Un promenade, une vraie. Rien que pour moi. Je ne penserais qu'à moi pendant une journée. Une amie de la meute m'as gentiment remplacée dans mon rôle, voyant que j'avais un peu de mal ces temps-ci à me concentrer et je la remercierais en revenant de ma balade. C'est donc en écoutant que mon envie de liberté et de reprendre mon souffle, que je traversa la forêt et sortie sans encombres de celle-ci, direction le sud. Le territoire des Esobek était maintenant derrière mon dos. Je voulais seulement prendre l'air et m’aventurer en dehors de nos terres était peut-être dangereux mais qu'en avait à faire? Je souhaitais penser à moi et uniquement à moi. J'arrive sur le sable encore un petit frais du au fait qu'on est encore le matin. Je regarde mes pattes s'enfouir dans le sol et disparaitre. J'ai une soudaine envie de courir, mais lorsque je relève la tête, j'aperçois un loup.

Je m'approche discrètement pour qu'il ne me voit pas, reste derrière lui. Il est trop mignon à vouloir retirer les herbes de son pelage, tel un louveteau, il parle même tout seul. Alors, comme je le vois galérer, je décide de l'aider. Doucement, je m'approche et lui retire une boule d'épine bien accrochée dans son dos. Il a du donc remarquer ma présence. Je reste debout, remuant la queue et bougeant les oreilles, la boule un instant dans la gueule avant de la recracher.

« Bonjour, toi »

Je reste encore un instant, à l'observer. Je ne sais pas pourquoi, et c'était bien la première fois, que je suis gentille avec un autre loup que ceux de ma meute. En dehors de Mambo, mais c'est une exception, comme c'est ma mère adoptive. Je bondis sans prévenir sur lui, nous faisais basculer tout deux à la renverse dans le sable, roulant. Je riais et me relevait, prête à recommencer l'expérience mais avant, je tenais à voir sa réaction. J'attendais calmement, pattes avant posées sur le sol, arrière train relevé, langue presque pendante. On aurait pu croire l'un des animaux domestiques de ces humains, les chiens. J'étais de bonne humeur et je voulais le montrer. Allez, joue avec moi s'il te plait. J'en avais tellement besoin pour oublier tout ce qui me tourmente en ce moment.

Tu étais bizarre, face à moi, toi le loup sauvage et solitaire, visiblement ébouriffé. Cette posture te montrait imposait et pourtant, je n'avais pas peur. Au contraire, je voulais que plus jouer avec toi, me coller à toi et rire. J'avais besoin d'évacuer et tu étais là pour ça, au fond de moi, je sentais que tu étais plus déboussolé qu'autre chose, mais je savais aussi que tu n'étais visiblement pas méchant. A ta question, je me relevais doucement, tournant la tête sur le coté.

« Tu.. ne sais pas jouer ? »

J'étais perplexe face à la situation qui se tramait devant moi. C'est vrai qu'il avait l'air de mon âge mais quand même, on ne pouvait oublier comment jouer, non ?

« Je vais t'apprendre alors ! »

Je me ruais de nouveau sur lui, lui mordillant les oreilles alors que tout mon corps était rendue sur lui. Je pourrais l’aplatir s'il n'était pas aussi fort. Avec peine, j'essayais quand même de le faire jouer avec moi. Mordillant ses pattes, sautant à droite et à gauche, grognant par amusement, je ne m'arrêtais pas pendant plusieurs minutes. Puis, essoufflée, je roulais sur le sol et regardait le loup devant moi.

« Ca détends, tu devrais essayer! »

Puis, une fois mon souffle retrouvée, je repris.

« Je suis Eden, et toi ? »

Roulant sur le coté, je restais pourtant couchée sur le sol. Regardant autour de moi, j'humais l'air frais et en pris une bonne bouffée. Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas baladée en ces lieux, sur ce sable.Doucement, j'enfouis mon museau dans le sable et respira un grand coup. Grosse erreur. Voilà que je commençais à m'étouffer et tousser, comme une louve qui ne savait pas que le sable piquait. Paniquée, je me jetais à l'eau d'une traite, sans réfléchir. J'en ressortis trempée et légèrement humiliée de la situation, mais plutôt que de me sentir mal, je ris de bon coeur.

Alors qu'il se rapprochait de moi, je décidais de lui bousculer l'épaule avant de lui répondre dans un sourire joyeux.

