Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.

Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.


 

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 Entre squelettes d'acier et cendres sucrées [Entraînement]

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Mar 6 Mai - 22:17

Entre squelettes d'acier et cendres sucrées
Entraînement en solitaire


< Maybe I like this roller coaster, maybe it keeps me high.
Maybe the speed it brings me closer, I could sparkle up your eye.
>


F:10 | A:6 | E:12
Le vent soufflait tel un fantôme. La nuit emprisonnait la vieille fête foraine aux couleurs criardes. Des peintures qui s'écaillaient. De vieux stands où traînaient encore quelques confiseries dans des paquets éventrés. D'immenses carcasse d'acier qui grinçaient dans le vent. Quelques lumières luttant courageusement, d'autres grillées depuis longtemps. Et puis le vide. Inlassablement, le vide.

Dire qu'autrefois cet endroit était un lieu de rires. Ici, les humains se rejoignaient. Ils s'amusaient toute la journée, toute la nuit parfois. il se créaient l'illusion de risquer leurs vies. Je ne comprenais pas toujours cette idée, mais lorsque l'ennuie frappait parfois dans ma tête, tout s'éclairait. Lorsque à mon tour je voulait ressentir quelque chose d'un peu différent, fou peut-être.

Puis il y avait eu la guerre. Les armes, les explosions, les tirs qui brisaient le silence, les hurlements, les pleurs. La mort. Tout le monde ne pensait plus qu'à survivre. Adieu structures magiques qui tournaient et tournaient dans la musique et les couleurs. Bienvenue silence, solitude et peur. Non, pas cette peur que vous pouviez ressentir alors qu'à une dizaine de mètres du sol vous tourniez dans les rires. Non. Plutôt cette peur non choisie, celle qui écrase, qui fait trembler. C'est ce que vous ressentez, humains, n'est-ce pas ?

Je n'avais jamais vraiment apprécié les hommes, mais je ne pouvais m'empêcher d'avoir un pincement au cœur lorsque je pensais aux enfants. Je savais qu'ils n'avaient rien fait pour cela, il ne faisait que subir. Mais je savais aussi qu'un jour il deviendrait adultes. Des adultes avec une arme et une volonté d'acier, dure et froide. Bientôt, des machines de guerre, eux aussi.

Un long grincement déchira le bruit du vent, dura, dura, et s'éteignit. J'inspirai. Je n'étais pas venue ici pour me désoler sur le présent et l'égoïste inconscience des hommes. J'expirai. Puis, doucement, je m'étirai et entamai une course tranquille pour m'échauffer.


Autour de moi, les stands tentaient de montrer leurs couleurs folles, et cela ne les rendaient que plus triste. J’accélérai. Ça défilait. Les montagnes russes essayaient de paraître encore imposantes et majestueuses. J’accélérai. Ça défilait. Les manèges voulaient retrouver leur magie, à tout prix. J'accélérai. Ça défilait.

Ma course était devenue rapide, assez pour être un vrai travail. Je courait, encore et encore. Filant dans les allées, entre les construction folles. Contrôlant ma vitesse, régulière, vive. Maîtrisant mon souffle. Oubliant les éventuelles douleur dans mes membres. Bondissant parfois, lorsqu'un obstacle traversait ma route. Combien de temps avançais-je comme cela ? Aucune idée. Mais lorsque je m'arrêtai enfin, j'inspirai longuement. Mes membres tremblaient légèrement. Mon cœur battait fort, encore plus fort. Je souris imperceptiblement.

Je me décidai à faire une pause et marcher dans les allées déserte de la fête foraine. Et après quelques pas, une envie de découverte vint se faufiler dans mon pelage et ramper jusque sous ma peau. Je me dirigeai vers plusieurs stands. Certains tenaient encore vaillamment face aux intempéries, d'autres s'écroulaient. J'allai regarder derrière le comptoir d'un de ceux qui résistaient.

En fouillant un peu, je découvris quelques gâteaux secs ainsi que plusieurs étranges petites choses colorées. Je les reniflai. Elles semblaient mangeables, bien que peu commune. Les humains étaient vraiment particuliers parfois... Néanmoins, l'envie de goûter fut trop forte, et je léchai une d'entre elle. C'était un long rectangle rose, parsemé de ce qu'il me paraissait être du sucre. Je fit une légère grimace quand le goût se révéla. C'était acidulé, légèrement piquant, et très sucré. Je me décidai à l'avaler entièrement cette fois. Et mon verdict fut que cela n'avait rien de naturel. Ce n'était pourtant pas désagréable, mais cela ne valait pas un bon gibier.


Je m'éloignai du stand et ces ressources étranges et me décidai à reprendre mon entraînement. En trottinant, je rejoignit la grande roue, une idée ferme en tête. Lorsque je fut au pied, je cherchais autour de moi des endroits en hauteur, que je puisse atteindre. Evidemment, comme tout semblait collé ici, je trouvai ce que je cherchais.

Je grimpai d'abord tant bien que mal sur le toit assez solide d'un stand tout proche, en m'aidant de quelques poubelles qui me permirent d'atteindre d'abord la mi-hauteur puis le haut. Je ne m'y attardai pas, ne m'en servant que pour prendre appui et bondir sur un toit plus élevé. Probablement le toit d'un bâtiment pour s'occuper de toute la technique des structures. C'était tout proche de la grande roue. Un ou deux mètres à peine. Et une nacelle juste un peu plus élevée attendais, immobile. J'expirai. Reculai jusqu'au bord du toit. J'inspirai. Évaluai la distance que j'avais à franchir. Expirai. Me concentrai. Inspirai. Courus. Sautai.

