Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
"When the hour is upon us, and our beauty surely gone, no you will not be forgotten, no you will not be alone" force 19 | agilité 22 | endurance 23
Reaven était plus que préoccupé ces jours-ci. Non seulement à cause de la guerre qui allait arriver mais aussi à cause de cette maladie qui avait fait son apparition. Il avait déjà soigné Plume Rousse il y a de cela quelques jours, mais ne pouvait qu’espérer qu’elle soit réellement guérie, ignorant si un remède existait vraiment. Il se sentait complètement impuissant face à cette situation qui le dépassait, qui les dépassait tous. Et cette guerre qui avançait à grands pas, cette guerre dont il n’était plus trop sûr qu’elle soit vraiment justifiée ... Il ne lui arrivait même plus de penser à quoi que ce soit d’autre. Ces deux choses enveloppaient son esprit, étouffaient toute pensée d’autre nature, le gardaient éveillé la nuit, l’accompagnaient où qu’il soit, peu importe avec qui il était.
A ce moment, il venait de rentrer d’une chasse aux plantes et s’affairait à trier celles-ci, mettant de côtés toutes celles qui pourraient être utiles à traiter la nouvelle maladie, mais il n’était pas trop sûr de la classification à appliquer ... Qui lui disait que les symptômes étaient les mêmes pour tout le monde ? L’insomnie semblait en tous cas être le dénominateur commun d’après ce qu’il avait pu comprendre ...
Perdu dans les fragrances mêlées des différentes plantes, il faillit passer à côté d’une odeur qui venait d’apparaître au pas de sa porte. Une odeur qu’il reconnût immédiatement dès qu’il la sentit : Noire. Il se redressa subitement. Lors de leur dernière rencontre il lui avait proposé son aide mais elle avait refusé, préférant repartir vivre sa vie en solitaire ... et pourtant la voilà. Il ne put s’empêcher de sourire, il était heureux qu’elle ait pris la décision de venir. La revoir serait bien le seule chose positive qu’il ait vécue depuis plusieurs jours.
Il laissa en plan son travail pour se diriger vers l’entrée de sa tanière, la queue battant légèrement l’air. Il trouva la louve au pas de sa porte et voulut s’approcher de plus près pour la saluer mais, se rappelant qu’elle n’aimait pas qu’il s’approche de trop près, il garda ses distances et lui adressa un sourire sincère :
“Noire, je suis heureux de te voir !”
Le Guérisseur remarqua cependant qu’elle n’avait pas l’air des plus en forme. Signes extérieurs de fatigue, comme chez Plume Rousse ... Son sourire s’effaça un peu ; oh non, pitié, qu’elle ne soit pas atteinte ... Pas elle, elle qui souffrait déjà assez au quotidien des douleurs qu’elle s’infligeait elle-même n’avait pas besoin de cela en plus. Peut-être qu’elle était simplement fatiguée, après tout être Solitaire doit être exténuant ... Ou peut-être pas.
Il sortit complètement de la tanière et se décala légèrement pour la laisser passer, son regard s’égara un instant sur le dos de la louve pour vérifier l’état de sa grande blessure, mais il ne put pas voir grand-chose.
“Entre donc si tu le souhaites, tu es la bienvenue.”
Minuit l'abandonna devant la tanière de Reaven. La solitaire ne savait plus quoi faire désormais. Attendre ? Entrer ? Appeler ? Elle se trouvait sur la terre Esobek, il ne fallait pas l'oublier. Et cela pouvait s'avérer plus que dangereux, si elle tombait sur un fou-furieux tel que Hige ou le Navnik couleur de jais. Elle espérait sincèrement qu'il n'y avait personne de ce genre là dans la meute du guérisseur gris. Depuis son arrivée sur la terre des loups, Noire avait croisé quelques Esobeks, par-ci par-là. Reaven pour commencer. Puis Onyx, Minuit, Reny et Nymeria. Tous s'étaient montrés assez sympathiques dans l'ensemble, mis à part Onyx qui avait bizarrement explosé de colère à la fin de leur sortie du dédale. Mais c'était une exception. La femelle sombre patientait devant la tanière du guérisseur. Elle se rappela alors qu'il serait intéressant de lui demander s'il pouvait soigner ses insomnies fréquentes et ses maux de tête. Cette étrange maladie qui était venue s'implanter dans son corps commençait à la perturber grandement. Elle l'empêchait même parfois de chasser. Et Noire n'avait pas du tout envie de demander de l'aide à Manîthil une nouvelle fois. Elle voulait être soignée par Reaven.
"Noire, je suis heureux de te voir !"
