Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Tout commença ce matin là, alors que la nuit avait transit mon corps de froid, je m'étais recroquevillé dans le creux d'un petit ravin. Petite. Faible. Tremblante. Apeurée. Je n'osais plus bouger. Je ne pouvais plus bouger. Je n'avais plus de force, pas la moindre. les muscles tétanisé par le froid de la nuit, le pelage mouillé par la rosée et terriblement sale. Je n'étais plus blanche mais bientôt grise. Honteuse. Je couinais.
En boule, le museau sous les pattes et les yeux clos, je ne cessais de me culpabiliser. J'avais été volontairement abandonné par ma famille pour une toute petite différence. Une iris ambré et l'autre bleu. Étais-je anormale ? Défectueuse ? Je pensais que le problème venait de moi. Comment pouvait-il en être autrement, car depuis un mois je ne connais que le rejet et la mise à l'écart. Plus d'affection. Plus de nourriture. Mon ventre gronde. J'ai faim. Je n'ai pas mangé quoi que ce soit depuis quelques jours. Combien ? Je ne sais plus. J'ai soif. J'ai la bouche sèche. La langue pâteuse. J'ai pleuré à la recherche des miens mais ils n'avaient pas envie de me retrouver, alors je me suis éloignée seule. Survivre. J'étais consciente de ne pas pouvoir y parvenir. Moi, petite louve au pelage crème et au yeux vairons. J'ai lécher quelques fourmis. Avaler un gros vers en grimaçant mais s'était loin d'être suffisant. Trois ou peut-être quatre jour que j'errais l'âme en peine. A bout de force je m'étais échoué au creux de la terre pour m'y lover espérant sombrer dans un sommeil éternel.
Prise par la solitude et la tristesse, je ne pouvais retenir mes pleures et mes gémissement de détresse. L'espoir d'être sauvé m'avait quitté mais ma complainte parvint aux oreilles d'une louve qui trainait dans le coin. Je sentis son museau me pousser doucement pour me faire réagir. Vérifiait-elle que je sois toujours vivante ? Peut-être bien, je ne devais pas être jolie à voir. Amaigrit. Sale et blessée par de multiples petites plaies dues à des buissons épineux m'ayant servit de cachette. Quand elle me saisit dans sa gueule par la peau du cou, je me laissa balloter. Ce qu'elle ferait de moi ? Bonne question. Où m'emmenait-elle ? Aucune idée. Mes yeux se fermaient, pour se ré-ouvrir, puis se fermer à nouveau. Exténuée, je finis par m'endormir bercé par ces pas. A bout de force, je me laissais manipuler sans la moindre réticence.
Elle ralentit. Ne me lâche pas. Je n'ai pas la moindre envie de quitter sa gueule et d'être loin de sa chaleur si subtile soit-elle. Je ne m'exprime pas. Je n'ouvre pas les paupières, je n'y arrive pas. La respiration lente et faible, je me sens incapable de faire autre chose que dormir. Peu importe ce qui se passe autour de moi. Ça ne pourra pas être pire que la solitude au milieu de rien où je me sentais mourir. A présent, j'ai peut-être une chance. Une bonne étoile veillant sur moi qui m'offrirait une seconde chance.
Que faisait-elle aujourd'hui ? Pas grand chose à vrai dire, elle cherchait encore une fois les traces des Hommes et des loups qui avaient été emmenés à cause de ceux-ci... Mais rien, oui elle ne trouvait rien et devait cependant continuer. Rabaissant alors sa tête pour humer l'air du sol elle laissait apparaître de la brume autour de son museau, il faisait de plus en plus froid, ils s'approchaient à grands pas de l'hiver. Elle aimait bien cette saison, cela lui rappelait le moment où elle avait intégrée la meute... Elle était insouciante et surtout elle avait six fois moins de responsabilités. Soupirant elle avait tout de même décelée une petite odeur étrangère dans le coin, rabattant ses oreilles elle remontait alors la piste tombant sur une petite boule de poil totalement inerte contre le sol. Était-elle morte ? La poussant légèrement du museau elle remarquait que non, elle saisissait alors le louveteau par la peau du cou, il lui fallait des soins et rapidement.
-Reaven, il faut la sauver.
Elle avait déposé le louveteau à l'intérieur de la tanière de Reaven le regardant d'un air légèrement affolé. Comment se faisait-il qu'une aussi petite créature s'était retrouvée seule ? Que lui était-il arrivé ? De plus elle était dans un sale état, la peau sur les os ne respirant pratiquement plus... A un jour prêt c'était la mort assurée pour ce louveteau. Regardant alors le guérisseur l'examiner elle restait là, à attendre. Elle voulait s'assurer que le louveteau avait toute ses chances de s'en remettre... Elle qui n'avait pourtant pas l'instinct maternel ne pouvait pas rester de marbre devant un tel évènement.
Utilisation de médicaments -1 insecte aquatique (+1 en force)
"Reaven, il faut la sauver."
Plume Rousse venait d'entrer, affolée, dans la tanière de Reaven, une petite boule de poils à la gueule qu'elle avait déposé sur le sol : en fait une louve très jeune, et surtout sale et très maigre.
Reaven se précipita pour vérifier l'état de la louvette. Elle état presque inconsciente et respirait à peine. Depuis combien de temps n'avait-elle pas mangé ? Ses parents étaient-ils morts ou l'avaient-ils abandonnée ? Reaven ne pouvait imaginer tout ce que cet être pourtant si jeune avait déjà vécu. Il vérifia qu'elle n'avait pas de fièvre en plaçant doucement son museau contre son front. La petite était glacée, sans aucune graisse à brûler pour maintenir sa température corporelle.
