Le soleil nimbe les terres que tu parcours d'une sublime couleur orangée. Doucement mais sûrement, tu trottines à travers les terres de ce beau monde dans lequel tu vis. Il n'est pas beau pour vous ? C'est que vous devez certainement avoir connu autre chose que ce monde apocalyptique dans lequel tu évolues. Tu n'as jamais eu le choix entre deux mondes, tu n'as jamais connu un monde « normal ». Tu étais à peine née que la catastrophe avait déjà fait un grand pas et ravagé bien des lieux. Une mine neutre et pensive plaquée sur le visage, tu continues d'avancer, ne sachant pas très bien où tu allais. À vrai dire, tu laissais tes pattes te guider. Tu les laissais décider de la destination, qu'importe au final, puisque le destin est inéluctable. Qu'importe le moyen de parvenir, on arrive toujours au point auquel on doit arriver. Depuis ce matin, tu n'avais arrêté de marcher, de chasser, de courir. Pas une pause. Pas une seule fois. Pas le temps tu disais. Encore maintenant alors que tu avais quartier libre, tu avais décidé de partir explorer les territoires de ton monde. Tu voulais en connaître le plus possible sur ce dernier pour pouvoir bien mieux le défier le moment venu. Tu te savais suffisamment audacieuse pour te dresser devant lui et passer toutes les étapes qu'il pourrait bien mettre sur ton passage. Tu étais forte, tu étais la seule à avoir survécu, il fallait que tu le sois. Toi, tu avais survécu au froid, au sans-croc et à bien d'autres dangers. Tu étais toujours debout. Tu ne comptais pas tomber maintenant. Tu ne lâcherais pas prise maintenant.

Un air déterminé flanqué sur ton visage, tu continuais ta progression sans même te soucier de la poussière que tu envoyais volé sur ton passage, sans même te soucier du temps qui s'écoulait, de la distance que tu mettais inconsciemment entre ta meute et toi à chaque pas, sans même te soucier de la destination vers laquelle tu allais. Tu voulais simplement bouger. Ne pas penser, simplement agir. Le destin te menait à la baguette. Il te fit traversé sans peine toutes les terres de ta meute, passant aussi bien par le bosquet tortueux que par les collines escarpées que tu avais laissées loin derrière déjà. Tu avais poursuivi ton chemin au nord, vers les terres les plus arides et les plus hostiles de ton monde. Tu cheminais à présent vers la forêt aux pendus, lieu que tu connaissais déjà pour t'y être déjà rendu de nombreuses fois. Tu ne fus pas surprise par les aspects de cette forêt sombre, ses branches dénuées de toutes traces de verdure, ces bouts de tissus encore accrochés à ce même branchage, ces toiles d'araignées qui tapissaient le lieu, donnant ainsi une atmosphère spécialement glauque à ce lieu dont le nom était justifié. Sans la moindre crainte, tu traversas cette parcelle de territoire, passant aux côtés des dégâts et des débris laissés par les sans-crocs, non sans une once de dégoût. Enfin, tu arrives où le destin souhaitait te conduire. Inconsciemment, tu ralentis l'allure. Devant toi, s'étend, de tout son long, le Styx. Le spectacle que t'offre ta vue est sans pareil. Ce tortueux cours d'eau d'un noir déplaisant voit ses rives radicalement changées depuis la dernière fois, le passage des sans-crocs est bien plus prononcé, les trouées qu'ils ont laissées dans le sol avec leurs engins explosifs sont si imposants et si nombreux que tu as du mal à contenir ton étonnement.

Helya & Wakanda

Continuant tes plaintes silencieusement, ton regard se perdit dans le vague, fixant toujours et inlassablement l'horizon et ce qu'il t'offrait. Tu songes à tout ce que tu as vécu pour en arriver là. Ta naissance, la difficulté pour toi et tes frères de survivre, même celle qu'éprouvait ta mère pour vous nourrir tous les jours. Cet hiver plus froid que la normal qui n'avait pas épargné ton frère, mais aussi ces sans-crocs qui ravageaient tout et détruisaient et tuaient tout ce qu'ils touchaient. Ces mêmes personnages qui t'avaient pris ton frère et fait de ton terrain de chasse une vaste boucherie, un terrain mutilé aux airs constamment ravagés. Ceux-là n'avaient jamais laissé une seule chance au paysage de se refaire, enchaînant les batailles, pensant tous à gagner cette stupide Guerre sans intérêt. Ces deux pattes n'avaient aucune valeur, aucun respect pour la nature qui les entourait. Cette dernière les nourrissait et pour toute récompense, ils la piétinaient. Perdue dans tes songes, tu laissas échapper un soupir.  

