Les coussinets du loup brun foulèrent la terre battue avec délicatesse. Une fine poudre collante et brune qui s'inséra entre ses doigts sans provoquer de gêne, autre que de tacher pour un moment le bas de ses pattes. Inutile de préciser que Zwey ne s'en souciait que peu, alors qu'il se faufilait le plus discrètement possible entre les barrières de bois défoncées qui marquaient l'entrée du territoire des hommes. Saphir sur ses talons, il avait gagné le village en silence, dépassé la citerne, puis s'était gentiment coulé dans l'enceinte sans alerter qui que ce soit. Derrière lui, sa jeune apprentie n'était pas plus bruyante qu'une ombre.
A présent, les deux loups se tenaient derrière une maison branlante aux fenêtres éteintes qui n'avait que peu d'intérêt pour eux.
Plus intéressants étaient les clapiers alignés derrière la remise.

« Alors ma belle. Tu seras peut-être moins timide avec des hommes et des chiens. » Murmura Zwey à l'adresse de son apprentie.

Ils se trouvaient à quelques mètres, une distance de sécurité convenable. Zwey avait choisi des lapins plutôt que des poules pour minimiser les risques de raffut.
En revanche, un chien se tenait un peu plus loin, sur le flanc opposé de la maison, avachi et ensommeillé. Il ne l'avait pas signalé à Saphir, préférant voir si elle le remarquerait toute seule - à priori oui. C'était à elle de jouer.
Histoire de, il serait sur ses talons. Zwey ne savait pas résister à une proie facile.
Il donna un coup de queue contre la patte de Saphir en guise de top départ.

« Je te rejoins. Me déçois pas. »

Spoiler:

Zwey s'installa confortablement dans les fourrés pour observer la progression de son apprentie. Il espérait qu'elle n'allait pas rater son coup cette fois, car dans le cas contraire c'était une très longue nuit qui les attendait... En effet, le loup brun n'avait pas été formé pour écouter les complaintes et respecter les heures de sommeil réglementaires. Son mentor à lui avait été tenace et sans pitié, sadique même parfois. C'est fou comme il adorait cette louve. En tout cas il suivait aujourd'hui ses principes à la lettre.
Enfin presque. S'il y avait été aussi fidèle, il se serait levé pour aller réveiller le chien, là-bas.
Ce qu'il ne faisait pas, par paresse. Ou par une faiblesse de caractère bien spécifique à l'apprentie entraînée. Mais passons.
L'approche de Saphir était bonne, nota-t-il ; bien qu'elle mette vraiment longtemps à parvenir à destination. Elle était hésitante, mais considérant que le chien avait vraiment failli s'éveiller, ce n'était pas plus mal. Tout en observant sa démarche, Zwey songea qu'il ne pourrait jamais tout à fait changer sa timidité naturelle pour la rendre plus affirmée et vaillante : c'était là sa nature, une composante essentielle de son être qui ne pouvait être modelée. De plus, cette introversion n'empêchait pas la petite louve de posséder une certaine dose de courage.
Sans doute plus que son mentor lui-même, en y pensant. Mais il n'était pas vraiment une référence sur le sujet.
Sans faire de commentaire, Zwey observa Saphir se glisser jusqu'aux cages et attaquer le grillage avec ses crocs. L'entreprise lui parut durer une éternité. Il se souvenait lui avoir dit qu'il la rejoindrait, mais il n'en fit rien : de ce qu'il voyait, elle se débrouillait très bien toute seule.
Quelques minutes plus tard, la jeune louve revenait vers lui, son trophée entre les crocs. Zwey se remit sur ses pattes et s'ébroua.

« Beau travail ma cigogne. »

Un coup de museau dans le cou et un coup de langue sur le museau, puis il fit volte-face.

« Allez viens, on rentre. »

Et il prit le chemin du retour.

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