste des noms d'oiseaux que Leikn s'appliquait à elle-même en se fustigeant mentalement pour s'être blessée aussi stupidement - quoiqu'assez héroïquement il fallait bien le dire, mais les deux allaient souvent ensemble.
Au final, tout ce joyeux capharnaüm battait du tambour avec enthousiasme sous son crâne, détournant son attention et lui infligeant les prémices d'un sérieux mal de tête.

« Excusez-moi... vous allez bien ? » Par voie de fait, elle sursauta. « Vous êtes blessée... » Reprit la voix inconnue.

La louve blanche releva les yeux et les plissa sur un congénère au poil tricolore, à moins de trois mètres d'elle, qui la fixait de ses yeux doux et écarquillés avec visiblement les meilleures intentions du monde. Le museau de la guerrière se plissa : c'était un mâle.

Leikn lui grogna donc dessus.
Franchement. Ses babines noires se relevèrent sur une dentition plus blanche que sa fourrure et ses yeux gris s'étrécirent, étincelants.
Elle en avait rien à foutre de ce qu'il pouvait avoir à lui dire. Ou de l'assistance qu'il pouvait vouloir lui offrir. Le simple fait de devoir le désigner par "il" rayait toute communication de la liste de ses possibilités.

« Non. Dégage. » Les mots sortirent de sa gorge en un son grave et rauque qui se mêlait presque indistinctement à son grognement.

Elle l'avait déjà vu quelque part ; un instant plus tard, le souvenir lui revint. Il s'agissait de l'otage esobek que les dirigeants navniks avaient capturés pour la guerre. Tactique de lâche selon elle, mais elle n'avait pas voix au chapitre. Et visiblement l'autre non plus.
Ceci dit, elle s'en foutait, et tout ce qu'elle voulait à l'instant même était qu'il dégage ses sales pattes de son espace vitale, puis l'intégralité de son corps de son champ de vision. Le mépris et l'antipathie suintaient par tous les pores de la peau de l'ancienne solitaire, sous sa fourrure maculée de sang.

Indépendamment de son grondement, la tête de Leikn se mit à lui tourner; ses yeux se fermèrent l'espace d'une minute avant de se rouvrir, brillants et toujours aussi menaçants.

Et il sourit en plus, ce bâtard. Le grondement de Lei s'intensifia lorsqu'elle songea qu'il avait l'air de bien se foutre de sa gueule. Est-ce qu'il imaginait que deux trois côtes cassées empêcheraient la louve blanche de lui foutre une raclée ? Désolée monsieur, j'achète rien de ce que vous vendez, fin de la discussion. Pas la peine de rigoler, range-moi ce rictus.
Sauf que loin de tourner les talons gentiment, le mâle s'approcha d'elle. Il n'avait pas l'air de craindre les crocs qui claquaient à un mètre maximum de sa fourrure, et c'était bien dommage pour lui. Cela dit, Lei aurait dû s'en douter : c'étaient tous les mêmes après tout, et ils n'en avaient rien à foutre de ce qu'on pouvait leur dire. La seule chose qu'un individu de ce sexe pouvait apporter, c'était des emmerdes, un mal de crâne et une violente réaction allergique.

« Je peux vous soignez, laissez-moi vous aider. A moins que vous rendiez visite à la guérisseuse solitaire ? » A ces mots, c'est même un aboiement de colère qui s'échappe de la gueule de Leikn. « Vous ne pouvez pas rester dans cet état. Je partirai lorsque je vous aurai soigné. C'est un bon compromis ?! »

Alors déjà, elle restait dans l'état qu'elle voulait, et si elle voulait crever là, maintenant et sur place, c'était son problème et ça la regardait. Monsieur les-yeux-doux n'avait pas voix au chapitre. C'était même le dernier à devoir ouvrir la gueule. Sans compter que parmi tous les sujets qu'il aurait pu aborder, il avait choisi le plus improbable et celui qui mettrait le plus Leikn en rogne. Bien joué, petit cœur. Maintenant que tu as fait ton numéro de compassion dégoulinante et fait semblant d'être un bienfaiteur anonyme venu aider son prochain sans chercher de rétribution, tu te casses. Leikn lança un aboiement rauque :

« T'es sourd, ou seulement attardé ? Je veux que tu te casses de là ! Tu m'approches pas, tu me touches pas, tu retournes t'amuser avec ton engeance de merde et tu me fous la paix ! »

