Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Par cette froide matinée d'automne, les rayons timides du soleil percent à travers les nuages gris qui obstruent le ciel, créant une sorte d'halo autour de la Chapelle en Ruines. Je regarde ce spectacle de mes yeux vairons, silencieuse et calme. Je reviens des bosquets, et mon pelage blanc, dont je ne prends pas grand soin ces derniers temps, est emmêlé de brindilles et de feuilles, boueux aux extrémités. Je ferais peur à n'importe qui, comme ça. Je m'ébroue, et reprend le pas vers la chapelle. Je sens l'odeur des miens et, pendant un bref instant, j'ai l'illusion d'être vraiment chez moi. Mais c'est faux bien sûr. J'ai l'impression que, peu importe l'endroit, je me sentirai étrangère. Une petite brise monte de la Dune de Sable. Je m'assois près d'une pierre écroulée, seule et sereine. Je ferme un instant les yeux, goutant aux délices du silence bienfaiteur. Ce silence ne dure pas bien longtemps, car j'entends quelqu'un s'approcher. Mon instinct, un peu trop sur le qui-vive, me fait bondir sur mes pattes. Je me retourne et me détend immédiatement. Feu, la jeune nouvelle, s'approche lentement.
« Hey, lançai-je. Ne t'approche pas comme ça par derrière, tu risquerai d'y perdre la vie. »
Mon ton est léger, clair et amical, comme si je venais de faire remarquer ô combien le temps était radieux. Je ponctue mes paroles d'un sourire malicieux.