J'étais sur le chemin du retour mais il semblerait que mon flair m'est permis de trouver autre chose en ces terres. Je suivais donc depuis une bonne demi-heure une odeur qui me rappelait qui j'étais, au risque de m'écarter de mon chemin  de retour. Heureusement que cette odeur ne menait pas au village des hommes, j'aurais été très surprise d'y faire un tour mais je me souvenais de cette odeur comme deux gouttes d'eau. C'était elle. Nos chemins se sont séparés une fois que j'étais en âge de faire mon propre chemin et je me demandais ce qu'elle était devenue, elle, celle qui m'avait recueillie quand j'étais seule et abandonnée de tous après le bombardement. Je n'aurais pu survivre sans elle et je lui dois tout. C'est pour cette même raison que je me risque à suivre son odeur, stressant tout de même de croiser ne serait-ce qu'un humain dans les parages, armé serait le comble. Alors, à pas de loup, le museau pointer sur le sol et ma patte encore endolorie de la veille, je marche à n'en plus m'arrêter. Je rentre dans la fête foraine visiblement abandonnée. Je connaissais ce lieu que de nom, je n'étais pas censée faire de l'exploration et pourtant, aujourd'hui était un jour spéciale. Je rentrerais le plus tôt possible mais il fallait que je la revois au moins une fois. Je levais la tête un instant, l'odeur s'intensifiant de plus en plus. Je l'aperçus au loin. Trop risque de l'appeler ou de japper, il fallait que je me rapproche. Doucement, j'avançais de plus en plus alors que mon coeur battait à tout rompre. Une fois arrivée derrière elle, je lui murmura.

« Mambo, c'est toi ? »

J'avais les oreilles vers l'avant et le sourire aux lèvres. Je n'en revenais pas de la revoir après tout ce temps. Qu'elle m'avait manquée!

Je ne savais pas quoi penser, ni savoir si elle m'en voulait au fond d'être partie. Elle m'avait élevée et pris sous son aile, m'avait aimée et protégée pendant plusieurs longues lunes. La revoir me faisait un bien fou et en même temps, elle n'avait pas changer alors que moi, jetais devenue celle que je suis. Sans réellement me poser de question, je l'approche et pose la tête sur son pelage d'or. Elle sentait bon la rose, les fleurs et tout ce qui me rappelait mon enfance a ses cotes. Jetais étrangement heureuse de pouvoir de nouveau me blottir contre elle, me sentir protégée et retourner en enfance, jouer, rire et grandir de nouveau avec sa présence. Doucement, je m’écartais. La contemplant de nouveau, je plongea mes iris dans les siens et un silence se produisit.

« Tu m'as manquée tu sais?..»

comme si ce n'était pas une évidence. Qui ne manque pas des personnes qui se sont occupes d'eux au point de mettre leur propre existence de cote au profit de cet être cher ? J'avais peur de ne plus savoir réagir. Ni même savoir quoi lui dire.

« Ça faisait longtemps..»

je m'assis devant elle, attendant. Je ne savais vraiment pas quoi penser, ni savoir ce qu'elle pensait elle-même. Alors que je la fixais encore intensément, de longues minutes aurait pu s'écouler que cela ne ferait pas disparaître la joie que j'avais de la voir.

J'essayais de calmer ma joie et de ne pas lui sauter dessus, comme un louveteau qui venait de retrouver sa mère après un moment d'égarement. Alors, je restais là sans bouger, sans penser à mes envies de lui prouver mon affection puisque visiblement, elle n'en avait peut-être pas envie non plus. Son regard semblait dire le contraire, mais tout son être semblait se refuser à mes voir devant elle. Comme si c'était impossible ou comme si elle souhaitait m'oublier. Pourquoi tant de refus ? Je ne savais pas mais j'avais bien l'intention de le savoir. Perdue dans mes pensées, je ne répondis que quelques secondes après à sa question.

« Ca va très bien. J'ai trouvée une meute. Je suis nourrice dans celle-ci, cela me va bien je trouve. »

Je souris puis reprit la discussion.