La louve sursauta, mais son pelage noir se remit en place lorsqu'elle reconnut le mâle gris, qui était venu à sa rencontre. Leurs regards se croisèrent, mais Noire ne dit rien, jusqu'à ce qu'il lui propose de rentrer dans sa tanière. C'est seulement à ce moment-là, que la solitaire se décida à lâcher un faible "merci", avant de pénétrer la première dans l'antre du guérisseur. Cependant, une fois à l'intérieur, elle en resta tout aussi muette, préférant attendre que Reaven débute la conversation le premier, comme toujours. Noire n'avait pas envie de lui annoncer maintenant qu'elle voulait qu'il la soigne. Et pourtant, son regard terne, éteint, et son front plissé démontraient bien sa douleur. Peut-être bien que Reaven lui demanderait lui-même en premier de prendre soin d'elle durant quelques jours, pour éliminer cette maladie ?
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hrp:
Désolée d'avoir mis aussi longtemps pour répondre ><
La louve noire le remercia faiblement. Elle n’avait vraiment pas l’air dans son assiette ; non pas que son mutisme sortait de l’ordinaire, mais tout chez elle transpirait la fatigue et la douleur. Le Guérisseur jeta un regard inquiet sur le dos de la louve lorsqu’elle passa devant lui : sa blessure était dans le même état que la première fois qu’il l’avait vue, couverte de croûtes arrachées par endroits, mais elle ne semblait pas s’être infectée et n’était donc pas la cause de la fatigue de la louve. Reaven ne savait trop dans quel sens prendre cette information : il savait comment traiter une infection, même si cela comportait des risques, mais si Noire avait attrapé cette nouvelle maladie ... Il savait comment en traiter les symptômes, mais quant à savoir si cela ferait partir la maladie pour de bon ...
Il s’engouffra dans la tanière à sa suite, l’expression toujours inquiète, les oreilles tirées vers l’arrière, alors que Noire le fixait de son regard vitreux. Il s’approcha d’elle, mais pas de trop près non plus, se rappelant qu’elle n’aimait pas la proximité des autres loups, mais il faudrait bien qu’elle le laisse venir de plus près si elle souhaitait être soignée. La voir dans cet état lui faisait mal au coeur, et il ne supporterait pas de ne pas pouvoir l’en sortir.
“Je peux clairement voir que ça ne va pas, et je suis là pour t’aider. Je te sens bien trop fatiguée et quelque chose te fait mal. Une forte migraine ? Une douleur aux yeux ou aux oreilles ?”
C’étaient là trois des symptômes communs des Sangs de Cauchemar qui accompagnaient souvent l’insomnie omniprésente. Reaven avait beau continuer à espérer que Noire n’était pas affectée de cette maladie, il y avait peu de chance que ses espoirs se révèlent être exacts. Il aurait préféré savoir qu’elle était en bonne santé et ne plus jamais la revoir, plutôt qu’elle ne se présente à son seuil avec une maladie qui la rongeait de l’intérieur, comme à cet instant ; mais il était soulagé qu’elle ait décidé de venir le voir lui et pas de rester dans son coin en attendant que les choses empirent.
Noire sentait que sa tête lui tournait, et que ses oreilles la faisaient souffrir. Mais elle serrait les mâchoires, refusant d'en toucher mot à Reaven. A la base, elle était seulement venue pour s'assurer qu'il allait bien, et non pour qu'il le soigne. Mais elle savait bien qu'il finirait pas s'apercevoir de ses douleurs et de son sale état. Elle se tint donc, immobile, au milieu de la tanière, le regard fixé dans la vague lointain. Ses pattes flageolaient, comme si elles avaient du mal à supporter son poids, mais Noire tenait le coup. Les babines encore plissées, elle attendait que le guérisseur Esobek prenne la parole.
"Je peux clairement voir que ça ne va pas, et je suis là pour t’aider. Je te sens bien trop fatiguée et quelque chose te fait mal. Une forte migraine ? Une douleur aux yeux ou aux oreilles ?"
Noire se retourna lentement vers lui, et lâcha une petite quinte de toux, avant d'hocher la tête. Ses yeux jaunes, d'habitude si plein de beaucoup de sentiments : Haine, colère, rage... Semblaient désormais ternes et éteints. Symptôme qui devrait alarmer Reaven bien plus que la migraine et les douleurs.
"Je dors très mal aussi." Lâcha t-elle dans un grognement faible.
Elle était fatiguée, voulait pouvoir s'asseoir, se coucher et dormir, calmée par les remèdes efficaces de l'Esobek. Mais elle préféra prouver qu'elle était forte et qu'elle tenait le coup, et resta debout un long moment. La marche avec Minuit l'avait épuisée, mais Noire n'était vraiment pas du genre à montrer ses faiblesse. Malheureusement, même lorsque l'on a la foi, on ne peut pas survivre à tout. Noire sentit soudain une affreuse douleur lui transpercer la tête, et son regard se voila. Ses pattes tremblèrent avec plus de force, et elle vacilla brusquement, s'écroulant au sol dans un bruit sourd. Puis tout devint noir.
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Utilisation de plantes -1 lotier corniculé : fièvre et insomnie -1 lentille d'eau à trois sillons : migraines et douleur yeux/oreilles
Noire commençait à tituber, et alors qu’elle s’apprêtait à répondre une quinte de toux la prit, l’affaiblissant encore plus. Par réflexe, Reaven s’était légèrement décalé pour éviter les expectorations de la louve, avant de revenir vers elle, un peu plus près, pour l’entendre souffler enfin :
“Je dors très mal aussi.”