A nouveau un vertige la saisit, et elle dut puiser dans ses forces pour ne pas poser la tête au sol en attendant que le monde cesse de tourner. Est-ce qu'il la pensait stupide, d'abord ? Les créatures de son espèces ne faisaient jamais rien de désintéressé ; sans compter qu'il restait un otage de la meute de Lei. La guerrière n'était pas idiote au point de croire qu'il hésiterait à l'empoisonner à la première occasion.
Et si ce n'était pas cela, alors il irait bien lui rappeler sa dette à un moment ou un autre, de préférence de la manière la plus désagréable qui soit. De toute façon, Lei ne voulait pas d'une dette envers un mâle. Plus jamais elle se ferait avoir avec ces histoires à la con.

« Je ferai aucun marché avec toi, tu peux remballer tes faux airs de saint, ça marche pas avec moi. »

Et ne parle plus jamais d'elle. Il faut avouer que chez Lei, la colère résiduelle avait une fâcheuse tendance à prendre des proportions démesurées. Voire incontrôlables. La louve continua de surveiller l'esobek de ses yeux d'un jaune fiévreux, résolue à lui balancer un coup de croc à la minute où il arriverait à sa portée. Elle était encore assez en forme pour faire ça.

Il voulait vraiment pas se barrer. Leikn le voyait bien à travers les nuées de papillons noirs qui obscurcissaient sa vue et qu'elle chassait par des battements de paupières de plus en plus fréquents. Il voulait pas partir parce qu'il croyait qu'elle allait crever sur place s'il la laissait là. N'importe quoi. Elle faisait juste une pause. Elle avait juste pris un ou deux coups sur la tête. Elle avait fait le chemin jusque là, non ? Et après tout, elle était mastoc comme spécimen. C'était pas une ou deux pichenette, voire une petite falaise, qui allaient la tuer.
Franchement, quel guérisseur ne pourrait pas voir ça ? Amateur.
Leikn avait beau grogner toute sa mauvaise foi pour elle-même, cela ne faisait pas déguerpir l'importun.

« Non je ne suis pas sourd, ni même attardé. On m'a appris à aider ceux qui en ont besoin. Et je peux me montrer aussi têtu que vous. Je ne vous toucherai pas sans votre autorisation, par contre je ne vous laisserai partir. Ce serait contre ma nature. »

Ah parce qu'en plus il avait l'intention de la bloquer là ? Il voulait quoi, qu'elle meure de faim ? Parce que là ouais, clairement, c'est ce qui allait se produire ! Leikn claqua des mâchoires avec colère à ces mots. Malheureusement, elle avait les muscles de plus en plus engourdis, et la fatigue tombait sur ses épaules comme un grand oiseau noir.

« Que vous me croyiez pas, ou que vous ne me faites pas confiance m'importe peu. J'ai vu trop de loups autour de moi mourir de blessures aussi superficielles que la vôtre. Si je suis devenu guérisseur c'est pour empêcher que cela continue. Mordez-moi, griffez-moi, mais je resterai là devant vous jusqu’à ce que vous acceptiez. Je promets de vous laisser tranquille, et de m'en aller. Demandez-moi ce que vous voulez, que je goûte le médicament avant de vous le donner ? Que je m'éloigne pour préparer le médicament ? Je ne partirai pas sans vous soigner. Maintenant c'est à vous ! »

Putain d'emmerdeur. En plus la longueur de son discours faisait mal au pauvre crâne de Leikn. Incapable de garder la tête haute plus longtemps, elle la posa sur ses pattes, sans pour autant cesser de darder son regard furieux sur l'esobek.
Un temps passa, étiolant le silence entre eux. Au loin, un croassement faible parvint à Lei. Petit à petit, elle se mit à songer avec fatigue que de toute façon, le guérisseur navnik était tout aussi mâle que celui-là. Sans compter que l'otage avait l'air déterminé lorsqu'il affirmait ne pas la laisser repartir d'ici ; et que, incapable de se relever comme elle l'était, elle ne risquait pas de lui coller une raclée.
Devait-elle considérer cela comme une menace, en dépit de ses belles paroles sur le refus de la souffrance dans le monde ?
Oui, absolument. Ces sales bêtes mentent comme elles respirent, souviens-t-en Lei.

« J'te fais pas confiance. » Un grondement.