« Pourquoi j'ai l'impression que cela ne te fait pas plaisir de me voir? »

J'étais un peu triste, c'est vrai. Peut-être au fond m'avait-elle seulement elevée et une fois que j'étais assez grande pour partir, avant fait une croix sur mon existence. Cela me vexait un peu mais le monde était vaste et je comprendrais facilement qu'elle ne veuille pas s'attacher de peur de perdre quelqu'un. Mais j'étais forte et elle n'avait pas à avoir peur. J'étais encore en vie, la preuve et j'avais une meute sur qui je pouvais compter et qui comptait sur moi. C'était une toute nouvelle façon de voir les choses. J'avais d'ailleurs une idée.

« Pourquoi ne rentrerais-tu pas avec moi ? »

Je tournais la tête sur le coté, presque encore trop contente pour devoir me séparer de nouveau avec celle qui m'avait sauvée et élever comme sa propre fille. Doucement, je m'avançais vers elle, restant tout de même à quelques bon centimètres histoire de ne pas trop brusquer les choses. Elle me semblait réticente mais j'insistais tout de même. Je voulais qu'elle soit heureuse et c'était peut-être égoïste au fond.

J'étais déçue et triste de son choix mais je le respectais. C'était surement plus dure pour elle que pour moi. Seule en ces lieux, c'était devenu quelque chose d'aussi dangereux que périlleux de survivre. J'étais inquiète pour elle et son choix de vie. Moi-même qui apprit à vivre en meute, c'était beaucoup plus rassurant, même si chaque nuit le souvenir de mon ancienne meute ne pouvait me hanter plus que cela.

Mambo n'était pas ma mère naturelle et pourtant, je la considérais comme telle. La retrouver après tant de lunes me réchauffait le coeur et en même temps, me peinait de l'avoir laissée si longtemps seule. Je souhaitais plus que tout rester à ses cotés mais j'avais une meute dorénavant. Même si l'idée de crée notre meute à nous deux était plaisante, je savais qu'un fond d'elle-même, elle ne le supporterait surement pas longtemps de m'avoir dans les pattes.

Doucement, j'écoutais son récit et me mit en tête de lui raconter le mien, du moins, les passages qu'elle ne connaissait pas. J’acquiesçais de la tête lorsqu'elle me fit par que j'étais des Esobek.

« Ils m'ont acceptée comme l'une des leurs. Je suis très fière d'être dans leur meute. Ils sont sages et calmes, c'est quelque chose que j'apprécie plus que les autres meutes. »

J'avais connaissance d'une autre meute, les Sekmet. Dont particulièrement l'un d'entre eux tout à fait charmant et attirant. Pensée à lui me perdit légèrement et je reviens sur terre après de nombreuses minutes de silence. J'hésitais de parler avec elle de tout ce que je ressentais, en ces moments si dur et si pénible, où la famine nous guette, c'était peut-être pas le meilleur moment d'exposée nos faiblesses et pourtant..

« Parfois, j'aurais vraiment besoin de toi à mes cotés. Dans des situations qui m'impose un choix. J'ai rencontrée, avant de te croiser, un membre des Sekmet.. »

J'hésitais encore un instant, regardant mes pattes puis le ciel pour finalement continuer.

« Il a été particulièrement sympathique avec moi. Allant même jusqu'à me sauver la vie. Je me demande vraiment pourquoi plusieurs meutes existent si la rivalité qu'il y'a entre nous.. n'existent pas pour certains. »

Je me mordis la langue, sans m'en rendre compte.

« Je crois que je lui plais. Je ne sais pas ce que je ressens, pour ma part.. Je suis un peu perdue. »

Puis mes pensées se tourne vers Reaven et nos retrouvailles. Soulagée par la présence et le soutien qu'il me donne, j'étais en sécurité et me sentait bien avec lui. Secouant la tête, je me demandais vraiment pourquoi ces futilités me perturbaient tant. Et puis je me souvins que les chaleurs approchaient et donc, cela influençait surement ma perception des choses.

« Je ne sais pas pourquoi je te parle de tout cela.. »

Je m'assis, faisant ma toilette un instant puis entendit un bruit dans la foret non loin. Sans m'inquiéter plus que cela, j'attendais, le regard posté vers la provenance du son.

