Djall est efflanquée par la sueur tant la chaleur est écrasante. Partout où elle pose la patte le sol est sec. Cela fait déjà plusieurs jours que les températures ont grimpé en flèche, tarissant les ruisseaux et craquelant la terre. La guerrière sait pertinemment qu'une atmosphère si lourde et terrassante rend la chasse plus compliquée. Néanmoins la guerre fait rage ces temps-ci et les ventres doivent être pleins. Malgré le jour déclinant et le soleil à demi masqué par les hauts pins de plus en plus verdoyants de la forêt, l'air ambiant reste humide et comme épais. « Ce n'est pas le moment de se lamenter », se somme-t-elle intérieurement en rassemblant son courage. La grande louve se met en chasse. Elle trotte à vitesse régulière en dressant l'oreille. Sa fourrure argentée miroitent et semblent s'enflammer lorsque les rayons orangés du soleil couchant l'éclairent. Elle se rend compte qu'elle est trop visible. Elle trouve un coin de terre sèche au milieu de feuilles mortes et s'y roule en s'y donnant à cœur joie. Une fois remise sur ses pattes, l'éclat beaucoup plus terne de ses poils la satisfait et elle se remet à trotter.

Djall se réveille ce matin-là au milieu d'une petite tempête qui s'apparente plutôt aux vents nordiques qui ont décidé de se déchaîner. Elle sort de l'alcôve creusée dans le sol et tapissée de mousse verte où elle a passé la nuit et s'octroie une rapide toilette entre les murs de la construction humaine qui l'abritent des éléments en colère. Après qu'elle ait humidifié son poil, elle se roule généreusement dans la poussière accumulée çà et là dans les ruines. Elle se sent fin prête à affronter la nature belliqueuse pour s'en aller chasser. Après tout, mauvais temps où pas la meute a besoin de manger et au vue des nombreuses jeunes bouches à nourrir, Djall n'a pas le temps de chômer. Elle s'élance donc en retenant sa respiration loin du couvert des murs. La grand louve manque de s'étaler par-terre lorsque les bourrasques s'engouffrent pour la première fois dans sa fourrure argentée et frappe de plein fouet son flanc. Se servant de ses griffes ivoires en les plantant dans le sol sec pour se maintenir droite, elle file se réfugier sous les arbres. Une fois aux pieds des pins touffus, elle se met en chasse moins tourmentée par les intempéries. Elle trottine sur une distance qui lui semble infiniment longue et le soleil se retrouve vite à son zénith alors que la guerrière n'a toujours pas croisé la moindre piste fraîche. Soudain, alors qu'elle passe à côté d'un bosquet plus broussailleux que les autres, une odeur l'interpelle et elle ralentit la cadence pour trouver sa provenance. Très rapidement, la conviction qu'une proie se trouve dans ce bosquet de buissons s'empare de son cœur. Elle s'arrête et ouvre ses sens. Le parfum du lapin est extrêmement fort à cet endroit, et son ouïe capte de légers couinements. Elle bondit sans plus attendre au milieu du bosquet où ses sens lui indiquent la présence du gibier. Elle pousse un grognement rageur alors que le lapin doré s'échappe à toute vitesse. « Pas assez rapide », se somme-t-elle en se jetant à la poursuite de la proie. C'est un animal vif, néanmoins elle reste à ses trousses sur quelques kilomètres avant de le perdre dans un gigantesque buisson épineux. Ce jour-là, elle rentre bredouille d'une chasse infructueuse la mort dans l'âme et le corps fatigué.

Djall s'est réveillée ce matin-là avec l'idée de partir chasser seule pour se vider la tête. Voilà pourquoi elle se retrouve à gambader dans la forêt naissante qui entoure la colline où se dresse ce qu'il reste de la construction humaine abandonnée aux loups. Elle suit les très vieux sentiers pédestres où les bipèdes ne se risquent plus tant la flore y a retrouvé ses droits. Etant une louve large d'épaule, Djall peine à se frayer un passage silencieux parmi les buissons sauvages, les feuilles mortes et les ronces. C'est ce qui lui a valut probablement cette chasse catastrophique. Elle a rodé durant des heures dans le bois, jusqu'à ce que le soleil décline dans le ciel nuageux. Puis elle a du rentré au bercail bredouille à nouveau comme de coutume ces-derniers temps.

Djall bondit d'entre les branches épineuses du buisson qui lui sert de cachette. Sa fourrure argentée un peu en bataille et tous crocs dehors, elle s'élance aux trousses d'un lapin qui grignote au pieds d'un chêne imposant. Pendant de longues minutes, elle galope à vive allure et tente désespérément de rattraper la minuscule queue blanche et brune qui se balance de haut en bas au rythme des foulées de l'animal. Soudain, le monde vert et brun autour d'elle tangue et s'écroule alors qu'elle s'étale de tout son long sur l'humus moue et tiède de la forêt en ressentant une vive douleur dans l'antérieur droit. Elle se redresse doucement et teste sa cheville prudemment en faisant quelques pas. Elle ressent un grand soulagement lorsque le mal s'estompe peu à peu. Elle relève le nez mais le lapin n'est plus là. La mort dans l'âme, elle fait volte-face et reprend la direction des ruines. Sur le chemin, elle garde les oreilles dressées et les sens aux aguets mais ne repère rien. Encore une chasse veine.