Un lointain bruissement se fait entendre, te sortant de tes penser. Tu n'es pas capable d'identifier sa provenance et encore moins ce dont il s'agit. Tu redresses les oreilles et les tourne dans la direction, derrière toi. D'abord, tu ne repéras rien de suspect. Puis, alors que tu allais abandonner toute recherche, un nouveau bruit se fit entendre. Un bruit que tu savais, cette fois, identifier. Un bruit de pas. Quelqu'un. Derrière toi. Tu laissas ton pelage se gonfler. En moins d'une seconde, ce dernier doubla de volume, te laissant un instant paraître plus épaisse que tu ne l'étais réellement. Usant de ton flair, tu identifies la créature. Un autre lupin. Un loup d'une autre meute. Aie. Mauvaise posture. Sarcastique, tu laisses tes crocs se dévoiler. Sécurité oblige. Si ce loup voulait l'affrontement, il l'aurait. Tu ne te laisserais pas piétiner sans faire l'effort de te défendre. L'odeur qui émane de son pelage n'a rien de rassurant. Elle sent le Navnik à plein nez. C'est plus alarmant que ce que tu pensais. La guerre venait peut-être de finir, mais les rancœurs étaient loin d'être apaisées. L'après-guerre est parfois bien plus terrible que cette dernière. Après tout, les combats opposaient les Navnik aux Esobeks.

Décidant que c'était le bon moment et de peur d'être attaqué de dos, tu fis volte-face, te retrouvant presque le museau à une louve. Cette dernière bien plus imposante que toi avait elle aussi découvert les crocs et t'observais avec des yeux vides de tout pouvoir. À ce titre, on ne pouvait pas même parler d'observation. Cette vision te terrifia. Bien qu'aveugle, son corps semblait solide, ses muscles saillaient sous son pelage, ses nombreuses balafres témoignaient de son expérience. Si un combat devait être déclenché, tu n'en sortirais certainement pas vainqueur. Ne te démontant pas pour autant, tu te redressas par fierté plus que pour faire bonne apparence. À quoi bon ? Elle n'était même pas capable de te voir. Un grognement s'échappa de ta gueule alors même que tu voulais l'étouffer. Ta fierté prit le dessus, inconsciemment, tu soufflas.

Helya & Wakanda

Trop fier pour te rabaisser. Trop fier pour ne rien dire. Vraiment trop fier pour ne pas broncher. Décidément, tu ne pouvais supporter de te faire marcher dessus. Même si tes paroles semblaient menaces, c'était une simple prévention. Tu faisais parvenir ton intention à l'autre. Elle s'approche. Très prêt. Au point que tu puisses la voir dans le blanc des yeux. D'ailleurs, ses yeux étaient totalement blancs. Rien n'y ressortait. Juste une blancheur cadavérique, une blancheur aveugle. Elle ne voyait donc pas. Ta fierté redescendit d'un cran, sans pour autant te détendre, tu ne ressentais plus la même chose. Au fond de toi, de la pitié s'insinuait. Erreur crucial. La louve semblait n'attendre que ça depuis le début. Alors que tes yeux rencontrent les siens et s'y ancrent, elle t'arrache du sol et t'y plaque quelques secondes plus tard. Tu ne sais pas quel biais, mais elle se retrouve sur toi, les pattes ancrés dans tes épaules, t'empêchant tout mouvement. Elle t'a eu. Tu es sur le dos. Tu es vulnérable. Tu es faible. Tu t'es faites avoir comme un bleu. Silencieusement, tu pestas contre toi. Qu'est-ce que tu pouvais être stupide. La pitié c'est pour les faibles. Ancre-toi ça dans la tête Wakanda. Stupide. Tu es STU-PI-DE.


Ses crocs découverts, sa tête était relativement proche de ton museau. Légèrement apeuré pour ta sécurité et sentant la panique et l'adrénaline monter, tu commences à te débattre, voulant sortir de cette étreinte, de cette position délicate dans laquelle tu t'es presque laissé mettre. Elle avait réussi son coup. Tu ne t'étais pas défendu. Tu avais donc menti ? Tu t'étais faite avoir. Comme une bleue qui plus est. Sentant la rage monter dans ton corps, tu grognes. Tu montres les crocs. Tu te débats de nouveau. Tu abandonnes, minant de ne plus avoir assez de force, plus assez d'énergie pour te débattre, tu détends tes muscles. Totalement. Tu ne bouges plus. Alors que tu laissais penser à ton abandon à la lutte, tu saisis ta chance, planta tes crocs dans la patte avant de la louve et bascula sur le côté, grognant de rage.

Helya & Wakanda