J'écoutais attentivement celle qui m'avait élevée alors qu'elle se rapprochait de moi, me portant soutient de son épaule. Je suivais son regard dans les étoiles et plongea mon regard dans le sien quand elle le fit elle-même. Ses paroles résonnaient dans ma tête comme s'il s'agissait de réponse à mes questions. Je ne pouvais lui faire part de mes envies de partir, de créer une nouvelle meute avec celui que j'aimais mais pourtant, c'était une des envies qui me prenait parfois. Le problème était le seul et unique : Reaven. Ce n'était pas un problème, il était lui aussi le loup de mon enfance, le loup que j'avais aimée et protégée, le loup qui était tout pour moi. Et puis, il est parti et Len est arrivé dans ma vie avant nos retrouvailles. C'était quelque chose de plus fort, plus intense mais aussi, plus dangereux. C'était peut-être le danger qui me donnait tant d'espoirs et d'amour en cette relation impossible.

Soupirant, je lui répondis, plus calmement et moins troublée.

« Merci.. Il est vrai que je pense que mon coeur s'est épris de ce loup. J'aurais aimée qu'il en soit autrement. »

C'est vrai, mais on ne choisit pas où notre coeur nous guide et parfois, nos choix font ce que nous sommes.

« Pourtant, je suis encore attachée à quelqu'un dans la meute qui m'empêche de suivre ma voix. »

Je voulais changer de sujet, celui-ci m'affectais que bien trop. Alors, plutôt d'humeur joueuse, je repris la parole plus enjouée.

« Et toi, Mambo ? Comment se passe ton aventure.. amoureuse? »

Je souriais. J'étais curieuse de savoir si ma mère avait ou non trouvée l'amour en ces terres hostiles. Car au fond, qui peut vivre sans une petite pincée de chaleur et d'espoir ?

« Merci.. Il est vrai que je pense que mon coeur s'est épris de ce loup. J'aurais aimée qu'il en soit autrement. »


Mambo resta silencieuse, méditant les paroles d'Eden.

« Il est de mon devoir de te prévenir, ma chère fille. Le chemin que tu arpente est dangereux, dans ce monde où l'on exige de toi dévouement et loyauté. Quel que soit la décision que tu prendras, tâche d'être sage et réfléchie, car la vie a tôt fait de nous jouer un mauvais tour…»

Eden lui parla ensuite d'un autre loup Esobek auquel elle restait néanmoins attachée.

« Je ne peux rien pour toi, malheureusement. Décrypter les personnes, c'est une chose, mais décrypter les coeurs, c'en est une autre. Seule toi à le pouvoir de décider. »

La jeune louve adopta un air espiègle, désireuse de changer de sujet. Ce que Mambo pouvait comprendre. Cependant, sa question la désarçonna.
« Et toi, Mambo ? Comment se passe ton aventure.. amoureuse? »


La guérisseuse leva les yeux au ciel.

« T'écoute-tu, Eden ? (elle tenta d'adopter un ton de réprimande, sans grand succès). Cela fait bien longtemps que je ne crois plus en l'amour, ma douce. Quel intérêt aurait un loup à s'intéresser à une vielle épave recluse avec ses plantes et ses remèdes ? »

Iris Vaudou laissa échapper un rire.

« Crois-moi, ces choses ne sont plus de mon âge. Je mise sur la jeune génération pour perpétuer l'espèce »

Elle accueillit ses paroles d'un clin d'oeil lourd de sous-entendu.

« Dis-moi, Eden, à quoi ressemble ta vie chez les Esobek ? Tu m'as dis être nourrice, tu t'occupes donc de jeunes louveteaux ? »

Je souriais doucement, presque riant de sa remarque. Elle était adorable avec moi et distante en même temps. C'était une louve que je n'ai, au fond, jamais su comprendre réellement. Il y a toujours une part de mystère en elle et c'est peut-être aussi pour cela que je l'affectionne beaucoup. Je souriais, ne souhaitant pas lâcher l'affaire de si tôt.

« Je pense au contraire, que tu as encore de belles années à vivre.. Et accompagné serait le mieux ! »

J'accompagnais mes mots d'un léger frottement de tête sur son épaule avant de répondre à sa question.