Il se tourna vers l'Alpha :
"Il faut la réchauffer, blottissez-là contre vous pendant que je vais chercher de quoi lui donner les forces."
Il laissa les deux louves quelques instants, le temps d'aller chercher quelque chose dans sa réserve de médicaments, et revint avec une grosse libellules entre les crocs. Il la prémâcha avant de s'approcher de la louvette et de placer la bouillie entre ses mâchoires.
"Mange, ça te redonnera des forces. Tu es entre de bonnes pattes maintenant."
Des voix, comme des murmures lointain. Je ne sais pas ce qui se passe, bercée par les pas qui me transporte, je m'endors. Fatiguée. Épuisée. Je ne comprends pas ce qui se passe autour de moi. toute cette agitation. Pourquoi ? L'air est moins froid. Je ne suis plus balloté, l'on m'a déposé sur le sol. Je me replie sur moi même. Je tremble. Le froid... la peur. Peu importe. J'avais envie d'ouvrir les yeux pour savoir ce qui se tramait mais je n'en avais pas la force. Alors, la température sembla se radoucir. Je ne frissonnais plus. Agréable. Je commençais à me détendre inconsciemment. La raison, je l'ignore. Je me sens bien là où je suis dans un rêve surement, une illusion que mon esprit me joue.
Quelque chose d'humide se pose sur mon front pour s'éloigner ensuite. Beurk! Simple pensée que j'aurais ponctué d'une grimace si je n'étais pas si faible. La suite n'était pas plus appétissante, l'on glissa dans ma gueule une mixture bien étrange. Le goût n'était pas infâme mais loin d'être un régale. Heureusement que je mourrais de faim pour accepter de déglutir et avaler cette étrange bouille. Le temps passe. Je me repose. Je récupère un peu. Je finis par ouvrir les yeux... du moins un œil m'efforçant de garder l'autre clos. Je tournais mon visage pour voir une louve blanche et un loup gris au pelage tout ébouriffé. Il avait une apparence plutôt douce, ce qui me rassura. Les observant de mon œil bleu, je gardais l'autre paupière close. La langue pâteuse et la bouche sèche, je cherchais à me faire saliver. Comment avais-je pu en arriver là ? Complètement perdue avec des inconnus.
Je demeurais silencieuse incapable de trouver les mots adéquats afin de m'exprimer... puis par où commencer ? Que faire ? Je ne savais pas où j'étais mais il semblait que l'on était entrain de me soigner et de s'occuper de moi. Plus d'attention reçue ici en quelques heures qu'auprès de ma famille en un mois. Il n'y avait rien de plus à savoir que le fait que je possédais une bonne étoile.
Reaven n'avait pas hésité un seul instant, il avait prit la petite en temps que "patiente". La louve rousse constatait elle aussi que le louveteau était des plus maigres et que ses chances de survivre l'étaient elle aussi... Écoutant le guérisseur la rousse se blottissait contre le louveteau lui donnait des coups de langues réguliers pour le réchauffer. C'était Patte qui lui avait montré ça, oui sa sœur n'était pas nourrice pour rien.. Mais bon là elle n'avait pas sa sœur sous la patte et elle devait par conséquent elle même s'occuper du petit avec l'aide du guérisseur. Le loup gris était alors partit quelques instants pour aller chercher de quoi rétablir le louveteau. Pendant ce temps Plume se demandait comment des parents pouvaient perdre leur boule de poils comme ça... Étaient-ils morts ? Ou était-ce volontaire...?
-J'espère qu'elle s'en remettra.
Le guérisseur était revenu avec une libellule entre les crocs, il la déposait désormais devant le louveteau. La louve rousse se redressait légèrement, du moins elle relevait sa tête arrêtant par là de lécher le louveteau, pour qu'il puisse manger sereinement elle ne devait pas non plus l'affoler, après tout il était dans un monde inconnu maintenant ce petit, il y avait par conséquent maintes odeurs inconnues... Mais Plume n'avait pas pu le laisser, elle n'était pas une sans cœur et quitte à être mal vue par son compagnon qui n'aimait pas forcément les nouvelles têtes elle avait ramené ce petit, et elle était même prête à s'en occuper, à devenir en soi sa "mère".
Le jeune louveteau mangea de lui-même l’insecte que Reaven lui présentait, ce qui était bon signe : au moins n’avait-il pas perdu le réflexe de mâcher. Le Guérisseur la regarda déglutir puis reposer sa tête sur une des grandes pattes de Plume, qui lui donnait des coups de langues à intervalles réguliers.
“J'espère qu'elle s'en remettra.”
Reaven lui adressa un sourire confiant. La petite s’en remettrait, c’était certain. Il lui faudrait sûrement du temps avant de reprendre un poids normal, mais avec les soins appropriés elle aurait toutes les chances dont elle avait besoin.
“Tout ira bien pour elle si elle a quelqu’un pour lui donner toute l’attention dont elle a besoin.”
Plume allait-elle la confier à sa soeur nourrice ? Ou plutôt garder la petite pour elle ? La manière dont elle la regardait ... Ce serait visiblement difficile pour elle de devoir s’en séparer. Plume Rousse avait un grand coeur, cela on ne pouvait en douter, et elle était exactement ce dont la petite avait besoin. Avait-elle même un nom ?
Un petit oeil bleu s’ouvrit furtivement et examina l’environnement. La petite boule de poils devait se sentir revigorée maintenant, mais tout cet environnement et les loups autour d’elle lui étaient étrangers. Il lui adressa un regard compatissant :
“Il n’y a rien à craindre, tu es en sécurité chez les Esobeks maintenant. Comment te sens-tu ? Est-ce que tu as un nom ?”