CHASSE NO. 4 [3]

Irrité par la duperie dont il avait été victime, Pandémonium retourna sur ses pas, et décida de manger la marmotte qu'il avait tuée précédemment. La chair fraîche le réconforta quelque peu, mais il ne tarda pas à se remettre en chasse, bien décidé à ne pas rester sur un échec aussi cuisant.
Les traces aisément reconnaissables d'une belette le conduisirent droit à une sorte de garde-manger où étaient empilés une multitude d'ossements de petits rongeurs et d'oiseaux. Il inspecta les environs avec intérêt, à la recherche de la propriétaire de ces lieux. Elle ferait un en-cas parfait pour un loup comme lui. C'est derrière un muret que le loup et la belette tombèrent nez à nez : elle revenait à son garde-manger, un oiseau fraîchement tué entre les crocs. De surprise, elle laissa tomber le volatile pour faire demi-tour et fuir. Le jeune loup se jeta à sa poursuite. Mais le petit carnivore était malin : plutôt que de courir en zigzaguant comme un lapin, elle se faufilait entre les rochers, aussi vive qu'une anguille, pour ensuite les escalader, obligeant le loup à la suivre dans chacune de ses péripéties : Pandémonium bondissait par-dessus les talus, galopait dans les descentes, grimpait les rochers. Mais la fatigue se faisait sentir : les deux animaux avaient ralenti leur course. C'était à celui qui lâcherait en premier.
Ils continuèrent la course-poursuite de longues minutes encore, le jeune loup avait les poumons brûlants et la langue pendante. La belette n'était guère en meilleur état, et la fatigue finit par la faire trébucher. Pandémonium ne pouvait pas manquer cette aubaine ! Dans un ultime effort, il poussa sur ses postérieurs et se laissa tomber plus qu'il ne bondit sur sa proie, refermant ses crocs sur sa nuque avec une violence peu commune : cette fois, pas question de se laisser feinter !

CHASSE NO. 4 [4]

Le jeune loup se remit en marche, après avoir camouflé la belette comme il se doit. Il songea à son frère, et se dit qu'il pourrait éventuellement lui donner cette proie-là. Après tout, la marmotte lui suffisait déjà.
La piste encore fraîche d'un renard attira soudain vivement son attention ; il la suivit, à la recherche de la fourrure rousse caractéristique qui attisait son intérêt. La piste s'arrêtait à l'entrée d'un terrier, qui semblait profond. Le renard devait être à l'intérieur, et Pandémonium commença à creuser frénétiquement, de toute la force de ses pattes antérieures, l'orée du terrier.
Alors qu'il creusait depuis quelques minutes, le renard surgit brutalement du terrier, bondissant à son museau avec un cri rageur. Le jeune loup tomba à la renverse de surprise ; depuis quand les renards attaquaient-ils les loups ?! Le rouquin - qui était en fait une rouquine - s'acharnait sur son visage à coups de griffes furieux, rouvrant les plaies pas totalement cicatrisées qu'Helya avait laissées.
Dans un grondement sauvage, Pandémonium se redressa, plaquant le petit carnivore au sol, sur le dos. Ses pattes antérieures étaient coincées sous les coussinets du Dragon, sa gorge lui était offerte. Il plongea les crocs dans la chair, quand quelque chose se planta au même moment dans sa nuque. Il relâcha la renarde dans un couinement plaintif, et s'aperçut qu'un deuxième renard, un mâle cette fois, l'attaquait par-derrière ! Pandémonium parvint à se retourner pour l'attraper et l'envoyer valser mais la rouquine revenait à la charge, bondissant à son museau. Ses griffes effleurèrent l'oeil crevé du jeune loup qui glapit et préféra battre en retraite.

CHASSE NO. 5 [1]

Et tandis que ses griffes crissaient sur le gel, la perdrix releva sa tête surmontée de ses gros globes oculaires, inquiète. Pandémonium était plutôt mal caché, derrière ce bidon rouillé, et sa queue dépassait, parfaitement visible. Cependant, il pouvait espérer attraper sa proie si cette dernière ne détectait aucun mouvement. L’oiseau semblait peu rassuré, et il s’éloigna d’un pas vif, allant grappiller plus loin quelques graines qui auraient pu le nourrir. Plus sa proie s’éloignait, plus la distance qu’il faudrait parcourir à découvert serait élevée, et plus les chances du louvard seraient maigres d’attraper ce volatile. Il attendit donc de longues minutes, jusqu’à ce que la perdrix ait complètement oublié ses premières inquiétudes, pour bondir silencieusement par-dessus son bidon.

