Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Prédominant dans le Ciel, le Soleil annonçait le milieu de la journée. Le moment idéal pour faire une petite promenade digestive ! Depuis ma mésaventure avec les Hommes, je n'avais pas rencontré un seul loup, j'avais l'impression que tous me fuyaient depuis que je les avais approchés. C'était comme si je sentais comme eux ! Beurk ! Jamais je voulais sentir l'Humain moi ! Idiots bipèdes, tiens ! Doucement, je pénétrai aux terres les plus à l'Ouest. Je n'étais jamais venu ici encore. Par crainte ou par manque de temps ? Je ne savais pas. Pour l'heure, je ne sentais aucune pression enivrer mes pattes et c'était chouette. Je me sentais libre et presque, en sécurité ici. Même on ne sait jamais de quoi le monde est fait !
Depuis que j'étais né, je n'avais rencontré que des loups gentils avec moi, qui voulaient mon bonheur et ma protection. On m'avait déjà mis en garde que tout le monde n'était pas forcément comme eux et que, comme partout, il y avait des êtres malfaisants, prêts à tout pour vous ridiculiser. Mais je n'y croyais pas. Pas encore. Mon âge voulait que je sois encore naïf, bercé par des rêves irréalistes. J'aimais tout mes semblables, toutes meutes confondus. Je n'avais pas encore la notion des rivalités - ou bien étais-je encore aveuglé - et je m'en tirais très bien. Peut-être fallait-il qu'un beau jour on sonne la sonnette d'alarme, que quelqu'un me fasse voir une autre vision de cette vie trop rose pour être vrai.
Subitement, de la cendre remplaça le semblable de verdure qu'il y avait, pour ma plus grande joie. Joueur, je me mis à sauter dedans, soulevant des nuages à chaque fois que mes pas rentraient en contact avec le sol. Je devins rapidement gris, à mon plus grande plaisir. Les oreilles et la queue agitées, je profitai de ces instants seul pour m'amuser un peu.
Solitaire dans l'âme, tu te décides aujourd'hui à aller te promener vers l'Ouest des territoires inoccupés par les meutes. Tu t'es déjà rendue là-bas à plusieurs reprises, et une de ces journées passées toute seule à te promener dans ces lieux t'a marqué profondément. Mais tu te forces à ne pas y penser. Ce ne serait pas bon de te perdre dans tes pensées à cause d'une rencontre minable, qui est surement aussi importante qu'un coup de patte dans l'air. C'est pour cette raison que tu ne te diriges pas vers la Ville en Ruine, mais vers la plaine de cendres. C'est un endroit que tu aimes bien, pour sa noirceur et son atmosphère calme et agitée à la fois. Le vent y souffle beaucoup, et les carcasses de tanks et autres véhicules de bipèdes y traînent à chaque tournant. Tu sais bien que tu risques de trouver un intrus par ici. Il est impossible de rester seule par une journée pareille. Ce qui est bien dommage. Parce que toi, Noire, n'est pas du genre à entamer une conversation amicale avec n'importe qui. Et ce n'est surement pas toi qui abordera un autre loup la première.
M'éclatant toujours dans le tas de poussière, je ne vis pas la venue de l'individu. Mais son odeur arriva jusqu'à mes narines subitement. Cessant tout mouvement, je jetai mon regard autour de moi pour voir d'où ça venait. Jusqu'à ce que mes prunelles brunes tombèrent sur sa silhouette. Aussi noire que le charbon. Elle n'était pas très grande, mais beaucoup plus fine que mon mentor. À en juger son apparence, l'inconnue devait être une femelle. Innocent, je m'avançai vers elle, tout sourire sur les lèvres.
« Bonjour M'dame ! »
J'avais pris un risque en l'appelant ainsi. Et si c'était un mâle ? Bof, c'était pas grave. Je courbai doucement ma tête et m'inclinai pour la saluer. Un vrai gentleman. Mon court apprentissage parental avait, au moins, valu de m'inculquer quelques règles de politesse envers les autres loups.
« Je m'appelle Oma'reth. »
Inutile de renvoyer la question, ça s'pourrait bien que je me prenne un vent. Soit, je restai planté là, à attendre un geste ou une parole de sa part.