Ses yeux cherchaient à se fermer et Reaven pouvait voir qu’elle luttait, mais il pouvait aussi très clairement deviner que c’était la fin de cette bataille contre l’évanouissement. Son corps avait désespérément besoin du repos dont elle n’avait pas pu profiter depuis bien trop longtemps. Sentant que bientôt les pattes noires de la louve ne pourraient plus la supporter, le Guérisseur se précipita à son côté pour tombe en douceur, maintenant sa tête sous la sienne pour l’empêcher de se cogner contre le sol dur.
Même dans cet état de sommeil la louve ne semblait toujours pas paisible. On aurait dit qu’elle était toujours sur ses gardes, prête à combattre ce qui se présenterait à elle, intrus bien réel ou cauchemar. Reaven ne pouvait pas simplement la laisser là sur la pierre dure et froide ; mais la déplacer jusqu’à la paillasse au fond de la tanière, la toucher sans permission, lui aurait donné l’impression de la trahir ... Tant pis, la santé et le confort du patient passent toujours en premier. La louve était plus lourde que lui mais il parvint à la faire glisser jusqu’à la paille qui tapissait le fond de la tanière et l’y déposer doucement, au prix d’un gros effort.
Qui sait combien de temps elle allait rester dans cet état ? C’était peut-être même trop tard, elle était peut-être tombée dans un coma dont elle ne ressortirait pas ... Mais il y avait encore un espoir, et Reaven n’était pas près à la laisser partir sans se battre. Posant doucement le museau sur le front de la louve, il pouvait sentir que celle-ci était atteinte d’une forte fièvre qu’il fallait absolument faire tomber. Il se dirigea rapidement vers sa réserve de médicaments et en sorti deux plantes : une tige de lotier corniculé qui pourra agir contre la fièvre et l’insomnie et une lentille d’eau à trois sillons pour la migraine et les douleurs d’oreilles.
Le problème était d’administrer le médicament à la louve inconsciente ... Les loups n’ayant pas encore deviné comment utiliser les seringues, il n’y avait qu’un moyen, qui ne plaisait pas vraiment au Guérisseur : la forcer à l’avaler. Reaven se résolut à mâcher les plantes jusqu’à former une pâte, puis ouvrit délicatement la gueule de la louve et y glissa la pâte dans une sorte de bouche-à-bouche maladroit, puis releva la tête de la louve jusqu’à-ce qu’elle déglutisse par réflexe.
Heureusement qu’elle ne s’était pas réveillée en plein pendant qu’il faisait ça ...
Il n’y avait plus qu’à attendre désormais, et voir si la médecine ferait effet. Reaven ne put s’empêcher de frotter sa tête dans l’encolure de Noire, comme pour lui donner du réconfort, même s’il se doutait qu’elle ne pouvait probablement rien sentir et n’aurait de toute manière pas approuvé ce geste si elle avait été éveillée.
Il s’assit alors à côté de la louve, ses yeux inquiets fixés sur elle, espérant de tout son coeur qu’elle se réveille rapidement ...
Noire resta endormie durant un bon bout de temps. Combien de minutes, d'heures, elle ne saurait le dire. Peut-être un simple quart-d'heure, ou bien, au contraire, une journée entière ? La louve ne savait pas. Tout ce dont elle se souvenait, c'était son choc contre le sol dur de la tanière de Reaven, et le noir qui l'avait englouti à ce moment-là. La louve avait ouvert les yeux avec un petit grognement de douleur. Tout son corps semblait comme ankylosé, et elle avait dû se résoudre à ne plus bouger, gardant sa tête sombre posée contre le sol. Elle avait encore mal à la tête, et ses paupières refusaient de s'ouvrir correctement, mais elle se sentait différente. Comme... Soignée ? Reaven avait-il trouvé un remède pour apaiser ses souffrances ? Elle n'avait d'ailleurs pas tout de suite vu le mâle gris, qui était pourtant resté près d'elle tout au long de son "sommeil". Mais en relevant légèrement la tête, elle avait croisé son regard, un regard dans lequel il lui avait semblé voir de la douleur. Mais Noire se sentait si fatiguée, qu'elle avait préféré fermer les yeux, le temps de reprendre ses esprits. La louve les rouvrit quelques petites minutes plus tard, la mémoire un peu plus claire. Ses douleurs s'étaient calmées, et elle chercha immédiatement à se relever. Son pelage s'était hérissé, au moment-même où elle s'était rendue compte qu'elle se trouvait ici, allongée par terre, dans la tanière de Reaven. Il avait utilisé des plantes lui appartenant, pour soigner la solitaire. N'était-il pas pourtant, un guérisseur Esobek ? Il aurait dû garder ses remèdes pour sa meute. Mais Noire ne pouvait pas nier qu'elle se sentait mieux, libérée. Soulagée d'un poids qui la faisait souffrir depuis des jours. Alors, dans un grognement agacé, elle gronda :
"Merci."