« Tutoie moi et t'es toujours aussi... »

Je m'arrêtais un instant pour l'observer. Il était visiblement paniqué de la situation qui se déroulait devant lui. C'était si horrible de jouer? C'était étrange. Je m'assis donc et l'observa toujours avec cette curiosité. Il était visiblement trop habitué à la solitude pour avoir ce genre de rapport avec d'autres loups.

« ... coincé? »

Je finis par sortir la fin de ma phrase, avant de continuer, sur un ton plus sérieux.

« Tu ne dois pas avoir beaucoup d'occasions de jouer, je me trompe? Etant nourrice, je fais cela tout le temps et je peux te dire que c'est... épuisant ! »

Je repris, après une bouffée d'air frais.

« Je suis des Esobek, au fait ! »

Autant lui dire. Le cacher n'apporterait rien et je ne sentais pas l'odeur des Sekmet sur lui, donc cela devrait bien se passer. Il me semblait, du moins.

Je finis par me coucher de nouveau et me rouler sur le sol, regardant toujours le beau brun visiblement apeuré mais qui s'obstinait à ne rien montrer. Alors, je décidais de le prendre en main. Comme un louveteau. Il fallait lui apprendre, c'était pas dur. Je bondis une nouvelle fois sur lui et le mouilla de toute mon eau au passage, puis, repartais de l'autre coté, je lui lançais avec taquineries.

« Attrapes-moi si tu peux ! »

Je me mis à m'élancer sur la plage, le sable volait sous mes pattes et espérait qu'il me suive dans ma course. Même s'il n'aurait surement aucun mal à me rattraper, je m'obstinais et fonça tête baissée. Voyant que l'ambiance était à la joie, je finis par me mettre à rire et hurler mon amusement pendant que mes pattes me portaient à travers la plage. Je filais comme le vent, laissant le vent me guider et finit par glisser et m'étaler sur le sol, riant de plus belle. Me calmant, je regardais autour de moi sans apercevoir le loup. Mais où était-il passé? Étonnée, je me relevais et n'arrivais pas à sentir son odeur à cause du vent. Assise, j'attendais patiemment. J'avais déjà perdue un compagnon de jeu ? Soudainement triste, les secondes me semblaient des heures.

J'attendais alors, encore joueuse, quand une masse imposante me tomba dessus, sans prévenir, tout crocs dehors. J'eus presque peur avant de reconnaître le visage de Kiriac en face de moi. Ou plutôt, au dessus de moi. Je le regardais avec un regard mélangé d'inquiétude et d'incompréhension. J'attendis sagement qu'il se relève, nullement effrayée, juste écrasée sous le poids. Il se releva, comme affolé par ce qu'il venait de faire. Je voulais le rassurer, mais il ne m'en laissa pas le temps et partit tel un borné. Secouant la tête, je souriais toujours et bondit devant lui pour lui barrer le passage.

« Hé, toi ! »

Je voulais qu'il voit que j'étais nullement perturbée.

« C'est un début ! Mais on évite les crocs méchants et le regard qui tue, d'accord? »

Je souriais encore, tête sur le coté. Je voulais qu'il soit mon ami, celui avec qui je m'amuse parce que j'en avais grand besoin. Il le sera, qu'il le veuille ou non, je lui apprendrais à devenir quelqu'un de marrant quand il le faut. J'étais sûr qu'il n'avait pas un mauvais fond, il ne savait juste pas comment l'exploiter.

Je m'assis devant lui, prête à donner un nouveau cours.

« Alors, pour notre prochaine leçon, on va apprendre ... »

Je regardais autour de moi et ne trouva que la mer comme distraction. Malicieuse, je me rua sur lui, sans crier garde. Nous roulâmes tout les deux dans le sable jusqu'à atteindre l'eau qui nous éclaboussa. Je bondis dans l'eau et avança dans l'étendue bleue. Elle n'était pas très froide et très agréable. Je regardais mon nouvel ami qui était loin de moi maintenant. Je décidais donc de revenir vers la berge et de me secouer. L'odeur de Len emplissait mes narines et j'en aurais presque gémis mais je me retenais. Je pensais qu'il devait surement la sentir lui aussi et se demander ce que l'odeur d'un Sekmet faisait sur moi. J'espère qu'il ne me le demanderait pas, je ne savais quoi répondre à cette question pour être franche.