Silencieuse, tu t'avances sur la plaine, tes pattes noires foulant la poussière qui s'envole en tourbillonnant. Tu as du mal à inspirer par la truffe, car des petites cendres se sont déposées à l'intérieur, à force de les avoir remuées, et tu éternues soudainement. Tu remues la tête, agacée, lorsqu'une petite voix résonne soudain à tes pattes.
"Bonjour M'dame !"
Surprise, tu recules d'un pas et tes pupilles jaunes viennent se ficher sur le sol. Tu découvres alors un louveteau, qui est visiblement très jeune, qui s'incline devant toi avec respect. Étonnée mais également curieuse, tu t'empresses de renifler discrètement, pour deviner à quelle meute appartient ce louveteau. Et manque de chance pour lui, c'est un Sekmet.
"Je m'appelle Oma'reth."
Tu te fiche de son nom. Si ce jeunot appartient à la meute Sekmet, tu ne toléreras pas qu'il t'adresse la parole. Entre cette meute et toi, le courant ne passe pas. De plus, tu n'aimes pas les jeunes loups. Ils sont tous idiots, des chochottes de première et des enquiquineurs. Le seul petit auquel tu portes de l'affection, c'est Reny, de la meute Esobek. Mais ce "Oma'reth" ne l'intéresse pas du tout. Tu as même plutôt envie de le baffer.
"Je m'en fiche."
Battant l'air de ta queue, tu t'apprêtes à te retourner et à laisse ce Sekmet ici tout seul. Après tout, ce ne sont pas tes histoires s'il se sent tellement seul qu'il t'adresse la parole, à toi, une solitaire. Mais il n'a pourtant pas dit son dernier mot.
Un peu vexé, mon regard insista. Je m'attendais à toutes sortes de réponse, à des Va t'en, Dégages, Bouges de là, mais pas à ça. Ses paroles avaient eu le même effet qu'un coup brutal sur mon museau. Pointant mes oreilles vers l'avant, les mirettes bien brillantes - pas de tristesse, mais d'espoir -, je ne comptais pas lâcher l'affaire si facilement.
« Hé ! J'ai juste voulu être poli ! »
J'avançai d'un pas, comme si je voulais provoquer une autre réaction de sa part, moins mauvaise. De ma position, je me mis à renifler d'avantage son parfum. À part la louve mal léchée, elle sentait rien d'autre. Inconsciemment, je risquais peut être de me faire taper une fois de plus sur les doigts. Peut-être que j'aimais ça, au fond.
« Vous appartenez à quelle meute ? »
Mes joues se gonflèrent, donnant l'impression que ma mâchoire avait pris en puissance. J'étais bien moins imposant qu'elle, plus jeune, mais certainement plus tête brûlée. Je me posai devant elle sans ciller. Sale caractère !
Comme tu t'en doutes, et à ton plus grand désespoir, le petit mâle s'entête à vouloir te parler. Après une petite moue dépitée, il retrouve son entrain et affirme qu'il voulait juste être "poli". Tu ne réponds rien, mais as bien envie de rire. La politesse, tu n'en as rien à faire. Dans ce monde, ce n'est pas en étant poli que l'on obtient ce que l'on veut. Ce Sekmet serait déjà mort si tu étais dans un de tes mauvais jours, même en ayant été "poli". Pestant entre tes mâchoires, tu commences à t'en aller, mais Oma'reth ne te lâche pas et revient se placer devant toi, te coupant la route aussi sec. Tu le regards de haut, tandis qu'il prend un air important, et te pose la question qui est pour toi une des plus insupportables au monde.
"Vous appartenez à quelle meute ?"
Les Sekmets n'apprennent donc rien à leurs petits ? Logiquement, une louve qui marche seule, le regard terne, le pelage décharné et l'allure sauvage... Sans aucune odeur distincte, ne peut être qu'une solitaire. Ce louveteau ne fera pas long feu en posant des questions de ce genre. Plus d'un solitaire lui aurait déjà arraché les yeux.
"Chuis solitaire, ça se voit pas ?"
