Force : 29 Agilité : 30 Endurance : 35

Je suis tranquillement assis sur ma chaise en bois usé par le temps, les pieds sur le petit bureau sur lequel est posé mon verre de vodka. Enfin, un bureau c'est un bien grand mot pour une planche de bois soutenue par deux malheureux tréteaux. M'enfin, il n'y a pas de quoi se plaindre. Au moins, mes pieds sont posés sur quelque chose. Il n'y a pas que cette chaise qui est usée et décrépie par le temps, par la guerre, par nos mornes existences. Non, toute cette cabane l'est et bien plus que cette foutue cabane, je le suis profondément. Je suis usé de toutes ces conneries et des fois je ne sais pas ce qui me retient de prendre mon six coup et de me planter une balle pile entre les yeux. Mais, à chaque fois je m'arrête et repose l'arme dans son étui. Je ne peux pas me suicider. Partir comme cela serait purement égoïste. Que ferait Maria sans moi ? Et la petite. Non, je ne peux pas me permettre de laisser ma femme et ma fille se débrouiller seule dans ce monde en ruine. Mais, j'ai perdu tout espoir depuis que Bobby et Marco sont morts sous mes yeux il y a quelques mois. Ils sont morts lors des bombardements qui ont pilonnés la zone durant de longs mois. Nous étions partis en chasse pour rapporter de quoi alimenter nos familles car à cet époque le bétail était mal en point touché par la maladie. Et une autre partie avait été tué lors des bombardements, tués dans les prés bordant le village. Notre foyer, le dernier refuge de l'humanité dans ce coin perdu. Voir ses deux meilleurs amis mourir sous vos yeux vous ébranle au plus profond de votre âme. C'est comme si vous perdiez une partie de vous même. Et puis, si la douleur était le seul poison dans lequel se noyait votre âme meurtrie à jamais. Mais, non à cela s'ajoutait les doutes et les questions permanentes. Pourquoi suis je encore en vie quand ces deux là sont morts ? Pourquoi ? Pourquoi Bobby qui était toujours prêt à aider tout le monde, de la petite vieille au bambin perdu ? Pourquoi, mon dieu ? Non, Dieu a abandonné ce monde il y a bien longtemps sinon tout ce chaos ne serait pas arrivé. Je tends le bras et saisis le verre de Vodka, un autre type de poison que je lève et verse au sol en souvenir de mes deux amis. Puis, je me siffle le reste du liquide amer d'un coup sec. La chaleur irradie ma poitrine tandis que mes boyaux se tordent entre eux comme s'ils voulaient sortir de mon ventre. Une larme silencieuse coule le long de ma joue. Non, je dois être fort. Je le dois pour Maria et Lucie. Même si je ne supporte plus les regards admiratifs que me lance ma compagne car je sais que je ne suis pas digne d'être admiré. Je ne suis pas digne de ton amour, ni de celui de la petite. Je vis chaque jour en me disant que ma place n'est plus ici et pourtant je reste fermement accroché à vous. Vous êtes mes dernières raisons de vivre. Alors, que je tripote la boucle métallique de ma botte droite, les aboiements des chiens me tire de ma torpeur mélancolique. Je me lève précipitamment et la chaise tombe lourdement sur le sol. Je saisis les clés sur l'étagère et enfile mon manteau avant de mettre mon masque protecteur. Je saisis ensuite mon fusil sur le bureau et sors de la cabane. Je ferme la porte derrière moi et range la clé dans ma poche. Je descends les escaliers et approche des chiens attachés à un arbre. Mes molosses sont très excités et ne cesse d'aboyer. La seule fois ou je les ai vu plus exciter c'était lors d'une chasse au loup. Je comprends donc bien vite qu'un loup se trouve dans les parages. Je passe les colliers à mes chiens et les détache. Je prends la direction de la forêt mon fusil à l'épaule et les deux laisses dans une main. Je marche mais me mets finalement à trotter à travers les arbres déracinés et les maigres buissons. Je m'arrête et retire le collier de mon meilleur pisteur et le laisse partir en avant tandis que je tiens fermement la laisse de son frère. Le molosse en laisse me mène jusqu'à des traces de loup. Je prends un moment pour les examiner. Elles sont fraiches, il est encore dans les parages. Je réfléchis quelques instants. Il va surement tenter de nous semer vers le marais. Les chiens détestent ce lieu nocif. Il n'y a pas une seconde à perdre. Une fourrure de loup fera une couverture de choix pour la petite. Les hivers sont rudes ces temps ci. Je coure en même temps que mon chien qui est de plus en plus excité. Nous arrivons finalement devant mon meilleur pisteur qui est visiblement blessé. Salopard de loup. Je m'approche du chien et est soulagé de constater qu'il n'a aucune blessure mortelle. Je caresse son front et lui repasse le collier. Puis, je laisse le chien valide me mener jusqu'au loup. Je vais l'abattre ce foutu loup. Nous arrivons quelques minutes plus tard dans un bosquet. Le sang du loup est sur l'écorce des arbres, la terre de la forêt et les feuilles d'automne mais aucune trace du loup. Je ratisse la forêt pendant une bonne heure mais aucune trace de ma proie. Le salop a été malin. Je retourne à la cabane avec mes deux chiens. Je soigne les blessures superficielles de mon pisteur avant de me servir un autre verre de vodka. Sale journée, sale époque, sale siècle.

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