Koschei avait beau se retourner encore et encore, il n'arrivait pas à trouver le sommeil. Trop de choses embrumaient son esprit, le gardant éveillé. Il avait besoin de distraction, et décida donc de mettre le nez dehors pour aller chasser, ce qu'il avait de toute façon besoin de faire ; et puis peut être même que cela le fatiguerait assez pour qu'il puisse enfin s'endormir.

Rapidement, Koschei récupère la trace olfactive d'un blaireau, qui vient sûrement de sortir de son terrier après une journée passée à roupiller. Il suit alors la piste de celui-ci, prudemment, ses yeux dorés scrutant l'obscurité à la recherche du gros mustélidé. C'est alors qu'un bruit se fait entendre à quelques mètres devant lui, comme si quelque chose fouillait un tas de ferraille, et le loup noir devine directement que ce bruit doit avoir été provoqué par sa proie.

Il continue donc de s'avancer vers elle, jusqu'à arriver en vue d'un grand tas d'ordures diverses mouvant. Il doute que le blaireau arrive à trouver quoi que ce soit d'intéressant là-dedans -qui sait depuis combien d'années cet amas de détritus se trouve là- et pourtant la proie semble s'y donner à coeur joie. Koschei se tapit dans un coin d'ombre, prêt à bondir sur l'animal trapu dès qu'il pointera le nez dehors.

Il faut peu de temps au blaireau pour se désintéresser de ses fouilles et le voilà qui sort, penaud, du tas d'ordures. Koschei passe alors à l'action, sautant de sa cachette pour atterrir sur l'animal malheureux. Cependant celui-ci ne se laisse pas surprendre et esquive agilement l'attaque, s'éloignant déjà en courant sur ses petits pattes. Koschei s'élance à sa suite, pensant pouvoir le rattraper, mais le blaireau se glisse sous une ancienne échoppe, hors d'atteinte. Le loup est obligé d'abandonner.

Le loup noir s’éloigne de la zone centrale de la Fête Foraine, entrant dans une zone où la nature a reprit ses droits, quelques buissons et arbustes poussant entre les débris épars. C’est là qu’il remarque une série d’ombres se déplacer dans l’obscurité loin devant lui : une harde de cerfs au vu de l’odeur.

Il s’approche de celle-ci, accroupi. Le vent ne souffle pas à son avantage et il est obligé d’approcher le groupe par le flanc plutôt que par l’arrière, au risque d’être découvert visuellement, mais il parvient à réduire la distance sans se faire repérer et peut détailler chaque membre de la harde : un vieux cerf aux bois impressionnants suivi par quatre biches dont une semble boiter légèrement d’une patte ; c’est bien sûr sur celle-ci que Koschei jette son dévolu et il se décale légèrement pour améliorer son angle d’approche.

Il laisse le groupe se déplacer un petit peu avant de passer à l’assaut, sortant subitement des fourrées pour se précipiter vers la biche affaiblie. La harde entière réagit sur le coup, bondissant de surprise et galopant à une vitesse folle. La femelle boiteuse a cependant du mal à garder le rythme et commence rapidement à ralentir, ce qui permet à Koschei de la rattraper très facilement et de bondir sur son arrière-train pour planter ses griffes dans le bas de son dos. Déstabilisée son le poids de son attaquant, elle tombe au sol et n’a pas le temps de se remettre debout que celui-ci a déjà plongé vers sa gorge pour l’achever.

Fort de cette première proie, le loup noir retourne en direction de sa tanière, en faisant un crochet par l’endroit où il a laissé le blaireau au début de sa chasse. Celui-ci a visiblement déguerpi et n’est plus à sous son abri de fortune. Rentré à son terrier ou toujours en exploration ? Koschei décide de suivre sa trace olfactive pour le savoir, mais se rend rapidement compte que celle-ci est vite rejointe par celle d’un renard. Intrigué, il continue de suivre les deux pistes entremêlées pour tomber nez à nez avec un renard roux en train de déguster le blaireau qu’il aurait aimé mettre dans son estomac. Tant pis, le canidé le remplacera bien.

Koschei s’approche discrètement mais le vent tourne, et le renard possédant également un très bon odorat le repère. Celui-ci laisse tomber subitement sa proie pour déguerpir et Koschei le prend en course, bien déterminé à le rattraper. Le goupil l’emmène au loin et l’oblige à se glisser comme il le peut entre les débris de la fête foraine, creusant l’écart entre eux deux. Koschei décide alors de prendre de la hauteur, profitant de ce qu’ils sont dans une allée où se trouvent beaucoup de stands encore à moitié debout, il saute sur le toit de l’un de ceux-ci et suit le renard, bondissant de toit en toit en ligne droite alors que le goupil est obligé de se faufiler comme il le peut dans les débris. Koschei parvient à rattraper sa proie et plonge sur elle à partir de son promontoire, retombant de tout son poids sur l’échine du pauvre renard qui craque sur le coup. Il n’y aura même pas besoin de l’achever par un coup de crocs.

Koschei aurait pu s’arrêter là, après tout il a déjà largement assez de proies pour se sustenter un bon moment, mais il a encore la tête pleine et de plus chasser l’a d’autant plus réveillé. Il retourne donc chasser une nouvelle proie, une petite dernière pour bien finir la nuit.

Non loin de là où il se trouve, il découvre un mulot en train de grignoter des graines au détour d’une vieille cabane. Rien de bien nourrissant là-dedans mais c’est toujours mieux que rien, et puis ça pourrait lui servir de monnaie d’échange pour son informateur Esobek. Il bondit donc sur le petit rongeur mais il glisse entre ses pattes et trottine au loin. Koschei saute de nouveau, et ses crocs se referment encore dans le vide. Il recommence la même chose plusieurs fois jusqu’à ce que le mulot se glisse dans un trou du sol, hors de portée.

Koschei grogne un coup. Non pas que ce fut une grande perte mais il n’aime pas quand des choses lui glissent des pattes.

Avec tout ça, le noireau n’arrive toujours pas à trouver le sommeil mais il n’a plus vraiment envie de chasser non plus. Alors pourquoi ne pas s’entraîner ? Peut être que cela le fatiguerait plus.

Il saute de nouveau sur le toit d’un vieux stand et saute de toit en toit comme il l’a fait lorsqu’il chassait le renard un peu plus tôt, jusqu’à arriver à la fin de la ligne de stands. De là il saute sur un vieux pylône penché et en marche le long, jusqu’à atteindre le sommet, puis saute sur une structure en contrebas, une sorte de vieux manège de chevaux de bois. De là il saute à nouveau sur le sol, atterrissant malencontreusement dans une flaque de boue mais il n’en a cure, il continue son chemin, se lançant dans une course entre les débris de natures diverses. Il saute au-dessus d’une poutre effondrée, puis glisse dans un tunnel creusé sous le sol d’un bâtiment et rampe le long de celui-ci jusqu’à ressortir de l’autre côté, reprenant alors sa course sur ses quatre pattes. Il combat encore une succession d’obstacles, arrive à une pile immense de débris qu’il escalade non sans mal pour se laisser glisser de l’autre côté, puis court encore sur quelques mètres avant de s’arrêter, exténué, de retour devant sa tanière.

Il s’engouffre dans celle-ci, confiant dans le fait qu’il va pouvoir enfin s’endormir.