Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Ce matin, Véga s'était levée tôt pour partir en chasse. Elle avait décidé de passer quelques jours dans cette plaine, ce qui lui laissait tout le temps de trouver quelques proies afin de subvenir à ses besoins. Aujourd'hui, la louve se sentait en pleine forme pour se mettre au travail.
Elle avait commencé par se dégourdir les pattes en se baladant simplement, flairant les environs au passage, juste au cas ou, puis elle avait commencé sa véritable traque. Débutant par le Sud des terres, la louve s'était mise à observer les alentours à la recherche d'une proie. Avec un sol recouvert de cendres tel que celui-ci, trouver des empruntes de pas serait assez simple.
Elle avait marché un certain temps avant de tomber sur ce qu'elle cherchait : au sol, de jolies traces de sabots avaient imprimés leurs contours dans la cendre fraichement retournée. Véga les huma quelques instants. Il s'agissait d'un cervidé mâle, si elle en croyait son flair. Autour, il n'y avait aucune autre traces, ce qui devait vouloir dire que ce dernier n'était accompagnée d'aucun de ses congénères.
Véga suivit méticuleusement la piste, attentive au moindre bruit. Elle se sentait très en forme pour tenter d’attraper un aussi gros gibier, même si les cerfs représentaient un certain risque. Tant qu'elle réussissait à se tenir loin de ses bois et des ses sabots, elle pouvait espérer s'en sortir sans blessures.
Comme prévu, la louve retrouva l'animal quelques mètres plus loin, sa tête dirigée vers le sol. Il devait être en train de chercher de quoi manger, même si c'était peine perdue dans ces terre. Véga avança dans le silence le plus total, analysant d'abord la carrure de sa proie avant de passer à l'attaque. C'était bel et bien un mâle de taille adulte. Son corps était musclé et ses bois aiguisés ornaient le sommet de son crâne. Si elle réussissait à le surprendre, il n'aurait pas le temps de mettre beaucoup de distance entre elle et lui, ce qui lui permettrait de l’atteindre plus facilement. Elle devait d'abord se concentrer sur des jambes afin de le faire tomber.
La louve prit son élan, bondissant d'un seul trait hors de sa cachette pour se ruer sur l'animal. Le cerf se cabra, effrayé, avant de détaler précipitamment la ou il pouvait. Lancée à ses trousses, Véga se rapprocha de lui afin de lui attraper les pattes arrières, se plaçant sur le coté en évitant soigneusement les coups de sabot qu'il lui décochait. Elle faillit prendre sa dernière ruade en pleine face mais parvint à l’esquiver de justesse, bondissant sur son jarret pour y mordre à pleine dent. S’accrochant à lui, Véga chercha à le ralentir pendant qu'il courait, déchirant sa peau de ses canines. Il finit par la désarçonner, mais la louve lui saisit la cheville en retombant, y refermant ses mâchoires. Cette fois, elle relâcha prise d'elle même, évitant un coup de sabot qui aurait pu lui être fatal. L'animal commençait à boiter, ralentissant l'allure. Véga en profita pour bondir sur son dos et s'y accrocher fermement, mettant toute sa force dans son ultime attaque. Le cerf bramât, se débattit, mais finit par céder sous son poids. Il tenta de lui assener au passage quelques coups de bois mais il était déjà trop tard. Elle l'avait attrapée à la gorge pour lui donner le coup de grâce. Ses crocs se resserrent sur sa jugulaire jusqu’à ce qu'il se mette à se relâcher, perdant peu à peu l'étincelle de vie qui luisait dans son regard. Véga finit par lâcher prise, se mettant à manger la chair tendre de sa proie.
Elle s'était levée le lendemain avec le ventre plein et les pattes encore raides à cause de sa course de la veille. Véga avait encore envie de chasser. Elle était sortie de sa tanière aux aurores, reprenant la même piste que là ou elle avait déniché le cerf. Ses oreilles droites et la croupe souple, la louve sillonnait la plaine avec attention. Au sol, quelques carcasses d'objets humains abandonnés scintillaient au soleil. Elle prenait soin de les éviter. Ses pattes ne devaient surtout pas faire de bruit.
Elle avait trouvé la piste d'une proie près d'un tas de cendres, la ou quelques herbes chétives poussaient encore. Cette odeur était assez similaire à celle du cerf d'hier, mais elle était moins forte. Véga redressa la nuque, intriguée. Était il possible qu'un groupe de cerfs et de biches soient de passage dans la région ? Si c'était le cas, elle était vraiment tombée au bon endroit. Suivant les traces de pas, la louve fauve arriva derrière un morceau de fer gris ou elle de cacha pour observer les proies. Plus loin, deux biches broutaient en silence. L'une était plus jeune que l'autre, mais elle semblait aussi plus agile et plus rapide que la plus vieille.
