Ras le bol de ces louves. Ras le bol de ces frères de meute qui ne sont jamais là quand on a besoin d'eux. Et ras le bol de chercher mon frère partout alors que ce salaud n'est pas décidé à faire son apparition. Je m'inquiète comme un dingue et finalement, je suis certain qu'il est en train de rêvasser quelque part, aussi bête puisse-t-il être. Comment ça, je réfléchis sous la colère ? Evidemment que je réfléchis sous la colère ! Vous feriez quoi, vous, si vous vous débattiez chaque jour pour une meute qui ne saurait même pas reconnaître valeur, et que vous vous battiez à chaque instant pour un but précis qui n'atteindrait même pas le quart de vos objectifs !? Entre Inka qui me rejette quand ça l'arrange mais qui pleure contre moi la disparition de mon frère, mes frères et soeurs de meute qui ne s'entraînent pas alors qu'on aurait pu se faire massacrer par les meutes si les chiens ne nous avaient pas aidé, et ces foutues énigmes dans ma généalogie de la meute qui ne cessent de se remplir de mystères, oui j'en ai plein la tête ! Je gronde. A côté de tout ça j'ai beau m'entraîner régulièrement, je ne trouve aucunement mes progrès satisfaisants. Je voudrais être bien plus fort, bien plus utile, bien meilleur chasseur. Mais non, Natan ne sert à rien. Natan ne sert qu'à chercher son frère partout sans le trouver et à draguer une louve qui ne veut même pas de lui. Natan n'est qu'un bon à rien. Je claque des mâchoires contre le premier loup que je croise, furieux qu'il ait rencontré ma route.

- Qu'est-ce t'as, toi !?

Mais sans même lui porter un regard je continue de marcher, ne réfléchissant pas aux potentielles conséquences de mon agressivité. Après tout, il n'avait qu'à pas être là.

Les hurlements que je lance montrent clairement ma détresse, mais si la douleur réveille chacun de mes sens, elle n'endort pas ma colère et au contraire la décuple. Je gronde, tente de me retourner, mais l'autre me tient au sol comme si je n'étais qu'un louvard à éduquer. Je lui mords sauvagement l'antérieure en me cambrant pour l'atteindre, et je tire si fort que je lui en fais perdre l'équilibre. Il tombe à la renverse, je me relève d'un bond et je fond sur lui pour lui frapper la cage thoracique en joignant mes deux antérieures contre ses côtes. Je lui mords l'échine le plus fort possible pour lui broyer le muscle et arracher ses poils malgré mon propre sang qui salit le territoire de ma meute. Je gronde plus fort lorsque je comprends que celui qui m'a attaqué n'est qu'un foutu solitaire parmi des dizaines, de ceux qui devraient crever simplement puisqu'incapables de vivre en meute. Il n'a rien à faire là et je compte bien le remettre à sa place au mieux, le renvoyer hors de chez nous au pire. Mes antérieures quittent sa cage thoracique pour lui labourer l'abdomen, avant que je ne vole à nouveau comme un pauvre poids mort entre ses crocs.

Sous la puissance écrasante de mon ennemi, je suis obligé de battre en retraite. Je me libère de son étreinte dès qu'il relâche sa prise, et je m'enfuis en courant. Sur mes propres terres. Comme un lâche.