Il trotta rapidement jusqu’à elle, qui avait le dos tourné, le ventre rasant le sol. Elle l’entendit, mais il était trop tard. Elle tenta de s’envoler d’un bond agile, mais Pandémonium fut plus rapide que l’oiseau, et la terrassa d’un coup de patte bien appuyé, entre ses deux ailes. L’oiseau se débattit violemment, poussant de grands cris perçants, tandis que Pandémonium tentait de l’achever pour la faire taire. Elle esquivait ses crocs avec une dextérité irritante, et les plumes volaient tandis que les mâchoires claquaient un peu partout sur le corps de la proie. Enfin, le jeune loup parvint à attraper la tête de sa victime et il la broya sur-le-champ, la réduisant enfin au silence.

CHASSE NO. 5 [2]

Le jeune loup se remit en marche après avoir camouflé le cadavre de la perdrix. Il savait désormais qu’il devrait parcourir quelques kilomètres, car les cris de l’oiseau devaient avoir alerté tout le périmètre.
Le froid mordant vivement ses articulations, il se mit à courir dans un galop peu rapide, mais soutenu. Il courut ainsi sur le gel durant de longues minutes. Il ne s’arrêta que presque par hasard, en voyant un mouvement surgir d’un fourré. Intéressé, le louvard s’approcha à pas comptés, dans un silence quasi-parfait. Derrière un buisson – il pouvait l’apercevoir entre les branches – un corbeau faisait sa toilette dans une petite flaque d’eau. Le meurtre du précédent volatile avait enhardi Pandémonium, si bien qu’il tenta l’aventure : bondissant par-dessus le buisson en question, il surprit le corbeau qui s’envola immédiatement dans un croassement indigné. Voulant réitérer l’opération précédente, Pandémonium lança une patte hasardeuse qui ne fit que frôler les plumes de jais. Doté de bons réflexes, le jeune loup tenta ensuite de bondir à la suite du charognard, mais ses mâchoires claquèrent dans le vide. L’oiseau avait eu la chance de s’être envolé du côté droit, là où la perception du jeune loup était considérablement amoindrie. Il avait donc cruellement manqué de précision, ce qui lui avait coûté un effort inutile et il resta planté quelques instants sur place, regardant le corbeau qui s’éloignait en croassant toujours.

CHASSE NO. 5 [3]

L’échec du au corbeau laissant un goût amer dans la gueule de Pandémonium, ce dernier lâcha un juron avant de se remettre en route. Plus il s’éloignait du camp des Bipèdes, plus le terrain devenait accidenté. Il se frayait difficilement un chemin entre les bosquets tortueux, et les rochers hérissés. Il devait constamment faire attention où il posait les pattes, devant escalader des troncs d’arbres couchés sur le flanc, ou des rochers un peu trop imposants. Dans le paysage chaotique, il parvint cependant à déceler une odeur familière, bien qu’il n’ait eu que peu d’occasions de la rencontrer : celle d’un cervidé.