Tu grondes, le regard noir, et contournes le mâle pour poursuivre ta route. Tu n'as pas l'intention de rester ici cent ans, et ce Sekmet ferais mieux de te laisser tranquille, sinon il risques fort de tâter de tes griffes.
La Prophétie des Lucioles m'adressa un regard hautain, supérieur. De ma position inférieure, je relevai son regard, presque fier. Si elle comptait m'impressionner, elle en était loin. J'estimais seulement ma meute, les autres n'étaient que des potentielles amis/ennemis. Pour son cas, la noiraude était loin de faire partie un jour de ma fratrie.
« Chuis solitaire, ça se voit pas ? »
Fixant toujours ses yeux, je renforçai le lien tendu qui nous unissait. Comme si elle avait une étiquette sur le front qui le signalait... Je roulai mes épaules et baissai enfin le museau. Ne prends pas ça pour de la faiblesse, ce n'en est pas.
« Je ne suis pas aussi affûté que toi pour détecter ce genre de choses. »
Je m'écartai, lui laissant la place de passer enfin. L'encolure hérissé, je lui lançai une œillade pleine de mépris. Elle ne méritait pas que je lui porte un quelconque intérêt. Le sentiment qu'elle éveillait à l'intérieur de moi me surprenait et j'aimais pas trop ressentir une telle chose. Qu'importait, je ne voulais plus me voiler la face sur une moindre parcelle de gentillesse à l'intérieur de cet être plein de haine.
« En vérité, louveteau ou pas, tu t'en fiches du respect. »
Instinctivement, je posai mon attention vers l'horizon, cherchant une source d'inspiration et de sérénité autre part qu'ici. Je ne voulais pas me laisser submerger par la colère qui commençait à monter.
« Je n'aurai jamais cru que je croiserai quelqu'un comme toi un jour. »
Inutile d'en dire plus. Je parus las et blessé, dans le fond, alors que ça ne faisait que quelques minutes que je me trouvais en face d'elle. La femelle dégageait tellement de choses négatives que son aura en était brouillé. Et m'atteignait sans le savoir.
Le louveteau te dit quelque chose, mais tu ne l'écoutes même pas. Il t'énerves plus qu'une puce accrochée à ton pelage. Il refuse de te foutre la paix en plus, ce qui a le don de t'énerver. Tu aimes vivre tranquille, et ce Sekmet t'empêche de suivre tes principes. Le mâle s'écarte tout de même pour te laisser passer, et tu grognes quelque chose avant de commencer à t'éloigner. Enfin il te laisse tranquille, ce n'était pourtant pas si difficile ! Ce louveteau se croit-il tout permis ? Mais le pire, c'est qu'il n'a même pas terminé de t'agacer. Au lieu de retourner auprès de sa meute, le voilà qui continue de parler.
"En vérité, louveteau ou pas, tu t'en fiches du respect."
Oui, c'est exactement ça, penses-tu. Mais tu ne prends pas la peine de te retourner pour lui répondre. Il n'a qu'à rester sur son idée. Au moins, tu lui auras apprit un truc aujourd'hui. Les solitaires se fichent des loups de meute et du respect. Ils veulent juste survivre, et qu'on les laisse en paix.
"Je n'aurai jamais cru que je croiserai quelqu'un comme toi un jour."
Tu t'arrêtes alors de marcher, les sourcils relevés, dos au petit mâle. Vient-il de dire qu'il n'a jamais rencontré de solitaire, ou bien jamais quelqu'un de désagréable ? Pourtant, tu connais quelqu'un de sa meute, un certain Blasphem, avec qui tu t'es battu, et qui est un sacré personnage, au très mauvais caractère. Alors que ce louveteau Sekmet ose te dire qu'il n'aurait jamais cru croiser quelqu'un comme toi un jour... C'était presque une moquerie. Tu te retournes, les trais plissés, fâchés, et retournant sur tes pas, vient placer ton museau tout près du visage du louveteau. Tes mâchoires se relèvent, et tu lui montre les crocs en soufflant, de ton haleine nauséabonde :
"P'tit, la vie n'est pas faites que d'bonheur. Si j'avais été dans un d'mes mauvais jours, tu s'rais déjà plus qu'une carcasse. Tu ferais mieux de te barrer d'ici, de retourner chez toi, et de ressortir dehors quand t'en auras l'âge."
