Leikn sortit des ruines de la chapelle avec les premières lueurs du jour. Elle s'étira, effectua une toilette rapide, puis alla tirer un lapin du garde-manger pour le dévorer au soleil, au pied des remparts, sans vraiment en apprécier le goût. A vrai dire, dormir entre les murs de la chapelle, même si la plus grand partie du toit était écroulée, la mettait mal à l'aise. Non pas qu'elle soit claustrophobe, après tout elle avait toujours vécu avec sa famille dans de petites grottes bien pratiques pour s'abriter du vent et de la pluie. Mais s'enfermer de son plein gré dans une habitation humaine, si close et si froide, qui laissait passer les courants d'air... quand bien même était-elle abandonnée depuis longtemps, la construction la mettait mal à l'aise.
Elle allait se mettre très vite à dormir sur le parvis, entre le roc et le sable. La belle étoile, il n'y avait rien de mieux.

Enfin bref, elle avait des choses à faire ce jour-là mine de rien. La veille, un loup - un mâle à qui elle avait lancé un sale regard sans daigner lui adresser la parole - était venu lui annoncer qu'on lui attribuait un louveteau à former. Après les manifestations d'antipathie de rigueur à l'encontre de cette race inférieure qu'est le loup mâle adulte, Leikn avait dû convenir que dans le principe, elle n'y voyait aucun inconvénient.
Par contre, elle avait cru comprendre que la petite bête concernée avait une histoire un peu particulière, et un caractère non moins à part.
Enfin, disons clairement qu'il était chiant, quoi. C'était ce qu'elle avait entendu. Sans les détails.
Leikn avait décidé de ne pas se soucier desdits détails. De toute façon, vu son caractère à elle, le gamin avait plutôt intérêt à s'accrocher. Elle allait lui montrer qui était le chef, tiens.

Première constatation en arrivant au lieu de rendez-vous, le gosse n'était pas là. Leikn s'assit dans le sable, fixant les grains jaune d'un air qui ne présageait rien de bon. Très bien. Tu veux jouer gamin, on va jouer. Son odeur était encore présente dans l'air, et pour la guerrière, remonter la piste de Ragnar'k fut un jeu d'enfant. Il allait vers le territoire Sekmet, pas surprenant. La louve blanche fit un crocher pour le rattraper sur sa droite.
Quelques minutes plus tard, Leikn intercepta littéralement et violemment le jeune loup qui courait en direction de la forêt. La louve blanche à la carrure massive percuta son nouvel apprenti de biais sans prendre de précaution particulière - après tout, il n'était pas en sucre - et les deux canidés roulèrent dans la poussière avant même d'atteindre la limite des arbres.

Bien. Etape une complétée.
La louve blanche s'empressa de se redresser, pour se rasseoir aussitôt sur le flanc de Ragnar'k, clouant le gamin au sol sous son poids. Si elle remerciait souvent la nature de l'avoir faire aussi massive, son apprenti allait sans doute en vouloir à celle-ci dans moins de deux secondes.

« Tiens donc. » Susurra-t-elle en se penchant vers le louveteau. « Tu vas quelque part, jeune loup ? »

Son amusement transparaissait à peine dans ses mots, mais sa queue remuait de manière plus évidente. Leikn avait beau prendre tout rôle qu'on lui attribuait très au sérieux, ce n'était pas pour autant que la situation ne la faisait pas rire intérieurement.

La louve blanche prit le temps nécessaire pour se délecter de l'expression ahurie sur le museau de son apprenti tout neuf. Dans les grands yeux du chiot se succédèrent à vitesse grand V la surprise, l'indignation et la colère, tout ce qu'elle aimait chez les autres. La journée commençait bien.
Puis, le louvard rua brutalement et chercha à se tordre en arrière pour atteindre les flancs de Leikn de ses crocs. La louve broncha à peine, déplaçant un peu ses appuis pour maintenir Ragnar'k cloué au sol. Le jeune loup pouvait se débattre autant qu'il lui plairait, il ne parviendrait qu'à s'épuiser plus vite. Vu le poids de la guerrière, cela n'aurait pas dû être si difficile à comprendre.

« Tu m'écrases ! Dégage de là ! » Se mit-il à hurler en sus.