Mais elle n'avait pas le choix. Cependant, après avoir vu toute sa vie sa mère et sa soeur procéder, elle ne parvenait pas à comprendre l'otage, et encore moins à le croire. Les guérisseurs solitaires soignaient contre rétribution, pour vivre. Les guérisseur des meutes soignaient contre protection, parce que tel était leur rôle. Pourquoi un guérisseur, un mâle de surcroît, aurait-il voulu faire un geste désintéressé ? Qu'on aille pas lui faire croire qu'il aimait son prochain, tout simplement, ou alors elle allait hurler de rire.
Lei ferma les yeux un quart de seconde.

« Tu goûtes. Avant. Essaie pas de m'empoisonner. Et après tu te casses. »

Elle sentait déjà qu'elle allait détester ça.

De ses yeux jaunâtres mi-clos, Lei observa les moindres faits et gestes du guérisseur. Chacun d'entre eux lui rappelait douloureusement sa sœur : tant de fois elle avait vu Manîthil esquisser ces mouvements répétitifs sans jamais en comprendre la signification ! L'odeur de la lavande assaillit son museau, et entre deux papillons noirs elle distingua une liasse de feuilles séchées qu'elle aurait sans doute pu reconnaître si elle était moins dans le cirage. C'est qu'à force de regarder Thily faire, Leikn avait finir par identifier de nombreuses plantes. Mais elle n'en était pas moins incapable de déterminer si le loup était en train de préparer l'instrument de sa guérison ou de sa perte.
L'impuissance la fit grogner une fois de plus. Mais l'esobek n'était visiblement plus à cela près.

« Et voilà. Bon, c'est pas un médicament très appétissant, mais il est efficace ! »

Leikn le regarda goûter à sa propre préparation, avant de s'approcher avec méfiance et d'avaler le reste sans plus d'histoires. De toute façon, elle avait déjà cédé ; faire plus de manières n'aurait été que coquetterie. Et le ciel savait que Lei était tout sauf coquette.

« ... Tu fais des trucs moins ignobles que ma soeur. » Lâcha-t-elle pour tout commentaire.

Cela dit, elle avait toujours soupçonné Manîthil de faire ses mixtures les plus infectes possible. Pour pousser ses patients à guérir plus vite et les dégager à grands coups de pattes, ou alors pour les rendre encore plus malades, ça c'était encore à déterminer. Quoi qu'il en soit, elle ne trouvait pas que le remède préparé par ce bon samaritain étrangement tombé du ciel ait un goût si affreux que cela.
C'était peut-être le plus louche.
Mais il l'avait goûté aussi, et Leikn devait donc bien se rendre à l'évidence.

Elle posa la tête sur ses pattes maculées de terre - un moyen comme un autre d'empêcher le monde de tourner autour d'elle.
Et puisqu'elle en était là, la guerrière laissa tomber la question la plus banale du monde dans leur situation :

« Pourquoi tu m'aides ? »

Un grognement.

« En plus t'es otage de ma meute, j'te rappelle. T'es légèrement censé nous détester. »

Légèrement.

Il était. Un peu. Bizarre. Leikn lui jeta un regard torve qui pouvait autant signifier "t'es bête ou quoi ?" que "wow trop cool ta vie" ou "j'aime bien les pâquerettes". Elle ne releva pas tout ce qu'elle trouvait de dingue dans son discours. D'une part parce que discuter du bien et du mal avec un individu de la gent masculine était bien la dernière chose dont elle avait envie dans la vie en générale, et ensuite parce que, mal de tête aidant, elle n'était même pas certaine d'avoir bien compris ce qu'il racontait. Enfin, son discours était tellement empreint de mignonnitude - oui il fallait bien un mot pour inventer ça - et d'empathie dégoulinante que Leikn avait du mal à croire qu'il fut vrai. Peut-être qu'elle hallucinait. Sûrement qu'elle hallucinait. Un individu pareil, fallait bien qu'elle l'hallucine.
Tiens, si ça se trouve il n'existait même pas et elle était en train de mourir d'anémie comme une idiote.

« Tu as parlé de ta sœur ... elle est guérisseuse ? »

Leikn plissa le nez, faillit répondre quelque chose de désagréable... puis laissa tomber.

« Ouais, c'est la pas aimable qui habite dans la forêt avec les humains qui pendent des arbres. »

Maintenant elle espérait que le mâle n'était pas un de ceux que Thil avait été escroquer/embobiner/torturer/trahir ou quoi que ce soit impliquant un produit de mauvaise qualité ou un empoisonnement accidentel, parce que sinon elle était dans de beaux draps.
... Quoique, vu ce qu'il venait de lui sortir, l'esobek était sûrement du genre à tendre la deuxième oreille quand on venait de lui arracher la première. Leikn commençait à penser que quelle que soit la situation, elle ne risquait pas grand-chose.

