La nuit était étrangement glaciale pour la saison. Un froid léger mais qui s'infiltrait sous la peau de quiconque était encore debout à cette heure tardive. Une fine brise transportait la température et faisait doucement onduler le poil du grand loup. Le vent frais faisait s'entrechoquer les feuilles des arbres dans ce qui paraissait être un vacarme assourdissant. Comme si la nuit amplifiait terriblement les sons qui y étaient produits. Ce même vent faisait avancer des nuages blancs, de temps à autres l'un d'entre eux passait devant l'astre nocturne et obstruait partiellement la lumière lunaire. Sous l'impulsion de la brise, la cime des arbres se courbait pour mieux encaisser la rafale. Il y avait cette odeur très douce, ce mélange boisé qui s'échappait de la mousse et des fougères, de l'écorce et des champignons, des feuilles et de la sève. Un merveilleux bouquet olfactif auquel Kornog s'abandonnait entièrement. Mais il y avait se froid qui revenait inlassablement, comme des vagues qui s'abattraient sans relâche sur des grandes falaises de craies sans abandonner l'espoir de les faire céder un jour. Les hautes herbes et les fougères venaient effleurer ses flancs, la caresse végétale s'associait au contact moelleux que procurait le sol de la forêt où gisait les cadavres de feuilles et autres végétaux morts qui créaient un tapis fort confortable pour les coussinets du canidé.
Et d'un coup, plus rien, ou plutôt tout ; le vent souffle dans ses oreilles comme si il s'agissait d'une tempête infernale, le ciel bleu foncé aux taches blanchâtres a disparu, la lune elle même a disparu ! Il ne sait plus où est le haut et où est le bas, il n'y a plus d'odeur, non, il n'y a que sa respiration effrénée, ses poumons qui cherchent de l'air dans toute cette agitation. Mais surtout, il n'y a plus rien sous ses pattes, le vide, l'espace, et il va vite, il descend, il tombe. Et d'un coup son sens du toucher revient, aussi vite qu'il est venu mais pas de la même façon. A défaut de se faire aspirer vers le bas il est finalement brutalement repoussé par ce dernier. Ses pensées s’éclaircissent, il lui faut faire un point sur la situation. Où ? De toute évidence il était plus bas que la surface naturelle du sol, dans cette mesure il était certainement dans un trou, vu ses dimensions il était d'origine artificielle, il était bien trop circulaire et aucun élément présent n'aurait pu faire un trou aussi parfait. Quand ? Il faisait toujours nuit, la Lune ne semblait pas s'être déplacée ce qui l'amenait à la conjecture qu'il n'avait pas perdu connaissance. Comment ? Un piège et son inattention, rien de plus stupide. Qui ? De toutes évidences il s'agissait de l’œuvre de l'homme.
Un feulement impressionnant retentit de l'autre côté du trou. La Lune bien qu'elle soit presque pleine, n'éclairait pas l'ensemble du piège. Les pupilles du loup s'habituèrent petit à petit au manque de luminosité qui berçait l'autre moitié du trou. Face à lui, un puma d'une taille respectable, ce dernier se trouvait sur une pente qui, avec de l'élan et un peu de travail, serait sa porte de sortie. Cependant le félin interdisait tout passage. Kornog n'aurait pu faire qu'attendre qu'il prenne la poudre d'escampette et suivre à son tour, cependant l'une des pattes arrières de son compagnon de fortune, formait un angle aussi douloureux handicapant. Car si il ne semblait avoir aucune chance de sortir d'ici de ses propres moyens, le puma possédait encore une paire de pattes aux griffes au combien dangereuses ainsi qu'une mâchoire dont il allait falloir se méfier. Il s'agissait d'un véritable casse tête chinois, et il n'aimait pas se casser la tête. Bondissant depuis son côté du trou, il sauta sur le félin, l'entraînant dans une lente glissade. Bien que cette dernière était lente, elle mettait la pauvre patte cassée à rude épreuve. La douleur étant insupportable, le puma se devait se stopper cette descente, plantant ses griffes acérées dans la terre, il baissa dès le début sa garde. Le grand loup ne se le fit pas dire deux fois et brisa la nuque de son ennemi naturel. Le cadavre tomba au sol, telle une marionnette dont on aurait coupé les fils. Kornog lui, sortit du piège sans un regard, se jurant de faire attention à où il mettrait les pattes à l'avenir.