De rien. Leikn se pencha légèrement sur le jeune loup qui continuait à se débattre en vain, manifestement fou de rage. En désespoir de cause, il se remit à crier en pédalant dans le vide :

« Dégage je veux rentrer chez moi ! »

La situation devait être hilarante vue de l'extérieure. Mais la frénésie de Ragnar'k ne mit, cela dit, pas longtemps à taper sur les nerfs de la louve blanche. Qui n'avait jamais été un modèle de patience, il faut bien le confesser. Elle rabattit donc finalement les oreilles sur son crânes et lui grogna dessus :

« Oh, eh, tu vas te calmer un peu là ? » Demi-portion, faillit-elle ajouter, mais elle se retint. L'approche n'était déjà pas très diplomatique, autant ne pas en rajouter.

Sollicitude de bon aloi, mais Leikn n'en resta pas moins fermement assise sur son séant. Elle allait même finir par trouver ça confortable, si ça se trouve.

« Pour ta gouverne, je te lâcherai pas tant que tu te seras pas calmé un minimum, gamin. »

Pour appuyer ses propos, la louve blanche s'ébroua. Laissa passer un silence. Puis se retourna vers le louveteau pour ajouter :

« J'ai cru comprendre que tu voulais retourner dans ton petit cocon d'amour, c'est ça ? Sekmets, c'est ça ? Laisse tomber. Vu ce que j'ai entendu sur tes parents, personne voudra de toi là-bas. » Leikn, délicatesse incarnée. « Mais bon, si tu y tiens tant que ça, je peux t'accompagner et te regarder te faire bouffer. » Ajouta-t-elle, toujours par excès de bonté.

Après tout, on lui avait dit de prendre le môme sous son aile, pas ce qu'elle devait exactement faire avec. S'il voulait se barrer, hein. Qui allait l'en empêcher ? Leikn eut une pensée pour Pandémonium et la façon dont les navniks échouaient lamentablement à garder leurs jeunes chez eux. Fallait peut-être revoir leur technique.

Spoiler:

Le second prénom de Leikn n’était pas, n’avait jamais été et ne serait jamais Patience. Jamais. Peu lui importait que le louveteau soit insolent, indiscipliné, grossier même. Par contre, son entêtement et ses gigotements lui tapaient désormais sérieusement sur le système. Deux minutes ça va, ça suffit. Elle avait espéré que le louvard finirait par se fatiguer tout seul à force de se débattre, mais c’était raté : il continuait à s’énerver tout seul, rager, couine, grogner et toutes ces manifestations de colère dont Lei était elle-même coutumière.
A la différence qu’elle n’était pas coincée dans une position humiliante sous l’arrière¬-train d’un autre loup deux fois plus gros et quatre fois plus âgé qu’elle.
Eût-elle été plus encline à réfléchir que la louve blanche aurait convenu que, vu ce qu’elle venait de sortir à Ragnar’k, il n’y avait pas de quoi se calmer. Elle ne s’était pas franchement mise en position d’entrer dans ses bonnes grâces. En même temps, elle n’était pas là pour jouer les nounous non plus.
Ignorant délibérément qu’à l’âge et dans la position de Ragnar’k, elle aurait réagi exactement de la même façon, Lei le laissa déblatérer ses protestations avant de se lever.
Enfin, pas vraiment.
Techniquement, la massive guerrière se redressa une fraction de seconde à peine, juste le temps de faire volte-face pour fondre sur le jeune loup en grognant, le clouer au sol entre ses pattes et saisir son museau encore fin entre ses puissantes mâchoires noires.

Quoi. Elle l’avait dit, qu’il faisait trop de bruit.
Modèle mythique de calme et de pédagogie, Lei maintint donc son soi-disant apprenti au sol le temps qu’il s’arrête pour de bon de convulser, c’est-à-dire aussi longtemps qu’il le faudrait. Lorsqu’enfin les soubresauts du jeune loup cessèrent – parce qu’à un moment il manqua d’oxygène, aussi – elle le relâcha en ignorant son regard qui l’aurait tuée sur place s’il l’avait pu. Elle ne se redressa pas, maintenant Ragnar’k au sol et lui grognant longuement au museau.

« Pour ta gouverne, ça me concerne à partir du moment où je n’ai pas demandé à être ta nounou et où je veux pas qu’on vienne m’emmerder parce que tu fais ton bébé. On a pas toujours ce qu’on veut dans la vie. »

A la base, elle n’avait pas prévu de devenir violente, mais il la saoulait vraiment et elle commençait à se connaître assez pour savoir que s’il continuait, la rencontre se terminerait en bagarre dans les règles dans la boue. Elle n’était pas la créature la plus mature de toutes non plus.