Mais on pouvait très distinctement sentir au creux de sa voix, que le remerciement partait du coeur. Sans Reaven, elle serait peut-être morte au bout de quelques jours encore. Il venait de lui sauver la vie. Entièrement.
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Plus le temps passait et plus l’inquiétude de Reaven grimpait en intensité. Il se relevait souvent pour poser doucement son museau sur le front de la louve et vérifier qu’elle n’avait pas de fièvre, tandis que le reste du temps il le passait assis juste à côté de la louve, ou à faire les cents pas à l’intérieur de la grande tanière, ce qu’il était justement en train de faire quand Noire ouvrit les yeux pour la première fois.
Une vague de soulagement l’envahit alors qu’il accourut à ses côtés, juste assez vite pour voir sa tête se lever et croiser son regard. Il sourit, un peu tard peut-être pour que la louve l’ait vu avant de retomber dans le sommeil. Le Guérisseur laissa sortir un soupir et se rendit compte que son coeur avait battu la chamade pendant tout ce temps, animé par l’anxiété de ne pas savoir si elle allait se réveiller. Mais elle allait bien, elle allait bien et il pouvait respirer maintenant. Il resta encore assis près d’elle jusqu’à ce qu’elle ouvre les yeux à nouveau, pour de bon cette fois.
Il se releva en voyant que Noire tentait d’en faire de même, le poil hérissé, désorientée, ce qui était bien normal. Un faible “merci” sortit de sa gorge, noyé dans un grognement, comme si elle avait voulu dire “j’aurais pu m’en sortir toute seule”. Mais elle n’aurait pas pu, Reaven le savait, et elle le savait ; et le Guérisseur pouvait sentir toute la gratitude du monde derrière ce son sourd. Il se rapprocha d’elle, sans envahir sa bulle personnelle, juste assez pour la rattraper si jamais elle tombait en tentant de se relever.
“Doucement, doucement, tu es en sécurité ici, il n’y a rien à craindre.”
Elle ne tomba pas, au grand soulagement de Reaven, et fut rapidement sur ses quatre pattes. Noire semblait être bien plus en forme que quand elle était arrivée, et en temps normal l’Esobek l’aurait laissé repartir vivre sa vie, mais il ne pouvait pas se le permettre, et elle non plus. Qui sait si la maladie était vraiment soignée et ne reviendrait pas en force d’ici quelques jours ... Un voile d’inquiétude passa sur le visage pourtant soulagé de Reaven.
“Tu vas mieux ? Plus de migraines, de douleurs ... ?”
Mais il n’allait pas lui faire la demande d’accepter de rester en convalescence tout de suite, il fallait d’abord lui laisser reprendre ses esprits et s’assurer que tout était vraiment revenu à la normale.
Reaven se rapprocha d'elle, lentement, mais pas trop près non plus. Il avait compris au fil du temps qu'elle n'aimait pas la proximité. Noire, faisant de son mieux pour maintenir sa tête haute, n'entendit que quelques mots provenant de la gueule de l'Esobek. Elle ne parvint pas à bien les distinguer, et se concentra plutôt sur le fait de se relever. Elle poussa sur ses pattes pour se remettre debout, la tête tournoyant bizarrement, et força Reaven à s'écarter pour lui laisser de la place. En une poignée de secondes, elle fut debout, les pattes flageolante, mais debout. Le monde lui parut flou, puis revint à la normale. Noire se sentait étrange, soignée et guérie, mais... Différente. La maladie était partie au loin grâce aux remèdes du guérisseur, elle le sentait, mais au fond d'elle-même, elle se sentait encore endormie et dans les vapes. Reaven lui demanda si tout allait mieux, et elle hocha la tête, les babines serrées, avant de tousser violemment. Son coeur fit des bonds dans sa poitrine tandis qu'elle toussait et crachait pour évacuer les restants de glaires ou de maladie coincés au fond de sa gorge, puis, de nouveau d'attaque, elle redressa la tête et dévisagea son sauveur durant un long moment. C'était un beau mâle, avec un pelage gris clair comme un nuage d'automne, et des yeux verts comme l'herbe fraîche de printemps. Noire, à côté, se trouvait bien laide. Son pelage était crasseux, ses yeux ternes, sans parler des blessures qu'elle s'infligeait parfois pour se punir d'une mauvaise conduite, et qui laissait d'affreuses traces sur son corps. Reaven avait voulu une fois les regarder, mais Noire avait refusé lorsqu'il lui avait proposé de les soigner. Ce n'était pas ses affaires.
"Pourquoi tu m'as soigné ?" Marmonna t-elle avec une pointe d'agacement.