Tous les sens en alerte, le jeune loup suivit la piste de l’animal, surexcité à l’idée de chasser son premier cerf en solitaire. Il peina à remonter la piste qui, bien qu’encore fraîche, lui donnait du fil à retordre. Ce cerf-là devait être très agile, pour être parvenu dans des endroits aussi escarpés ! Lorsqu’il le vit, Pandémonium comprit qu’il ne s’agissait pas là d’un cerf, mais d’un autre cervidé qu’il n’avait encore jamais eu l’occasion de chasser : un chamois. Celui-ci ne l’avait pas encore vu, et il bondissait presque gaiement, avec une agilité incroyable, de pierre en pierre. Pandémonium le suivit en silence, comptant bien se rapprocher de lui le plus possible.
Lorsque le chamois détecta sa présence, il n’était plus qu’à une centaine de mètres. L’herbivore accéléra donc sa cadence : il volait littéralement de falaise en falaise. Pandémonium le suivait tant bien que mal, et son cœur battait la chamade tandis qu’il bondissait derrière lui. Le chamois l’emmena jusqu’à un plateau, une zone plutôt plate sur laquelle ils se mirent à courir à toute vitesse. Le jeune loup, bien que fatigué par cette éprouvante montée, démontra une fois de plus qu’il était plus rapide que sa proie, une fois sur terrain plat. Il gagnait du terrain à chaque instant et, lorsque le plateau se termina et que le chevreuil bondit sur un rocher en contrebas, Pandémonium bondit à sa suite, atterrissant sur son dos dans un grondement menaçant. Il planta griffes et crocs dans le cuir épais de l’animal qui se tortilla en tous sens pour se débarrasser de son agresseur. L’herbivore perdit l’équilibre, et les deux animaux chutèrent dans le vide. Ils se heurtèrent à un rocher, auquel Pandémonium resta miraculeusement agrippé grâce à ses griffes. Le chamois, moins souple et doté de sabots, tenta de se sauver de la chute lui aussi, mais ses sabots glissèrent et il termina sa course dans un bruit sourd, quelques mètres plus bas. Pandémonium se hâta de descendre pour le rattraper, mais il était inutile de se presser : le chamois avait un membre brisé, et il suffisait au louvard de s’approcher tranquillement pour le tuer. Ce qu’il fit.

CHASSE NO. 5 [4]

Fier de sa victoire, Pandémonium décida de dépecer sa proie sur-le-champ, fourrant son museau dans les entrailles chaudes de sa prise. Et quelle belle prise !
Il se délectait de son repas depuis une petite heure, quand un bruissement attira son attention. Il releva la tête, inquiet de ce bruit inhabituel. Il scruta les parages, et décela un mouvement non loin de lui. Ses babines rougies se retroussèrent sur ses crocs luisants, tandis qu’un grondement menaçant s’échappait de sa gorge, à l’adresse de l’intrus qui osait le déranger en plein dîner : un lynx.
Les félins n’avaient pas tendance à être des charognards, et encore moins les lynx. Mais celui-ci, lorsqu’il sortit de derrière une pierre, devait être plutôt agressif en ce qui concernait la nourriture : il n’avait plus que la peau sur les os. De ses yeux mornes se dégageait une lueur agressive, et ses crocs étaient dévoilés en un feulement menaçant.
Pandémonium se plaça entre sa proie et le prédateur. Hors de question de se faire voler par un aussi petit félin ! Ses poils se hérissèrent sur son échine, tentant d’intimider le lynx pour éviter la confrontation. Mais ce dernier semblait bien décidé à se mettre quelque chose sous la dent, et il tournait déjà autour du loup et de sa proie, comme un vautour en quête d’une charogne. Pandémonium ne cessait de gronder et, lorsque le félin chargea, il était prêt. Il l’intercepta immédiatement, faisant barrage de son corps plus imposant. Il tenta de le saisir à la nuque, mais son adversaire était d’une souplesse diabolique : il s’était déjà coulé entre ses pattes et griffait sauvagement son ventre. Le temps que Pandémonium se retourne, il était déjà sur le chamois, en train d’arracher un morceau de viande. Le louvard vit rouge : il se jeta sur le lynx et l’attrapa par l’encolure. Le traînant de toutes ses forces malgré ses feulements et ses coups, il le tira hors de portée de sa proie. Lorsqu’il le lâcha, le lynx contre-attaqua en bondissant vers lui : Pandémonium parvint à l’esquiver et l’arrêta en l’attrapant par une patte postérieure. Ses mâchoires broyèrent l’os sans hésiter, dans un craquement délectable, arrachant au félin un miaulement de détresse lorsqu’il s’écroula. Il tenta de se relever, mais Pandémonium ne lui en laissa pas le temps : il avait déjà sauté sur son dos, le maintenant au sol grâce à son poids, et parvint à le retourner de force pour planter ses crocs dans sa gorge velue.