« Alors voilà ce qu’on va faire. De toute façon si tu te barres, je te rattrape et je te rosse. T’es prévenu. Alors soit tu tentes ta chance à la fuite, soit tu restes là et tu essaies de me mettre une raclée sans couiner et sans te rouler par terre. Peut-être que comme ça tu développeras quelques muscles, parce que pour le moment c’est pas fameux. »

Elle décida d’enfoncer le clou pour le provoquer, parce que lui courir après constituerait une sacrée perte de temps.

« Comment tu veux n’en faire qu’à ta tête si t’es aussi faible, hein ? » Railla-t-elle pour finir, en relâchant la pression sur les clavicules du jeune loup.

Ah, enfin le temps de la parlotte était révolu. Leikn n'avait pas l'habitude de discutailler autant, et sa (faible) réserve de salive était à présent quasiment épuisée. Sûr que le marmot n'en gâchait pas beaucoup pour sa part, à couiner des insultes dans le vide en se débattant depuis tout à l'heure.
Ragnar'k se releva d'un bond à peine l'eut-elle relâché, le poil ébouriffé et fulminant de rage.

« Sache-le, la vieille, je ne suis pas faible ! Je ne suis pas faible !! Est-ce clair ?! » Aboya-t-il avec fureur.

Vieille. Et puis quoi encore. Le sale mioche.
Leikn ne répondit pas autrement qu'en levant les yeux au ciel. Qu'il lui montre un peu s'il était aussi fort que ça, tiens. Elle l'attendait de pied ferme, et il ne se fit pas prier. Apparemment, comme chez beaucoup d'individus sur cette planète (elle-même largement comprise dans le lot), la provocation faisait très vite oublier toute préoccupation annexe. En particulier lorsqu'elle piquait droit dans l'amour-propre du concerné.

Le jeune loup s'élança, et Lei dut convenir qui'il n'était pas mauvais pour son âge. Sa rapidité en particulier la prit par surprise, elle qui malgré son agacement restait détendue, et elle sentit les crocs de son soi-disant apprenti se refermer sur son oreille droite et exercer une traction honorable. Un aboiement s'échappa d'entre ses crocs. Puis, alors qu'elle se préparait à s'élancer vers l'avant pour saisir la première patte à sa portée, Ragnar'k relâcha sa pris et s'écarta. Pattes écartées dans le sable, Lei retint son départ ; elle riva son regard au jeune loup et ne le lâcha plus des yeux.
Ah bien. Tu veux mordre ?
En effet, ce dernier ne s'était pas calmé depuis qu'il se débattait en hurlant, cloué au sol sous son poids. Il avait visiblement décidé de se défouler en bondissant en tous sens et en l'attaquant sans répit jusqu'à ce que mort s'ensuive. Bien lui en prenait.
Moyennement inspiré, il tenta une charge sur Leikn qui vacilla à peine et le repoussa d'un coup de tête, puis il bondit à nouveau en avant, en arrière alors qu'elle esquivait ses crocs sans le quitter des yeux. Des grognements frémissaient au bord de ses babines. La louve blanche attendait le répit, l'infime décalage qui ne manquait jamais d'arriver dans ce type d'enchaînement d'attaques, trop frénétique pour rester longtemps indéfectible.

Ce moment arriva. Lorsque Ragnar'k fondit à nouveau sur elle, la guerrière anticipa le mouvement. Elle esquiva puis, alors qu'il reculait encore, sauta brusquement en avant.
C'est comme ça qu'on mord, gamin.
Ses mâchoires claquèrent net, avec bruit, en se refermant sur l'oreille du jeune loup sans aucune retenue. Lei n'eut pas le temps de sentir le goût du sang, car le mouvement de l'apprenti lui avait arraché son appendice de la gueule ; à vrai dire, elle ne savait même pas si ses crocs avaient entamé la chair. Cela dit, elle s'en moquait.
Il était supposé être fort, ce louveteau, non ?
La guerrière au poil blanc mit à profit de ce que son agression avait déséquilibré Ragnar'k pour le charger de tout son poids, au milieu des côtes, pour le renverser dans le sable.
Puis elle lui sauta dessus et saisit au vol l'une de ses pattes antérieures entre ses mâchoires pour l'y broyer sans pitié.
C'est comme ça qu'on mord, gamin.
S'il avait quelque chose à prouver, alors qu'au moins il arrête de jouer au chat et à la souris. Elle faisait ça avec Manîthil quand elle avait 5 mois, elle. En avant, je te mordille, en arrière. Ce n'était pas ça qui allait l'aider dans la vie.
Et pour l'heure, il n'avait pas besoin de savoir qu'en réalité, Leikn n'avait pas l'intention de lui casser la patte.

