Voilà plusieurs jours que la guerre était finie. La vie avait repris son train quotidien et Reaven avait fini de soigner les blessés de la guerre et se consacrait maintenant plus que jamais à ceux qui étaient atteints des Sangs de Cauchemars. Au final les loups n’étaient sortis d’une guerre passagère que pour se consacrer à la vraie guerre, celle de tous les jours : la guerre pour la survie, contre les hommes, contre la maladie, contre les éléments, ... Mais les loups avaient beau être sortis de cet affrontement, ils en gardaient tout de même pour la plupart des cicatrices physiques comme psychologiques, surtout pour ce qui était des otages ... Reaven savait mieux que personne ce qu’ils avaient dû endurer.

Emarok venait justement de le recontacter. Ils avaient beau vivre dans la même Meute, les deux Guérisseurs avaient pourtant été assez distants ces derniers temps, trop occupés à leurs tâches respectives. Reaven était heureux de passer à nouveau du temps avec lui, et d’avoir l’occasion de voir comment il avait pu progresser depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vus, mais surtout de faire le point, de voir comment il se plaçait par rapports aux événements, que le Prince avait vécu de près ... trop près. Le rendez-vous avait été fixé près du Village des Hommes, un choix qui pouvait paraître peu prudent au premier abord mais en y réfléchissant bien, toutes les terres grouillaient d’humains à présent, on n’était à l’abri nulle part.

Le Guérisseur aperçut son compatriote et se dirigea vers lui en trottinant, heureux de le revoir. Extérieurement, il n’avait pas changé depuis leur dernière vraie rencontre, mais restait à voir ce qu’il en était à l’intérieur.

“Bonjour, Emarok ! Comment vas-tu ?”

“Ca peut aller, j'ai vécu des jours plus sombres. A la différence j'ai réussi à agir, à modifier le cour de l'histoire grâce à des soins. On a eu pas mal de boulot n'est-ce pas ? la guerre n'était pas facile ...”

Reaven acquiesça d’un signe de tête :

“Non, la guerre n’est jamais facile. La guerre ... La guerre ne change jamais.”

Il prit un moment pour détailler son congénère. Tous deux avaient vieilli, étaient devenus plus matures, et cela se voyait. Enfin, Reaven avança de quelques pas et fit signe à son compagnon de le suivre :

“Si nous marchions un peu ? Peut-être trouverons-nous des plantes en chemin.”

Le Guérisseur ne s’était jamais approché autant du territoire humain pour la recherche de plantes. Il préférait rester dans les endroits qu’il connaissait, ceux qui étaient encore sous le contrôle de la nature et où les plantes poussaient librement, sans entrave et sans pollution ; mais peut-être que près du Village poussaient des végétaux utiles, qui sait ?

Il reprit la parole après s’être mis en mouvement, toujours sur le même sujet :

“Toi en particulier a vécu cette guerre au premier rang, au même titre que ceux qui se trouvaient sur les champs de bataille : tu as été proche des Navniks, dangereusement proche même. Et tout comme les guerriers, tu en gardes des cicatrices.”

Reaven lança un regard vers Emarok pour voir comment il réagirait. Reaven pouvait sentir qu’il avait un poids sur le coeur, et la meileure manière de s’en débarrasser était d’en parler.

“Ce n'était pas dangereux. Je ne me suis pas senti menacé, au contraire, ils avaient besoin de moi, surtout les petits ...”

Reaven fut surpris de ces paroles. Pas dangereux ? Il était retenu otage en plein territoire ennemi et il n’avait pas trouvé cela dangereux ? Mais après tout, en y réfléchissant, les Navniks étaient des loups comme les autres ; et si la première intuition que tous avaient en temps de guerre était de villifier les ennemis, elle n’était pas forcément correcte. Les Navniks étaient capables de compassion, autant si pas plus que les Esobeks. Peu importe ce qu’on pouvait dire sur leur compte, ils n’étaient pas la Horde.

Mais c’était tellement plus facile de se battre contre une Meute qu’on pensait cruelle, n’est-ce pas ? Au fond, qui avait décidé de la déclencher ?

Reaven n’avait pas été présent, ni aux négociations primaires pour la Dune, ni aux négociations contre les otages. Tout ce qu’il savait, c’était ce qu’on lui avait dit, mais les paroles sont toujours teintées de subjectivité. Cette guerre avait probablement été déclarée sur un malentendu futil, mais n’est-ce pas le cas de toutes les guerres, au fond ? Mais qu’on ne mal-interprète pas ses pensées : Reaven restait et resterait loyal aux Esobeks quoi qu’il arrive, mais pouvait-on en dire de même d’Emarok ?

“Le sang des cauchemars on fait du grabuge, je les ai soigné. Autant des maladies, que de leurs blessures après la guerre ... Les adultes comme les petits. Ils paraissent agressif, dut a leurs nature d'ancien Sekmet et hordien j'imagine ... mais il ne font que grogner, au fond il son comme nous, ils cherchent a protéger leurs familles ... Ils s'agrandissent de jours à en jours, et la chapelle n'est pas assez grand pour accueillir tous le monde ... il ne pouvait pas partager la dune. Sans doute la raison pour lequel on les a perçu menaçant. Mais au fond il n'en est rien, il son comme toi et moi. Cette guerre ne veut rien dire, elle ne sert à rien a part avoir un bilan lourd sur chaque meute.”

Reaven acquiesça d’un hochement de la tête et soupira. Emarok avait raison, mais qui l’écouterait ? Il fallait de la volonté pour effacer les stéréotypes et accepter que la Meute à laquelle on appartenait n’était pas toujours la plus jolie et la plus pacifique.

“Un peu avant la guerre, j’ai trouvé une jeune louve Navnik dans le Bosquet, ayant de la peine à tenir sur ses pattes. Sang de cauchemar. Si je n’avais pas été là elle serait sûrement morte à l’heure qu’il est.”

Bien qu’il n’en avait parlé à personne, il sentait que cette anecdote serait entre de bonnes pattes avec Emarok. Il leva les yeux vers celui-ci avant de continuer :

“C’est bien que tu aies soigné ces enfants. La souffrance est toujours la même, qu’elle vienne d’ici ou d’ailleurs. Un Guérisseur se doit d’aider tous ceux qu’il peut soigner.”