T
out n'est que confusion. Horreur. Un cauchemar sans fin duquel je m'éloigne en courant. Ils me l'ont volé... ma chance d'être heureuse auprès de ma seule famille... Charlie.
Je cours, je cours, à en perdre haleine, malheureusement mes pattes sont frêles et faibles. Elles n'ont connu dans leur vie que le doux satin du tapis au coin du feu. Le feu. Radieux, chaud, apaisant. Souvenir lointain, je trébuche. M'étalant de tout mon long sur le sol sec et froid, j'ai envie de pleurer. Des couinements s'échappent alors de ma truffe.
"Où suis-je?" "Faites moi rentrer à la maison...", "je veux revoir Charlie". Je n'ai qu'une famille et c'est d'elle qu'il s'agit. Que suis-je? Un chien de maison, qui ne connait rien de la nature dans laquelle je me trouve? Comment vais-je survivre? Comment avancer?
Je suis déjà fatiguée, et l'envie de continuer s'échappe peu à peu de mes pensées. Je vais rester ici, à attendre, attendre que quelqu'un vienne me chercher. Je ne suis que l'image d'un enfant brisé, seul et triste, qui attend son parent depuis bien trop longtemps.
Sous ma tête, la terre est rude. Elle n'est nullement accueillante comme je l'avais cru, perdu dans mes pensées les soirées de pleine lune tandis que les chants d'inconnus s'élevaient dans les airs. Non, elle n'est pas agréable, et être ici n'est pas ce que j'avais désiré. Mon ventre couina. J'avais faim. Me vint alors l'odeur alléchante du sang à l'esprit. Non! Non. Le sang était la raison pour laquelle j'avais tout perdu, je ne devais plus me laisser enivrer par son attrait.
Cela faisait plusieurs minutes que j'étais étalé par terre, comme un tapis sans vie. Les bruits de la forêt me faisaient peur. Le tintement du lac qui était un peu plus loin était effrayant lui aussi. Nauséabond. Je reprenais mes pleurs. La nature est une horreur, qui pouvait vouloir vivre ici. Qui?
Le temps passe. Mes yeux se ferment. J'ai froid. Mon pelage semble trop fin pour intercepter la fraîcheur environnante. J'aimerai tellement être proche du feu. Sa silhouette hante mon être, mon esprit. Il est fort, pas comme moi. Il est beau, pas comme l'état dans lequel je suis, pleine de boue, essoufflée comme un bébé. Il est ardent, pas comme la faiblesse de mon esprit.
Le soleil commence à disparaître au loin. Avec son absent, le silence vient. Je suis désormais plus seule et apeurée que jamais. Incapable de bouger. Je suis un pantin désarticulée.
Que quelqu'un me face bouger...
3/10/7