Il y a deux minutes à peine, elle le remerciait. Mais son mauvais caractère l'avait vite rattrapée. C'était une bonne question, pourquoi l'avait-il soignée ? Elle était solitaire, lui Esobek. Il aurait dû garder ses réserves pour ses camarades de meute... Pas pour une simple esseulée atteinte d'une maladie étrange... D'ailleurs, il s'était mit en danger lui aussi en lui offrant ses soins. Et si la maladie était contagieuse ? Et s'il l'avait attrapé, par sa faute ?
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Noire ne prit pas la peine d’ouvrir la gueule pour répondre à la question de Reaven, se contentant de hocher simplement la tête. Mais elle aurait peut-être répondu si une quinte de toux ne venait pas de s’en emparer. Par réflexe, le Guérisseur s’avança d’un pas puis s’arrêta brusquement, la laissant évacuer sur le sol ce qui empoisonnait encore ses bronches. Comment allait-il nettoyer ça, c’était un mystère, mais c’était un soucis pour plus tard.
Une fois sa toux passée, Noire se redressa et Reaven sentit son regard inquisiteur le détailler. Il garda le silence, attendant qu’elle ait finit son inspection.
“Pourquoi tu m'as soigné ?”
Pensait-elle qu’ils attendrait quelque chose en retour ? Un paiement ? Ou qu’il aurait dû la laisser là, à souffrir jusqu’à ce que ses muscles défaillent et que les insomnies finissent par la rendre folle ? Ne pensait-elle pas que parfois certaines personnes pouvaient être généreuses ? Non, certainement pas ; c’était difficile à en croire encore en ces choses-là dans ce monde dévasté où la loi du chacun pour soi régnait.
“Parce que quand j’ai décidé d’apprendre à devenir Guérisseur, j’ai fait la promesse d’aider tous ceux qui seraient dans le besoin. Peu importe leur Meute ou ce qu’ils auraient pu faire dans le passé ...”
Il aurait voulu lui dire d’où venait ce besoin qu’il ressentait d’aider les autres, mais ce n’était pas le moment. Il ne voulait pas qu’elle le voie différemment, il valait mieux qu’elle ne sache que les choses positives, sinon il risquait de perdre sa confiance ... Il aurait aimé ne plus avoir à fuir son passé, mais ce n’était pas possible, pas maintenant.
“Et puis de toute façon je suis déjà contaminé, même si j’ai soigné mes symptômes également.”
Quelques jours plus tôt il s’était finalement rendu compte qu’il avait contracté la maladie, sûrement en soignant Plume Rousse. Il se sentait mieux depuis, mais il avait plus l’impression d’avoir enfoui la maladie plutôt que de l’avoir réellement éliminée.
Le Guérisseur posa un regard insistant sur la louve, il était temps de lui faire une demande difficile.
“Écoute Noire, je sais que c’est beaucoup te demander, et au premier abord je sais que tu voudras rejeter cette demande, mais il faut que tu y réfléchisses. Je ne sais pas si la maladie est partie, je sais juste que j’ai pu soigner tes symptômes ; peut-être qu’elle reviendra encore plus forte, je ne sais pas, je ne peux pas savoir, je ne connais rien de cette maladie si ce n’est qu’elle est dangereuse si elle reste non traitée. Si elle revient en force alors que tu es loin d’ici ... Tu es déjà arrivée juste à temps cette fois-ci, je ne sais pas si tu y parviendras une deuxième fois.”
Ses yeux se firent implorants lorsqu’il les fixa dans ceux de la louve et qu’il continua après avoir repris son souffle :
“Alors je dois te demander, pour protéger ta propre vie, de rester ici quelques jours, sur le territoire Esobek, juste le temps que je sois assuré que tu es bien guérie. Je te promets que personne ne te chassera ou ne t’embêtera. Tu es libre de refuser, mais je dois insister. J’ai déjà perdu tant de monde, je ... je ne supporterais pas de te perdre aussi.”
Sa voix chavira sur ces derniers mots. Ils surprendraient certainement Noire, et à vrai dire ils surprenaient Reaven aussi. Il avait de l’affection pour cette Solitaire, au point qu’il ne se pardonnerait jamais qu’il lui arrive malheur. Il continua de la fixer, attendant patiemment sa réponse, espérant qu’elle accepterait ...
Le mâle lui répondit qu'il était Guérisseur, et que son devoir était de soigner tout ceux qui en réclamait le besoin, quelle que soit leur meute. Noire lâcha un râle agacé. Reaven devait bien être le seul à penser de cette manière. La solitaire aurait été prête à parier sa fourrure que si elle réclamait des soins auprès d'un guérisseur Sekmet, il la renverrait aussitôt chez elle. Mais après tout, les Esobeks s'étaient toujours montrés sympathiques avec elle. Ils devaient être la meute la plus ouverte aux étrangers.
"Et puis de toute façon je suis déjà contaminé, même si j’ai soigné mes symptômes également."