« .. à rire. »

Finissais-je ma phrase. Car oui, il n'avait encore pas ris une seule fois. J'espérais trouver son point faible et m'entrepris de lui mordiller les cotes, le flanc, jusqu'au museau. Je réitérais l'opération, encore et encore, jusqu'à me retrouver sur lui. Je ne me souvenais pas de comment, ni par quel miracle je me retrouvais sur ce loup imposant mais cela ne disait rien de bon. Pourtant, comme pour lui montrer que je n'étais pas agressive, au cas où il ne l'aurait pas saisi, je m’empressai de lui glisser une petite léchouille sur la joue avant de me retirer et de me secouer de nouveau.

Je me séchais doucement, attendant avec le temps que cela passe et que l'odeur disparaisse.

Je souris quand il parvint enfin à lâcher ne serait ce qu'un rire, même silencieux. J'étais fière de moi et de ce que j'avais entrepris. J'avais réussi à faire oublier ne serait-ce que l'espace d'un instant ce monde dans lequel nous étions par le simple fait de mes actes et de ma présence. J'étais très contente et mon humeur n'avait pas changer d'un poil, si bien que j'étais perdue dans mes pensées lorsqu'il me posa cette question que je ne m'étais alors pas posée jusque là. Doucement je relevais la tête, observant le jeune loup et visiblement plus sage que moi et lui sourit de nouveau avec encore une fois l'envie de le faire rire et ne plus poser de telles questions sans aucuns sens. Mais je m'entrepris de lui répondre.

« Hé bien. J'étais de bonne humeur. J'avais envie de la faire partager mais tu semblais ne pas savoir t'amuser... Alors il fallait bien que je te l'apprenne ! »

Je riais de plus belle jusqu'à ce que mes oreilles les entendent. Encore une fois, eux, les chiens. J'entendais les hurlements, les coups de fusils et les grondements de leur véhicules. Ils sont là, bientôt tout prêt. Nous serons pris au piège entre la mer et eux. C'était inévitable. Intérieurement, je paniquais, me demandant si lui aussi les avait entendus. Sans réfléchir, je passa à coté de lui en lui mordillant la nuque.

« Viens ! Cours ! »

Je m'élançais à travers la plage. Deux loups sur une plage, c'était tellement évident à remarquer. Pourquoi n'y avais-je pas pensée plus tôt ? Je m'en voulais de ma bêtise d'être restée à découvert trop longtemps. Alors que mes pattes courraient sur le sable, je cherchais une sortie, la sortie de la plage. Mais les bruits et sons venaient de partout et je ne savais pas quelle était la meilleure idée. Allez dans la forêt ou continuer à courir sur le sable fin. Nous étions peut-être finis, mais ma bonne humeur avait soudainement fait place à un instinct de survie.

Je me retournais, légèrement paniquée, cherchant le compagnon de jeu qui n'était autre que Kiriac derrière moi. Mais il m'avait déjà devancée et je repris donc ma course essayant de le suivre. Il me distançais. Peut-être un peu trop. Les grondements des moteurs se rapprochaient. Je pouvais entendre distinctement les claquements des dents de ces chiens. Les voilà. Sur l'autre bout de la plage, une percée se fait et l'on aperçoit les traqueurs. Et ils étaient là pour nous.

Je courais aussi vite que je pouvais mais rien n'y faisait. Je n'étais pas rapide, même si c'était ma plus grande qualité que je pouvais développer à cet instant, je l'étais surement moins que ces chiens qui nous traquaient. S'en était peut-être finit de moi et lorsque je sentis des pattes m'appuyer fermement sur le dos, m’obligeant à me plier sur le sol, je n'eus d'autre choix que d'hurler ma peine d'avoir été ainsi capturée. Des images défilaient en moi, des images de mort, de peur et surtout, de souffrance. Mais je remarquais alors que ses crocs me pressaient la nuque, que les humains avaient abandonnés la poursuite et c'était déjà un bon point.

Je ne voulais en aucun cas que mon nouveau compagnon de jeu subisse le même sort. Alors que je m'écroulais sur le sol, je vociférais comme un ordre.