« Tous les esobeks sont comme toi ? » Demanda-t-elle sans chercher à cacher son scepticisme face à la façon de penser du mâle.

C'est qu'elle ne pensait pas que le monde soit tout doux, elle, pas du tout. C'était comme si leurs yeux voyaient deux mondes différents, alors.
Quelque part, c'était un mâle hein, alors c'était sans doute le cas. Ça avait un peu de la merde dans les yeux, ces bêtes-là.

Bon, apparemment l'esobek n'était pas des ennemis de Manîthil. Cela dit, des ennemis déclarés, la guérisseuse au poil blanc n'en avait pas tant que ça non plus : difficile de ne pas être en bon terme avec la personne qui peut autant vous sauver la vie quelle que soit votre clan, que vous foudroyer sur place avec une infime quantité de plantes savamment sélectionnées. Le pouvoir de la louve était considérable ; plus grand encore que celui que confère la force. Leikn l'avait compris sur le tard.
Quoi qu'il en soit, tant mieux pour elle.
Le guérisseur lui jetait des regards curieux. Lei plissa les yeux et les leva vers lui. Quoi.

« Tu veux dire quoi par comme moi ? »

Elle battit des paupières. Ils vivaient vraiment dans deux mondes différents.
Quelque part, cela la rendait presque curieuse.

« Naïfs ? Remplis de bons sentiments ? J'sais pas trop. » Marmonna-t-elle avec méfiance.

Ce n'était pas forcément un mal, pensait-elle tout au fond, mais elle aurait préféré se couper la langue que de l'avouer.
Et puis, elle ne pensait pas qu'une telle façon de penser puisse aider qui que ce soit à avancer dans la vie. Plutôt le jeter de désillusion en désillusion.
Mal à l'aise, la louve blanche jeta finalement, d'un ton redevenu plus dur :

« Alors, je vais crever ou pas finalement ? »

Ce que lui racontait Lei avait l'air de bien faire marrer le guérisseur, dont l'air amusé refusait catégoriquement de quitter le museau. La louve blanche sentait bien qu'elle aurait dû être énervée, même carrément énervée par cette attitude. Mais elle était trop fatiguée pour cela.

« Naïf je ne sais pas trop, » répondit l'otage, « on est tous différents aussi chez les Esobek. Après nous les guérisseurs Esobek sommes pacifiques, du coup oui on peut dire qu'on est remplis de bons sentiments. Je ne peux pas généraliser à la meute entière si c'est ta question. Certains sont plus agressifs, mais l'agressivité est différente des Sekmet par exemple... »

Drôlement objectif, songea Lei. Il parlait vraiment comme s'il n'était ni inquiet de son sort, ni furieux d'être retenu loin des siens. La louve blanche savait comment elle aurait réagi à sa place. Mal.

« Non, tu ne va pas mourir, aucune inquiétude ! » Répondit-il ensuite à son ironie. « Tu sera rétablie dans quelque heures ou après une bonne sieste par exemple. »

Je nage vraiment en plein délire. Leikn secoua la tête, mi-agacée, mi-satisfaite. Cela lui donna la migraine. Elle abandonna.

« J'vais pioncer un coup alors. Hein. Reste pas là à me fixer ça me stresse. » Grogna-t-elle.

Et sans aucune compassion pour la politesse la plus élémentaire, la guerrière se retourna contre la pierre, tournant résolument le dos à son sauveur. Pour la reconnaissance, on repassera ; inutile de préciser qu'un "merci" sortant de sa gueule relevait du domaine de l'éthéré imaginaire.
La tête posée sur les pattes et les oreilles légèrement inclinées vers l'arrière, Lei attendit que le mâle s'en aille ; après tout, il avait eu ce qu'il voulait. Le vexer lui importait peu, et de toute façon il semblait tellement sous LSD gentil que cela n'arriverait peut-être même pas.
Cependant, au bout de quelques secondes de silence, son nom se fit entendre dans l'air froid. Lei mit un moment à comprendre qu'il était sorti de sa propre bouche, et ne comprit pas pourquoi.

« ... Leikn. »

Mais, étonnée ou pas, elle ne se retourna pas. Pour elle, cela en resterait là.