Noire sentit son coeur faire un bond dans sa poitrine. Reaven avait été atteint lui-aussi. Avait-il souffert des mêmes douleurs que la solitaire ? Les maux de têtes, les douleurs aux oreilles... ? Les longues insomnies et la fatigue ? Noire frissonna d'horreur. Heureusement que le loup était un guérisseur, et qu'il avait été capable de se soigner lui-même. Il aurait bien pu en mourir... Noire était certaine désormais, que si elle n'était pas venue le voir, elle serait morte. Et lui aurait pu également. Soudain, alors que la solitaire relevait la tête, elle remarqua le regard insistant du guérisseur. Désirait-il lui dire quelque chose ? Oui.
Sa demande fut insolite. Reaven lui demanda d'un ton implorant, de rester sur le territoire Esobek le temps de sa guérison. Noire ne pu pas répondre immédiatement. Elle le fixait, il la fixait, dans un silence absolue. Tout se bousculait dans la tête de la louve, surtout les derniers mots du guérisseur. "Il ne supporterait pas de la perdre elle aussi." Cela voulait donc dire qu'il avait de l'affection pour elle ? Qu'il l'aimait comme une amie ? Noire savait qu'elle aimait bien ce loup également. Il était doux, gentil, et ne la regardait pas de travers. Il n'essayait pas de la contrôler. Cependant, elle ne pouvait pas s'imaginer rester ici, même quelques jours. Sa tanière lui manquait déjà. Elle devait chasser, vivre libre... Et seule.
"Mais je suis guérie ! Commença t-elle. Je le sens, je me sens mieux. Je n'ai pas besoin de rester ici !"
Elle commença à s'indigner, à parler plus fort. Elle ne voulait pas rester ici, dans cette tanière inconnue et imprégnée d'odeurs médicinales. Brusquement, elle recula, le poil hérissé, les oreilles rabattues en arrière. Reaven voulait-il la contrôler finalement ? Essayait-il d'avoir une emprise sur elle ?
"Je suis une solitaire, je n'ai pas besoin de ta compagnie ! Ni de celle de ta meute ! Vous êtes tous pareils ! Vous voulez tout contrôler, réduire à néant le monde extérieur !
La louve se sentait de plus en plus énervée. Pourquoi Reaven venait-il de tout briser, avec de seules paroles ?
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“Mais je suis guérie ! Je le sens, je me sens mieux. Je n'ai pas besoin de rester ici !”
La réaction de Noire fut violente, au point que Reaven recula même d’un pas. Les parois en roc de la tanière renvoyaient un écho des paroles fortes de la louve, qui haussait le ton. Le blanc des yeux de la louve se découvraient, elle avait peur, peur de quoi ? Reaven voulait comprendre mais il n’y arrivait pas. Quelque chose ou quelqu’un avait fait du mal à Noire, quelque chose qui l’avait rendue méfiante et déséquilibrée, mais tant que Reaven ne connaissait pas l’origine il ne pourrait jamais la soigner. L’aider, certes, oui : apaiser la tempête qui l’habitait, il pouvait le faire ; mais il ne pouvait pas la stopper.
“Je suis une solitaire, je n'ai pas besoin de ta compagnie ! Ni de celle de ta meute ! Vous êtes tous pareils ! Vous voulez tout contrôler, réduire à néant le monde extérieur !”
Reaven se détendit. Elle n’allait pas l’attaquer, il le savait, et il n’avait donc absolument rien à craindre. Quel genre d’expérience avait donc pu vivre la louve qui lui avait fait croire ces inepties ? Faire des généralités était un moyen de se protéger, mais dans ce cas précis, de quoi se protégeait-elle ?
Le Guérisseur était sur un terrain glissant, qu’il dise une seule chose de travers et il pourrait perdre la louve à tout jamais, ne plus pouvoir la soigner, ne plus la revoir ; somme toute un échec. Il ne voulait pas que cela arrive, qu’elle se retrouve seule dans la nature à nouveau, sans personne pour la soutenir et pour l’aider.
Il reprit d’une voix calme :
“Comme je te l’ai dit, tu n’as pas à accepter. Tu peux repartir de ton côté, survivre seule comme tu l’as toujours fait, et espérer que la maladie de se re-manifeste pas.”
Il fit une pause, pour voir si elle se calmait ne serait-ce qu’un petit peu, avant de continuer :
“Ou alors tu peux rester dans les alentours, profiter du garde-manger de la Meute, prendre quelques jours pour te reposer et t’assurer d’être en bonne santé. N’es-tu pas fatiguée de devoir toujours courir, être sur tes gardes, sans personne pour te soutenir en cas de problème ? Je t’offre simplement de voir à quoi ça ressemble de vivre dans la tranquillité, et de décider par toi-même si c’est une vie faite pour toi. Après tu seras libre de repartir de ton côté si tu le souhaites. Ou tu peux tout simplement refuser, la sortie est juste derrière toi, je ne te retiendrai pas. Je te laisse le choix, je ne cherche pas à te contrôler, personne ici ne le cherche.”
Reaven laissa sortir un soupir. Il espérait que la louve ferait le bon choix mais, peu importe la décision qu’elle ferait, il la respecterait.
