Le vent agitait doucement les petites pousses à ses pattes. Perché en haut d'une petite montée, Carcharoth pouvait voir la plaine s'étalait sur des lieux et des lieux à la ronde. La voute céleste avait depuis longtemps déjà déplié son tissu incrusté de lumières blanches dans le ciel. Pas un seul nuage ne venait troubler ce spectacle magnifique. Était magnifique... Ou inquiétant ? Pas de nuage signifiait pas de pluies non plus. Et les pousses d'arbres plantées par les hommes en aurait sûrement besoin pour grandir, tout comme sa meute en avait besoin pour survivre. Cependant, tout cela, le noiraud ne s'en occupait pas. Ce n'était pas le ciel qu'il fixait, à la recherche d'une étoile nouvelle ou à contempler la lune.
Ce qu'il fixait, fidèle à son poste, c'était la plaine.
Derrière lui, en contre bas, s'élevait La Chapelle où les siens avaient décidé d'élire domicile il y avait déjà plusieurs semaines de cela. Leur nouveau foyer. Si seulement cela pouvait être aussi simple...
Les Sekmets et les Esobeks ne voyait pas d'un bon œil la meute. Il s'était mis en tête de l'éliminer vraisemblablement. Et tôt ou tard, leurs crocs allaient essayer de ce refermer sur leur cou, avide de sang, avide de terre et de proies. Le jeu des meutes étaient impitoyable, mortel, et la danse morbide à laquelle ils se livraient les rapprochait chaque jours d'un nouveau danger ou d'une nouvelle épidémie. Il savait que le calme apparent de cette nuit n'était pas la paix, non.
C'était une accalmie avant la reprise d'une guerre qui allait sûrement durer très longtemps.
Un premier mouvement attira son attention au loin. Il se leva à moitié, plissant les yeux en fixant la pénombre de la nuit. Le mouvement se répéta, mais ce n'était pas ce à quoi il s'attendait. Un lapereau maigrelet sortait de son terrier en hésitant, reniflant les odeurs inconnues autour de lui. Le noiraud se rassit en silence. Il était beaucoup trop loin pour être chassé, et, qui plus est, un lapereau n'aurait même pas rassasié un louveteau. D'ailleurs, avant même qu'il puisse venir au bout de sa pensée, le bébé replongea sous terre a la vitesse de l'éclair, disparaissant à la vue de la Sentinelle qui reprit son observation attentive.
Mais, soudain, un autre mouvement. Le bruit furtif d'une patte légère qui effleure le sol. Mais, contrairement à ses attentes, le bruit ne venait pas de devant lui, mais de derrière lui. Ses oreilles se tournèrent instinctivement vers l'anomalie, puis il huma légèrement l'air. Une odeur Navnik, celle d'Ulvys. Il n'avait jamais vraiment eu l'occasion de discuter avec elle. Il ne la connaissait pas tant que ça a vrai dire. Mais après tout, être dans la même meute était déjà amplement suffisant, non ? Il se leva pour se mettre de côté, tournant la tête pour voir l'arrivante terminer de monter la petite pente menant jusqu'à lui. Il prononça d'une voix calme et douce, comme à son habitude :
Bonsoir Ulvys. Qu'est-ce qui t'amène dehors à une heure aussi avancée ?
Il lança un nouveau coup d'œil vers la plaine. Pas un mouvement. Au loin, les lumières du village des hommes éclairaient faiblement la nuit. Il refit de nouveau face à la louve, attendant de savoir la raison de son éveil.