Le vide sous moi ne me fit aucunement peur, bien que je sois parvenue à quelques mètres du sol. Peut-être trois, ou quatre. Le contact avec la nacelle fut brutal, et celle-ci se balança brusquement en réponse à mon atterrissage. Malheureusement, je n'étais pas atterrit dans la nacelle. Mais bel et bien au bord. Et maintenant, l'avant du corps presque dedans, et le bas qui se débattait inutilement dans le vide, je tentais de tenir. Inspiration. Expiration. Concentration. Je tirai sur mes membres avant de toutes mes forces. La nacelle grinçait et couinait furieusement en faisant de grand mouvements de va et viens.

Enfin, je parvins à entrer dans l'étrange balancelle. Puis, je regardai autour de moi. Je n'étais pas au plus haut de la grande roue, mais la vue était déjà surprenante. Je m'imaginai ce que devais être cette attraction à l'époque. Les lumières du parc, les couleurs folles, les tonnes de gens qui s'amassaient. Cette sensation de tout surpasser. L'envie d'atteindre le sommet me pris, mais c'était à la fois trop dangereux et impossible. Je me contenterai donc de cela. Je regardai vers le bas. Comme je l'avais évalué, j'étais à environ quatre mètres du sol. Parfait. J'étais prête.

Il y en a qui apprennent à sauter haut. Encore plus haut.


Je me concentrai, encore et encore. Me préparai. Pensais à tout ce que je devais faire. Puis, pris mes appuis. Doucement, je donnai à la nacelle un mouvement de balancier dans la direction que je souhaitai et elle s’exécuta en grinçant. Il fallait vaincre la peur. Défier la gravité. Je bondis.

Moi j'apprends à tomber bas. Encore plus bas.

A peine quelques secondes. Cette sensation grisante de n'être dans le vent qu'une plume. L'attirance folle et indestructible du sol. La chute. Le vent dans mon pelage n'est plus qu'un élément parmi tant d'autre. Tout mon corps se prépare. Fléchir les membres à l’atterrissage. Rester concentrée. Ne rien se casser. Savoir repartir immédiatement. Si c'était une course poursuite, je devais savoir le faire. Et ce malgré la fatigue. Alors je ne me ferais aucun cadeau.

Et puis. Le sol. Le contact. La terre sous mes coussinet. Un léger choc. Fléchir les membres. Amortir. Puis bondir encore. Reprendre contact avec la terre. Et repartir. Courir. Courir. Se sentir libre. Immortelle. Vivante. Tellement vivante.

Je l'avais fait. Sans dommage collatéraux. Parfaitement maîtrisé. Un sourire se dessina. Et je lâchai les reines. Mes émotions s'évadèrent, prirent le dessus. Ma course n'était plus calculée, c'était une course sauvage, folle. Ma respiration n'était absolument plus contrôlée. J'hurlai. Un hurlement de bonheur. Un hurlement qui disait : Je suis sauvage, je suis indestructible.

Lorsque enfin je cessai ma course, je me laissai à rire. Rire comme je ne le faisais plus depuis longtemps. Rire pour rien. Rire pour tout. Rire de ma liberté, rire de mon bonheur. Rire comme l'avais fait les humains autrefois. Rire parce qu'après tout, je n'étais qu'une grande enfant qu'on avait jeté dans un monde ravagé. Rire parce que j'en avais besoin. Peut-être que quelqu'un passerait et me prendrait pour une folle. Et bien, qu'il pense ce qu'il voudra. Parce que si je ne riais pas maintenant, je deviendrais folle.

Que c'était bon.


Enfin, je me souvins de pourquoi j'étais venue ici. L'entraînement. J'inspirai profondément et chassai l'hilarité qui pouvait m'habiter. Mon masque neutre repris bientôt sa place. Je m'étais assez allée comme cela. Même si ce fut à regret que je me secouai pour repartir au travail.

En trottinant, je me dirigeais vers une autre attraction. Elle était constituée de rails qui restaient plus ou moins au sol et ne s'élevai donc pas à plusieurs mètres comme les autres. Mais celle-ci passaient sous des jets d'eau multiples qui fonctionnaient encore miraculeusement. Je supposai que lorsque les humains l’utilisait, le wagon qui roulait dessus devait faire passer les hommes dans l'eau. Drôle de jeu... songeai-je.

Néanmoins, j'allais l'utiliser. Je me plaçai au début du circuit anciennement emprunté par le wagon. Concentration. Je m'élançai. Bondissant au dessus de certains jets, roulant sous d'autres, j'esquivais comme je pouvais. Sauts sur le côté. Se jeter au sol au dernier moment. Ne jamais, jamais ralentir. Lorsque je revint au point de départ, seuls quelques jets m'avaient touchés. Si ç'avait été des obstacles consistants, cela m'aurait ralentit et blesser. Très mauvais en cas de poursuite.


Je recommençai cet entraînement plusieurs fois, jusqu'à ce que je régresse tant la fatigue m'atteignait. C'est à ce moment que je décidai de rentrer. J'avais beaucoup travailler, il était temps pour moi de goûter à un repos bien mérité, en espérant qu'il ne soit pas comblé de cauchemar. Je sortis de la fête foraine et ses tristes souvenirs sucrés. Et sans me retourner, je rentrai.


FIN

 Entre squelettes d'acier et cendres sucrées [Entraînement]


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