« Oui. C'est un boulot à plein temps, tu peux me croire. D'ailleurs, je me suis évadée un peu trop longtemps.. J'espère qu'il ne s'inquièteront pas trop de mon absence, même si j'en doute. On est tellement nombreux parfois que lorsque certains se font des escapades, on ne remarque leur absence que lorsqu'ils rentrent. »

Je riais de la bêtise de mes mots. Je profitais encore de quelques secondes de silence, puis repris de plus belles, comme si le problème au fond de moi n'était toujours pas résolu.

« Je ne t'ai jamais dis ce que tu représentais pour moi, et même si tu le sais surement, je tenais à te le dire. »

Je m'assis de nouveau et fixait Mambo, sans en découdre et sans renoncer à ce que j'allais dire.

« Je t'aime du plus profond de mon être et le jour où j'aurais une descendance, je souhaite qu'elle te connaisse ! Tu as le plus bel enseignement qu'un louveteau puisse avoir. Je suis fière de toi, maman. »

Ces mots sonnaient comme des adieux mais ce n'étaient que des aurevoirs. J'étais sur que je la reverrais un jour et malgré que le temps presse en ces terres hostiles, jamais je n'oublierais le regard d'or de celle qui m'avait élevée, à n'importe quel prix.

Iris Vaudou leva les yeux en entendant la remarque de sa fille. Trouver l'amour, elle, alors que jamais elle ne l'avait rencontré durant ses jeunes années ? Peu probable. Enfin, elle ne voulait pas contrarier Eden, alors elle se tut en lui laissant cet espoir-là.

Elle l'écouta attentivement, les yeux brillants de fierté. Car oui, elle était fière que sa protégée ait trouvée une place dans l'ordre des choses, cet élément qu'elle n'avait jamais pu avoir, elle. Et n'est-ce pas cela que pensent toutes les mères ? Ne veulent-elles pas donner le meilleur à leurs descendants, même les choses qu'elles-même n'ont jamais pu avoir ?

Eden finit par s'asseoir face à Mambo, le regard plus grave, comme si elle portait quelque chose sur le coeur qu'elle voulait à tout prix délivrer.

« Je t'aime du plus profond de mon être et le jour où j'aurais une descendance, je souhaite qu'elle te connaisse ! Tu as le plus bel enseignement qu'un louveteau puisse avoir. Je suis fière de toi, maman.
»

La vieille louve en eut le souffle coupé. Que de belles paroles ! Jamais elle n'ait entendu de si doux mots de la part d'un de ses pairs. Et savoir que, malgré toutes ses erreurs, Eden avait réussi sa vie et qu'elle entrevoyait un avenir qui l'incluait la comblait d'une joie nouvelle.
Elle s'approcha de la louve et la regarda tendrement.

« Ma douce Eden ! Tu n'aurais pas pu me dire plus belles paroles. Moi aussi je t'aime et je suis fière de ce que tu es devenue. Tu as ta place parmi les Esobeks, tu as une nouvelle famille pour te soutenir, et c'est le plus important pour moi. Tu pourras toujours compter sur moi quoiqu'il arrive. Et peu importe le loup avec qui tu décideras de faire ta vie, je suis sûr que tu choisiras bien et que tes enfants auront la sagesse de leur grand-mère. »

Elle accueillit ces dernières paroles d'un sourire espiègle.

« Maintenant, cela me chagrine de le reconnaître mais tu devrais retourner auprès des tiens. Ils vont finir par s'inquiéter. »

Elle se releva.

« J'ai été ravie de te revoir, ma douce. Fais bonne route. Il se peut que demain, nos chemins se recroisent. »

C'est avec le coeur lourd que je me rapprochais de celle qui m'avait élevée pour une dernière étreinte avant on ne sait combien de temps de séparation, encore une fois. C'était une chance pour moi d'avoir passer ne serait-ce que quelques minutes ou bien heures à ses cotés. Le temps passait vite, peut-être trop et bientôt, nous devions retourner chacun de notre coté, dans notre vie respective.

« Tu vas me manquer »

Finis-je par lui souffler avant de me m'éloigner, laissant derrière moi la trace de mes pattes, direction la meute des Esobek, ma meute.