Véga prit cette dernière pour cible, se déplaçant derrière le pan de ferraille, prête à lancer sa charge. Les deux femelles ne l'avaient pas repérée, elles étaient trop occupées à manger. Ne lâchant pas sa cible du regard, Véga se glissa en dessous du morceau de fer avant de se jeter à toute vitesse en direction de la biche. Cette dernière rua avant de fuir aussi vite qu'elle pouvait, suivie par la plus jeune qui en courant, gardait ses distances avec la louve. Elle ne s'occupait pas d'elle. Véga concentrait toute son attention sur la plus âgée des deux, mais aussi la plus proche d'elle. Ses pattes la menèrent jusqu'aux flancs de la biche dans une foulée rapide. La bête lui décocha un coup de patte qu'elle manqua de prendre en plein ventre. Perdant de sa vitesse afin de l'éviter, la louve dut attendre que la biche commence à s'épuiser avant de donner une nouvelle accélération. Heureusement pour elle, cela ne prit pas longtemps. Sa proie commença à ralentir l'allure au bout de quelques minutes, lui permettant de se rapprocher de ses jarrets. Elle bondit sur sa patte arrière droite, mordant à pleine dent dans son articulation. L'os craqua sous ses crocs, mais elle dut lâcher prise suite au mouvement de sa proie. La biche s'était mise à boitiller tout en courant, lui permettant de s'attaquer à ses antérieurs droits. Véga bondit sur l'arrière de son dos, l'écrasant de tout son poids.
Épuisée, la biche s'étala au sol avec un râle de douleur. Véga en profita pour remonter jusqu'à sa gorge afin d'y serrer ses mâchoires. Elle allait se dépêcher de mettre un terme à ses souffrances.
Il faisait nuit noire lorsque Véga était sortie de sa tanière, mais le soleil avait eu le temps de se lever avant qu'elle ne commence à chasser sérieusement. Tous les cerfs et autres biches de la région avaient du fuir, après ses deux premières attaques, car elle n'en croisa pas un au cours de la mâtiné. Ni leur odeur ni leur trace n'étaient fraiches, aussi, la louve abandonna l'idée de les traquer plus loin. Elle espérait trouver une autre proie dans les parages.
Véga avait commencé par chercher dans le sud de la plaine avant de remonter vers l'endroit ou elle avait trouvé sa première proie. L'avantage de ces lieux étaient que le moindre animal était facile à pister, avec les traces qu'ils laissaient au sol. Elle avait d'ailleurs repéré quelques empruntes de lapin près d'une crevasse et les avait suivies jusqu’à un petit point d'eau presque à sec. La louve se courba vers le sol pour observer les alentours. Ici, l'odeur de l'animal qu'elle était en train de suivre était plus présente : il n'avait pas du encore quitter les lieux. Ses oreilles se tournèrent en direction d'un petit rocher. Elle avait crut entendre du bruit là derrière... Doucement, la louve fauve s'en approcha, scrutant du mieux qu'elle pouvait au loin.
Le lapin était bel et bien la, dressé sur ses deux pattes à faire elle ne savait quoi. Se glissant peu à peu vers lui, elle se concentra avant de courir dans sa direction. Ses mâchoires faillirent se refermer sur la nuque du petit animal mais ce dernier fut assez vif pour se dégager et s'enfuir à toute vitesse à travers la plaine. Elle le suivit sans hésiter, attendant qu'il soit assez désorienté pour lui fondre dessus et l'attraper au garrot. Ses crocs se resserrent sur la peau du lapin qui glapit tout en essayant de se libérer mais Véga ne lui en laissa pas l’occasion, resserrant son emprise toujours plus fort, jusqu’à ce que sa proie finisse par perdre la vie.
Véga s'était reposée une journée avant de reprendre la chasse. Le soleil était déjà haut dans le ciel lorsqu'elle avait quitté sa tanière, mais elle était toujours aussi motivée à chasser. La louve avait été chanceuse, ces derniers temps ! Elle espérait que ça dure. Toutefois, sur son chemin, elle n'avait rencontré ni lapins, ni cerfs, ni quoi que se soit d’intéressant.
Elle avait eu beau chercher encore et encore durant toute la journée, Véga n'avait pas dégoté la moindre proie. Ce n'était pas un problème heureusement, elle avait déjà bien mangé pour ce mois-ci.