Chaque pas soulevait des feuilles aux couleurs d’or, de feu ou bien encore de terre, elles qui s’envolaient puis se reposaient sur le sol, celui-ci devenant petit à petite glacé avec l’hiver qui arrive. L’hiver, j’étais autant impatiente que cette magnifique saison arrivée, en même temps, triste. Je n’avais pas vraiment de bons souvenirs dans ces temps-là.

Le vent aux odeurs d’une nature qui s’endort peu à peu s’engouffrait dans mon pelage, puis quelques secondes plus tard s’arrêtait pour recommencer presque aussitôt.
Oui, l’automne était bien là, installer et ne prendrait fin quand les petits flocons de glace tomberont du ciel, pour recouvrir le paysage de son manteau blanc.

Je montais une petite colline, je pouvais voir également la vielle chapelle en ruine cachée parmi les arbres. Comment faisait-elle pour encore tenir debout après tant d’années et vu son état ? Je me demandais encore.

Je soupirais puis je m’en approchais, humant toutes les odeurs qui se trouvaient ici, pour être sûr que personne d’indésirable n’était passé. Tout avait de bien aller pour le moment, au moins c’était déjà ça.
Je m’approchais d’une flaque d’eau laissée par la pluie, puis je la lapais pour en boire quelques gorgées fraiche et hydratante qui faisait un bien fou, même si je n’avais pas tellement marché.
J’entendis du bruit, j’agitais une oreille puis je relevais la tête, essayant de savoir d’où ça pouvait bien venir.

-Qui est là ? Grognais-je légèrement.

Je vis alors un loup au pelage ébène et imposant sortir d’un buisson assez proche, tel une ombre noire, qui serait prête à vous mettre à terre en quelques minutes pour finalement vous tuez, il s’avança pour finalement s’arrêter à seulement quelques mètre de là où je me trouvais. J’allais attaquer quand je reconnu Carcharoth au dernier moment, heureusement car j’avais l’intention de lui foncer dessus pour le mordre.

Je soufflais quelques paroles remplie de mépris vis-à-vis du mâle, avant de lui lancer un regard noir après qu’il ait fini de parler.

-Tu aurais pu faire tout de même attention. Je t’ai pris pour un ennemi ! Un peu plus et je t’aurais sauté dessus.

Je le regardais dans les yeux. Il me rappelait un peu mon frère par la couleur de son pelage, mais ces yeux n’étaient pas du tout pareil à lui, et encore moins comment il était bâti. Mon frère lui était plus mince et avait un museau plus long, qui lui donnait une allure presque de gros nounours qui n’attaqueraient personne.

Je secouais ma tête, comme pour me chasser toute ces images, pour qu’elles ne reviennent plus jamais. Il ne faut plus y penser, il n’est plus là maintenant, et rien ne peut changer ça, ni la tristesse que je porte en moi. Mon regard se reporta alors à nouveau sur le mâle ébène.

-Bon, vu que tu es là maintenant. On pourrait patrouiller ensemble. On ne sait jamais sur quoi on peut tomber.

Carcharoth s’approcha un peu plus de moi ce qui me fit reculer de plusieurs pas, et je plaquais mes oreilles en arrière, comme si on voulait presque m’attaquer. Je n’aimais pas qu’un loup soit trop près, c’est un peu bête, mais c’est simplement que j’avais pris cette habitude-là quand j’étais seule. C’était un moyen comme un autre d’être préparé à une attaque et la voir venir, et même si j’étais avec un de mes camardes, je ne pouvais pas m’empêcher de faire ça.

Je secouais une nouvelle fois ma tête, puis je repris mon sérieux habituel, sauf que je restais tout de même à bonne distance du lupin, qui d’ailleurs se mît à grimper la colline, rapidement.

Je répondis d’un ton, plus froid que la normale, presque aussitôt que le loup ai fini de parler, comme pour couper court à ces paroles.
-Sauf, que je n’aime pas parler de moi. Si tu veux me raconter ta vie, ok, ça ne me dérange pas, mais tu ne pourras rien attendre de ma part.

Je soufflais rageusement. Une simple question qui arrive à m’énerver, ce n’est pas souvent, mais dès qu’il s’agit de raconter sa vie, je sens comme mon sang bouillir et je mets en colère. Pourtant, je ne devrais pas pour si peu.

Je remuais une oreille à un bruit derrière moi, je tournais la tête. Il y avait un simple écureuil qui s’amusait à sauter d’arbre en arbre. Ho, quelle mignonne créature qui serait simplement bien si elle était morte puis qu’elle et atterrit dans mon estomac.

Après mes paroles sèche et froides, j’avais pris une certaine distance avec Carcaroth et je faisais tout pour éviter son regard, qui d’ailleurs se reporta surtout sur les feuilles et dévora des yeux les couleurs que pouvait offrir l’automne.

Je montais la butée, mais assez lentement car je rêvassais. J’appréciais les odeurs de feuille et ce calme qui s’installait petit à petit. Tout ça me rappelait plein de bonnes choses, et comme à mon habitude mon esprit gambadait. Je levais la tête à un moment, il y avait un V dans le ciel, sûrement des oiseaux qui partaient en migration.

Parfois, je rêve de rejoindre ces créatures dans le ciel, d’ailleurs, dès que je peux, j’évite de les tuer. Pour moi, c’est une proie qui ne mérite pas d’être tuée par un loup, ou quoi que ce soit d’autre. Après ça dépends aussi quel oiseau. Les canards, c’est toujours bien de les tuer, ils font généralement trop de bruit, mais les grands oiseaux blancs, eux non, ils méritaient de vivre et de voler.

La voix du mâle me fit revenir sur terre, s’il ne l’avait pas fait, j’aurais encore eu la tête dans les nuages pendant un très long moment. J’ai du mal à sortir de mes rêveries une fois que j’ai commencé.

Sauf que je n’avais pas vraiment compris sa question, ou plutôt je ne l’avais pas entendue. Un peu honteuse, je n’osais pas lui demander de répéter.

-Si tu ne souhaites pas me parler, c'est ton choix. Mais dis moi au moins une direction. Cependant, sache, je suis toujours ouvert à la discussion.

Je soupirais, puis je lui répondis d’une voix qui n’était pas du tout sèche comme avant, au contraire, elle était douce.

-Ce n’est pas que je ne souhaite pas te parler, c’est simplement… Que je n’arrive pas vraiment à communiquer avec les autres… Enfin, c’est plutôt que j’ai peur de ça.

Je secouais la tête, puis je répondais un peu plus froide sans le vouloir.

-Oublie ça. On pourrait aller voir au niveau du mur de pierre, non ?