Les couinements du jeune loup arrachèrent un plaisir primitif à Leikn, vite dissipé mais bien présent. Elle serra les crocs tandis qu'il se débattait en tous sens et tentait de la griffer à la gueule ; mais contrairement à ce qu'un félin aurait infligé à son museau, lesdites griffes pouvaient lui faire mal mais pas lâcher sa prise. En attendant, Ragnar'k semblait passablement indigné ; sans doute qu'il ne s'attendait pas à être attaqué pour de vrai. Quelque part, là où son cerveau n'était pas concentré sur les actes qu'elle accomplissait, Leikn se demanda ce que les adultes des meutes pouvaient bien apprendre à leurs petits. Est-ce qu'ils continuaient à jouer à la bagarre avec eux jusqu'à l'âge adulte, pour qu'un môme comme lui croie pouvoir insulter et provoquer quelqu'un d'autre impunément ? Est-ce qu'il n'avait jamais eu à se battre pour de vrai, ou vu de vraies blessures, pour se croire invincible de la sorte ?
Eh bien, s'il voulait s'entraîner gentiment et non se battre comme son sale caractère l'avait plutôt laisser penser, il fallait le dire. Crier "pouce ! C'est pas du jeu, on recommence !". Fallait le dire, si c'était une nounou sur laquelle passer ses nerfs, qu'il voulait.
Leikn l'aurait ramené chez sa maman en le traînant par la peau du cou, dans ce cas.

La louve blanche aurait bien expliqué tout cela à son apprenti - même si personne n'aurait pu croire qu'ils étaient apprenti et mentor en regardant la scène - mais celui-ci finit par réussir à arracher sa patte à ses crocs en lui mordant soudainement le museau. La surprise desserra légèrement la gueule de Leikn, qui laissa filer au lieu de claquer sèchement des dents. Elle encaissa également le coup de patte à l'estomac. Elle aurait dû lui préciser qu'attaquer à la gorge était une meilleure solution pour sauver sa patte, aussi, si on ne voulait pas se faire sectionner deux trois tendons.
Mais bon, elle ne pouvait pas vu que le môme s'était déjà barré en se tortillant.
Et de toute façon, il était grand, il n'avait pas besoin d'aide hein ?
Leikn se retourna vers Ragnar'k, à distance, en fronçant le nez pour évacuer les élancements causés par sa morsure. Au moins il avait de la force dans les mâchoires - ça c'était un truc qu'elle aimait bien.
Ses pensées s'arrêtèrent là quand le louveteau la chargea et lui sauta dessus en visant les reins. Réflexe ancestral : Leikn fit volte-face en un éclair, mais ses crocs claquèrent sur le vide. Le petiot était bigrement rapide. Ou alors c'était elle qui ne l'était pas assez ; mais dans la vie, on ne peut pas avoir la puissance et la en quantité strictement égales.
Alors qu'elle s'efforçait de suivre le gosse des yeux, celui-ci parvint à lui saisir la patte. Bon réflexe. Quoiqu'il mordait un peu trop bas. Et que tirer sur une seule patte n'est définitivement pas le meilleur moyen de faire tomber un quadrupède.
Les jarrets, gamin. Un bon coup de mâchoires
Au lieu de chercher à se libérer, la louve blanche bondit en arrière pour se rapprocher de Ragnar'k. Elle se tordit vivement en deux et, sans chercher à éviter le raclement des crocs sur sa patte, lui attrapa la nuque. Son équilibre était précaire, mais elle avait inversé la donne en se rapprochant, et sa postérieure libre pouvait encore la soutenir. Elle serra le louveteau à la nuque et le secoua pour lui faire lâcher prise, avant de le rejeter dans la neige tout près.