Reaven semblait se raccrocher à son idée, tout en faisant de son mieux pour ne pas énerver sa patiente. Noire, quant à elle, gardait toujours son allure mécontente. Elle n'attaquerait pas le guérisseur, et il semblait s'en être rendu compte. Elle ne pourrait pas lui faire de mal. D'autant plus qu'il venait de lui sauver la vie. Cependant, rien ne l'empêchait de lui hurler dessus puis de s'en aller, le laissant seul derrière elle à tout jamais. Le mâle gris clair continua son petit discours d'un ton calme, mais que Noire sentait tremblant. Il voulait qu'elle reste, c'était évident. Il se lança donc dans une sorte de monologue que Noire écouta attentivement, immobile. Tous les loups qu'elle avait rencontré au cours de sa vie lui avait bien dit que la vie en meute était intéressante. Chacun s'entraidait, personne n'était mis de côté. Mais Noire avait toujours, toujours, pensé que les chefs de meute cherchaient à tout contrôler, que les autres n'étaient que des pions dans leur jeu. Et la solitaire n'aimait pas du tout se faire contrôler. Elle voulait rester maîtresse de sa vie et de son destin.
"Comment peux-tu penser que j'accepte, alors que j'ai vécu toute ma vie solitaire ? Je ne sais pas comment fonctionne une meute, la hiérarchie, les règles... Je risquerais de vous attirer énormément d'ennuis. J'ai été forgée, élevée, comme une solitaire. Je n'ai pas un comportement altruiste et ouvert. Chasser pour les autres me répugnent, je ne le fais que si je peux en tirer partie. Jamais je ne pourrais m'habituer à la vie en meute."
Elle se détendit, désormais plus triste qu'en colère, et son pelage retomba en place. Son regard jaune se voila quelques instants, mais elle ne pleura pas. Ne versa pas une larme. Noire n'avait pas pleuré depuis longtemps. Avec le temps, elle était devenue forte, forte et solitaire. Et tout cela dans un seul but : Survivre et venger ses frères.
"When the hour is upon us, and our beauty surely gone, no you will not be forgotten, no you will not be alone" force 19 | agilité 22 | endurance 23
Noire ne bougea pas pendant que Reaven parlait, ce qui était déjà un bon signe en soi. Elle aurait pu le couper, ou simplement partir, mais elle ne l’avait pas fait. Elle l’avait écouté jusqu’au bout et Reaven l’avait senti se détendre, la colère la quittant petit à petit, jusqu’à ce qu’elle soit complètement calmée. Elle ne semblait plus aussi sûre d’elle même à présent, maintenant que sa fureur était retombée.
“Comment peux-tu penser que j'accepte, alors que j'ai vécu toute ma vie solitaire ? Je ne sais pas comment fonctionne une meute, la hiérarchie, les règles... Je risquerais de vous attirer énormément d'ennuis. J'ai été forgée, élevée, comme une solitaire. Je n'ai pas un comportement altruiste et ouvert. Chasser pour les autres me répugnent, je ne le fais que si je peux en tirer partie. Jamais je ne pourrais m'habituer à la vie en meute.”
Reaven hocha lentement la tête. Il comprenait ce qu’elle voulait dire, changer de vie n’était pas une chose facile, vivre avec d’autres personnes demandait d’apprendre une nouvelle manière de se comporter, quelque chose qui était tout sauf facile. Certains n’étaient pas fait pour s’y habituer, mais au fond, Reaven avait la conviction que Noire pouvait y arriver si elle s’en donnait les moyens, et avec tout le support nécessaire.
Il redirigea son regard vers elle et remarqua ses yeux brumeux, au bord des larmes. Il reprit alors d’un ton doux :
“Nymeria, notre Bras-Droit, était Solitaire elle aussi. Elle a connu des jours sombres, vécu des choses horribles, elle avait appris à se débrouiller seule et à ne faire confiance à personne ; et pourtant regarde où elle en est aujourd’hui. Tu dis que tu ne sais pas comment les Meutes fonctionnent, mais tu peux apprendre, petit à petit, et si en cours de route tu te rends compte que cette vie n’est vraiment pas faite pour toi, personne ne t’empêchera de partir. Qu’est-ce que ça te coûterait d’essayer ?”
Reaven semblait la comprendre, mais continuait pourtant de surenchérir. Pourquoi l'embêtait-il avec son idée farfelue ? N'avait-il pas déjà rencontré d'autres solitaires, ne savait-il pas combien ils n'aimaient pas les meutes ? Et elle en particulier d'ailleurs... Elle avait eu tant de problèmes avec des loups de meutes... Pour pillages, intrusions sur leurs terres... Mais jamais avec les Esobeks, c'était vrai. Cependant, rejoindre une meute casserait tous ses principes et ses habitudes quotidiennes. Le guérisseur surenchérit encore, sous l'écoute attentive de Noire. La louve se posait beaucoup de questions. Quel était l'intérêt de rejoindre une meute, et surtout, qu'est-ce que cela pouvait apporter de plus à Reaven de la compter dans les rangs de sa troupe ?
