Depuis les derniers raids des Maîtres, on les avait laissé assez libres de mouvement. Les chiens pouvaient aller et venir où bon leur semblait sur toutes les terres, à condition qu'ils rentrent avant la nuit. Wang avait accompagné son Maître dans une longue partie de chasse, il avait donc préféré se prélasser devant sa maison au lieu de vadrouiller Dieu seul sait où avec ses compagnons de meute. Ils étaient tous devenus fous ces derniers temps : tous voulaient tuer du loup. Wang ne faisait pas exception à cette règle, mais aujourd'hui il était fourbu, et il s'allongea donc tranquillement sur la terre meuble dans un soupir de contentement, le museau posé entre les pattes antérieures, les yeux mi-clos.

Le sommeil commençait à fermer lentement ses paupières, et il commençait à tanguer dans les bras de Morphée, lorsqu'un léger bruit attira son attention. Ses oreilles se redressèrent, et il ouvrit lentement un oeil. Fruit de son imagination ? Plus rien ne se faisait entendre. A nouveau, alors qu'il baissait sa garde, le bruit se fit entendre. Cette fois, plus de doute possible ! Il y avait quelqu'un - ou quelque chose - derrière la camionnette de son Maître ! Il se releva brusquement, le poil hérissé sur sa nuque. Ça sentait le loup. Comme quoi, pas besoin de vadrouiller par-delà les forêts pour tomber sur une de ces sales bêtes ! Un grondement souhaitait sortir de sa gueule, mais il se contint, avançant rapidement et en silence jusqu'à la camionnette. Il aurait cet intrus en fourbe. S'abaissant légèrement devant l'une des portes, il vit les pattes du loup de l'autre côté. Il contourna le véhicule sans bruit, et sa présence ne s'annonça que dans un grognement agressif, une fois qu'il eut bondit sur le dos du corps étranger. Il attrapa son échine entre ses mâchoires puissantes, serrant de toute sa force. Il se laissa choir sur le flanc, entraînant son adversaire dans sa chute, bien décidé à le retourner pour lui ouvrir la gorge.

Le loup résiste, et Wang peine à le faire chuter : leur force est presque équivalente, et le loup pèse son poids ! Comble de la déception, il parvient à son but mais tombe avec l’ennemi sur le sol. Il refuse de lâcher prise, enserrant fermement de ses mâchoires la chair de l’infâme prédateur, mais ce dernier lui échappe, inexorablement. Et, souple comme un chat, le loup se retourne pour planter ses sales crocs dans sa gorge faible et exposée au danger.
Le chien se tortille sous l’emprise du prédateur : il ne va pas mourir aujourd’hui ! Que dirait le Maître s’il le voyait dans cette posture ? Que diraient les autres chiens ? Wang grogne, bat des pattes avec frénésie, et ses griffes rencontrent presque par chance le poitrail de son ennemi, qu’il lacère furtivement.
Le secret de sa libération ? Le chien dégagea une de ses pattes antérieures pour venir frapper le museau du loup à plusieurs reprises, jusqu’à ce que ce dernier finisse par le lâcher. Le molosse se redressa rapidement, le poil hirsute et les crocs découverts, grondant comme une bête sauvage. Il avait eu chaud, cette fois-ci : le loup aurait pu lui ouvrir la gorge en moins de deux.
Il lui fallait de l’aide. Il se détourna de son rival et fonça droit vers la maison du Maître, bien décidé à rallier l’Homme et son fusil à sa cause.

Wang avait à peine eu le temps de parcourir une centaine de mètres que déjà, on l'intercepte dans sa course ! Il est violemment propulsé en avant, durant quelques secondes durant lesquelles il se dit que ce loup est vraiment décidé à lui faire la peau... Les deux canidés roulent sur le sol dans un concert de grondements et quelques morsures sont distribuées à la volée.
Mais la mêlée s'interrompt brusquement : quelque chose vient de craquer dans le crâne du chien. Le loup s'est écarté, il ne le sent plus près de lui. D'ailleurs, il ne sent plus rien du tout. La terre tourne violemment autour de lui, et il entend son coeur battre à ses tempes. Pourtant, il ne bouge plus !? Le chien, puisant dans des ressources inconnues de la force, se relève en titubant. La terre tourne encore plus vite, et la silhouette du loup est trop vague pour qu'il puisse l'attaquer. Il titube, puis finit par s'écrouler. Le noir est complet.

Le chien vient de perdre connaissance. Peut-être est-il mort, ou juste inconscient ? Il vaudrait mieux ne pas s'attarder...