Seulement, elle commençait à en avoir assez qu'il l'esquive pour repartir à la charge tout le temps. Sans compter que leur dernière manoeuvre lui avait un peu engourdi la patte et qu'elle en avait assez de devoir esquiver. C'est pourquoi Leikn bondit rapidement à nouveau sur le jeune loup pour claquer des dents contre son épaule ; sauta en arrière pour esquiver une éventuelle riposte ; revint à la charge pour le repousser dans le sable et l'empêcher de se remettre sur ses pattes, avant de recommencer à le harceler de claquements de crocs et de coups de pattes. Toujours en s'appliquant à ne pas le laisser se relever.

A force, le gamin eut presque l'air désemparé. Est-ce qu'il l'avait crue incapable de jouer le même jeu que lui ? Certes, Leikn était massive, peut-être un peu moins rapide que lui, mais en ce qui concernait le petit harcèlement auquel il s'adonnait depuis le début de leur rencontre, elle était tout aussi capable que le louveteau. Et elle tenait à lui montrer à quel point c'était agaçant. Même s'il devait s'en douter, sans quoi il n'aurait peut-être pas utilisé cette technique - pour peu qu'il ait un peu de plomb dans la tête. Ainsi, la guerrière persista à bondir sur son cadet pour le rejeter inlassablement dans le sable, rendant toute tentative d'attaque inutile.
Mais heureusement, Ragnar'k parvint à se ressaisir. Espérant ce moment, Leikn l'avait guetté ; mais elle n'évita pas le coup pour autant.
Ses pattes glissèrent dans le sable, son museau percuta une nouvelle fois le jeune loup, mais cette fois-ci celui-ci roula entre ses membres et elle sentit son poids percuter son poitrail.
Eh bien. La bête vicieuse qu'il promettait de devenir. Lei ne savait pas bien si elle devait en être satisfaite ou répugnée, comme chaque fois que la nature lui mettait un mâle dans tout son insupportable orgueil sous le nez. Cela dit, elle n'avait pas le temps de s'en soucier, car enfin le jeune loup l'avait crochetée à la gorge.
Un grondement puissant vibra sur ses cordes vocales. La situation était celle qu'elle avait voulu initier ; mais elle était dangereuse, très dangereuse. Et quelque part, tous deux n'étaient pas en train de jouer.

Ragnar'k se redressa en serrant sa prise, et Lei se cabra avec un aboiement. Un trait d'adrénaline et de colère traversa ses veines. Oh, elle n'allait pas le laisser s'accrocher, il ne fallait pas rêver ! Sa prise, elle allait la briser, dut-elle briser sa mâchoire avec. Ou alors elle ne méritait pas de vivre, c'était clair. Sans hésiter, la louve blanche se jeta dans le sable avec son agresseur pour lui faire lâcher prise sous le choc et le frappa au ventre de ses pattes, visant sans viser et claquant des dents au cas où une oreille se retrouverait à portée.
Le jeune loup tint bon plus longtemps que prévu, et Lei sentit même le manque d'oxygène commencer à affleurer sa perception. Le moins qu'on puisse dire était que le petit prince avait du potentiel.
Mais il restait bien jeune.
Ses mâchoires finirent par se desserrer et Leikn s'arracha à sa prise en grondant ; sans s'accorder le temps de souffler, elle profita de leur proximité pour le saisir à la nuque et le rejeter à nouveau dans le sable. Précipité certes, mais elle savait que ce serait le dernier assaut. Pour aujourd'hui du moins, cela suffirait.

Leikn se remit sur ses pattes et secoua la tête. Sa gorge l'élançait un peu. Expulsant entre ses crocs un souffle agacé, la louve blanche tapa rapidement sa patte engourdie dans le sable. Puis elle laissa tomber, de l'air de celle dont la tâche est terminée.

« Entraînement terminé. Maintenant, tu peux aller jouer. »

La louve songea qu'il faudrait peut-être un peu de temps pour l'endurcir, mais le petit prince y parviendrait aisément. Il n'allait pas tarder à devenir un adulte fort, difficile à combattre ; et plus que tout, digne d'être haï d'elle. C'était dans l'ordre des choses après tout. C'était une belle chose même, quelque part. En attendant, elle le laissait à ses affaires. Sans plus épiloguer, la guerrière tourna les talons et alla gravir la dune au petit trot pour retourner au camp.