« Fuis ! »

Je voyais alors les chiens nous encerclés. C'était peut-être trop tard pour la fuite en fin de compte. Mais il ne semblait pas vouloir nous blesser, du moins ils attendaient peut-être un ordre et leur maitre n'étant pas là, il faudrait surement profiter de cet instant de faiblesse pour contre attaquer. Je me releva d'un bond et me positionna entre les deux plus gros chien et Kiriac. Comme s'il fallait que je le défende lui d'abord avant moi, et c'était le but de la manœuvre. Toujours les autres avant moi. C'était une évidence pour moi. Je claquais des dents mais n'eus qu'en retour le même son, moins bruyants, venant de nos assaillants. Mon dieu, dans quel entrain somme nous..

Ce n'était pas fini, loin de là. Alors que le loup imposant, au lieu de prendre la fuite, était resté prêt de moi, presque pour me protéger également. Nous étions mal barré si tout deux, nous souhaitions que l'autre s'en sorte.

« C'est hors de question. Je ne partirais sans toi. »

Lui affirmais-je presque en chuchotant pour que les chiens n'entendent pas vraiment le fond de ma pensée. C'était une situation très spéciale. Kiriac les menaça d'abord, ce que je confirmais avec un claquement de dents frénétique. Je fixais le plus petit d'entre eux. Lui, il pourrait très bien être une adversaire de taille face à moi, les deux autres je pourrais les laisser à Kiriac, même si le nombre était très inéquitable, nous avions la chance d'être des loups, c'est à dire des prédateurs beaucoup plus entrainés et redoutables que les chiens de salons qu'ils étaient. Cependant, un bruit strident me sortit de mes tourments, effleurant mon oreille. Je sursauta presque et observa l'une des fléchettes sur le sol. Qu'étais-ce que ces inventions? Ce n'était ni les objets métalliques de leur armes, ni les autres choses tuantes que je connaissais, c'était autre chose.

Je regardais dans la direction d'où provenait le projectile et aperçus un petit groupe d'hommes surgir de derrière les dunes. Il ne manquait plus qu'eux, nous avions déjà assez de mal ainsi. Une deuxième fléchette partie. Cette fois, j'eus le réflexe de m’aplatir sur le sol. Visiblement, plus de réflexe que le chien qui était derrière moi qui se prit la fléchette en plein dans le flanc. Il couina et s'écroula sur le sol. Nous étions maintenant débarrassés d'un des deux chiens, mais les humains, visiblement encore plus en colère se rapprochaient malgré le sable qui les engloutissait presque. Leur rage se sentait à des kilomètres.

Je pris une inspiration et me releva, dents dehors. Prête à prendre la fuite ou combattre à ses cotés, quoi qu'il en soit, je ne t'abandonnerais pas Kiriac.

Comment je pouvais savoir ce qui allait se produire? Nous étions dans une impasse et je voyais défiler ma vie comme s'il s'agissait des dix dernières minutes qu'elle m'offraient. J'avais le souffle coupée, une envie de mourir sur le champ comme de tout faire pour m'en sortir. Mon coeur battait à tout rompre dans ma poitrine et pourtant.. Ce miracle est arrivé. Kiriac bondit et effectue des actions que mes yeux troubles et larmoyants ne comprennent pas. J'essaye de suivre l'action, affalée sur le sol. Mes muscles se tendent mais je ne controle plus rien. Je cours parce que j'entends sa voix qui m'appelle et qui s'éloigne.

« Non ne pars pas.. »

Murmurais-je presque en larmes. La buée me bloquait la vue mais je reconnaissais sa forme touffue entre milles à présent. Alors je suivais le floue de son pelage, ce pelage rassurant qui m'avait sauvée alors que moi je paniquais seulement comme une petite louve. J'avais peur et mes pattes me guidaient malgré moi. J'étais sans issues, sans secours et pourtant elle me guidaient encore et toujours. Je l'entendais qui me disait de courir alors je courrais encore et encore, sans m'arrêter. Est-ce que je le dépassais? Parfois je m'en croyais capable. Pourtant, je le gardais à bonne distance devant moi, comme si j'étais à bout de souffle et c'était le cas. Doucement, mes yeux retrouvèrent la vue et je pus l'apercevoir.

« Merci.. »

Soufflais-je comme si c'était le dernier souffle qu'il me restais, avant de m'écrouler au sol et de fermer les yeux. Mes pattes tremblaient sous la pression et mon souffle était saccadé.