"De toute manière, je ne vois pas en quoi cela te concerne, finit-elle par lancer. Qu'est-ce que ça peut te faire que je reste solitaire ou que je rejoigne ta saleté de meute ? Tu as peut-être raison dans le fond, je serais plus protégée en rejoignant un groupe soudé, mais qu'est-ce qui me dit que je m'y sentirais à l'aise ? Mon bonheur n'est-il pas prioritaire dans ma vie ?"
Elle voyait d'ici sa réponse. "oui mais la santé encore plus". Certes, mais pas pour Noire. Elle préférait mourir heureuse, que vivre malheureuse. Mais ça il ne semblait pas le comprendre. Pour la solitaires, les meutes s'apparentaient à des prisons. Nymeria avait réussie à s'intégrer et à monter en grade, d'accord, mais était-elle asociale à l'origine ? Noire se fichait du pouvoir, elle voulait juste vivre tranquillement, paisiblement... Reaven comprenait-il cela ?
"When the hour is upon us, and our beauty surely gone, no you will not be forgotten, no you will not be alone" force 19 | agilité 22 | endurance 23
Noire se renferma de nouveau un peu sur elle même, affichant de nouveau ce masque d’agressivité et sortant des paroles dures et sèches en réponse à ce que Reaven venait de lui dire :
“De toute manière, je ne vois pas en quoi cela te concerne. Qu'est-ce que ça peut te faire que je reste solitaire ou que je rejoigne ta saleté de meute ? Tu as peut-être raison dans le fond, je serais plus protégée en rejoignant un groupe soudé, mais qu'est-ce qui me dit que je m'y sentirais à l'aise ? Mon bonheur n'est-il pas prioritaire dans ma vie ?”
Il n’arriverait pas à la convaincre. A chaque pas en avant qu’ils arrivaient à faire, Noire les faisaient retourner en arrière, et voilà trop longtemps qu’ils tournaient ainsi en rond, ressortant les mêmes arguments, essayant de convaincre l’autre de rejoindre son camp. Parfois, il faut apprendre à laisse tomber, à laisser les autres faire ce qu’ils souhaitent. Reaven aurait tant aimé que Noire accepte, mais le monde n’est pas là pour se plier à sa volonté. Au moins elle savait, elle savait que la porte du Guérisseur serait toujours ouverte, et que si jamais un jour elle changerait d’avis, il serait là pour l’accueillir ... Sauf si elle mourait entre temps.
La voix de Reaven se fit déçue, mais pas envers Noire, plutôt envers lui-même parce qu’il n’avait pas réussi à la convaincre :
“Au fond, tu es la seule à savoir ce qui est bon pour toi. Si tu crois vraiment que tu ne pourrais pas passer du temps en Meute, soit.”
Il fit un pas en arrière et désigna la porte :
“Retourne vivre ta vie en Solitaire si tu l’apprécies tant.”
Il fixa alors un regard implorant sur elle. Il avait peur, peur qu’elle meure là-dehors sans qu’il ne puisse rien y faire, et alors ce serait de sa faute.
“Promets-moi juste que nous nous reverrons.”
Il afficha un sourire triste. Pourquoi tant de compassion et de sympathie pour cette louve ? Une Solitaire comme une autre, qu’il ne connaissait même pas vraiment ... Parce que c’était son devoir, se disait-il, mais c’était un mensonge. Il s’était attaché à cette sombre créature, ce n’était pas une simple patiente, c’était plus que ça ... Mais il n’arrivait pas à mettre de mot sur ce qu’elle représentait à ces yeux ; ou peut-être ne voulait pas ...
Les yeux du guérisseur devinrent encore plus ternes qu'ils ne l'étaient déjà, et Noire sentit son coeur se serrer légèrement. Visiblement, il souhaitait réellement que la solitaire se joigne à sa meute. Mais ne pouvait-il pas comprendre qu'elle ne le voulait pas ? Elle ne désirait pas, vraiment pas, venir vivre au sein d'une meute de loups. Vraiment vraiment pas. Reaven lui annonça alors qu'il comprenait sa décision, mais Noire voyait bien sa déception. Pensait-il réellement qu'elle allait accepter sa proposition ? Après avoir vécu cinq années toute seule ? On ne changeait pas si facilement les habitudes de quelqu'un... Un guérisseur aurait dû le savoir.
"Promets-moi juste que nous nous reverrons."
Noire n'aimait pas les promesses, mais en voyant l'allure si triste du canidé, elle se surprit à hocher la tête. Pressée désormais de quitter sa tanière pour rentrer chez elle, la louve se détourna, et s'avança vers la sortie, sans un mot, sans un regard pour le guérisseur. Elle savait que si elle se retournait, tout se passerait mal, elle ne pourrait plus repartir, se sentirait coupable. Alors, brusquement, elle s'enfuit en courant, de nouveau guérie et libre. Mais elle avait promit une chose, tous deux se reverraient un jour. Et Noire ne délaissait jamais ce genre de promesses.