Ce n'est qu'un conseil, mais tu sais de quoi tu parles. La vie extérieure n'a rien d'agréable.
Comme si mes derniers mots l'avaient heurtés, elle s'arrêta. Un sourire apparut sur mes lèvres instantanément. Enfin je l'avais touché ! Plus confiant, j'hésitai à la toiser à mon tour lorsqu'elle se fit volte-face subitement, retournant sur ses traces. La noiraude colla presque son nez contre moi, assez pour que je sente sa désagréable haleine.
« P'tit, la vie n'est pas faites que d'bonheur. Si j'avais été dans un d'mes mauvais jours, tu s'rais déjà plus qu'une carcasse. Tu ferais mieux de te barrer d'ici, de retourner chez toi, et de ressortir dehors quand t'en auras l'âge. »
Un gloussement sortit de ma gorge. Y allait-il un âge pour affronter les adultes ? Je n'osai plus à cet instant affronter son regard. J'étais tout de même un pauvre louvard sans défense qu'elle pouvait brisée en moins de deux, sans aucun effort. Je me mordis l'intérieur des joues, presque confus. Rayant l'arrogance, je me retranchai du côté de la sécurité. C'était plus prudent. Je me mis doucement à reculer, baissant la tête presque au niveau du sol. Après tout, la louve avait peut-être raison.
« Je peux pas. »
Murmurais-je dans ma barbe. J'avais voulu jouer les forts, mais je n'en avais pas l'étoffe encore et je le ressentais. L'énervement tempérait toujours dans mon cœur, mais la peur l'avait un peu étouffé.
Oma'reth lâche un petit gloussement qui te fait froncer les sourcils de désapprobation. N'a t-il donc rien comprit ? Rire n'est vraiment pas la meilleure attitude à avoir face à une solitaire désagréable. Elle pourrait croire que vous vous moquez d'elle. Heureusement, tu sais bien qu'il ne se moque pas de toi. Ce Sekmet est simplement un idiot. Mais vu le regard que tu lui jettes, il semble comprendre que ce n'est pas le bon moment pour plaisante, et se recule, tête et queue basse, des signes qui normalement sont censés démontrer une soumissions. Tu souris intérieurement, satisfaite du petit effet que tu as produit à ce jeune mâle, mais soudain sa minuscule voix s'élève au dessus du silence :
"Je peux pas..."
Il peut pas quoi ? Rentrer chez lui ? Tu plisses le museau, comme tu sais si bien le faire, incrédule, et lui réponds du tac au tac :
"Et pourquoi ?"
Les griffes de ta patte avant droite raclent le sol, et tes oreilles remuent d'agacement. Si ce louveteau croit que tu vas le ramener chez lui, il se fourre la griffe dans l'oeil jusqu'au sang.
Je pouvais paraître apeuré, mais j'étais tout de même loin de l'être malgré la pression qu'exerçait mon cœur contre ma cage thoracique. Je déglutinai bruyamment. Lentement, comme si j'étais au ralenti, je tentai de relever, ne serait-ce qu'un peu, le bout de mon museau.
« Et pourquoi ? »
Pfffff, ça ne t'intéresse pas. Tournant brutalement la tête sur le côté une nouvelle fois, je lâchai un immense soupire, soulevant mes poumons au passage. En vrai, je ne savais pas comment retourner chez moi d'ici. La poudreuse noire m'avait tellement dissipée que je ne savais pas quel était le chemin à emprunter de nouveau. Une dernière lueur d'espoir dans les yeux, je tendis mon visage vers la noiraude.
« C'est par où les terres Sekmets ? »
J'avais pas besoin que tu me ramènes chez moi, seulement que tu m'indiques la direction. Ravales un peu ta fierté et aides un louveteau dans le besoin, dont tu pouvais te débarrasser ainsi. Peut-être y avait-il une parcelle de sympathie.... Euh non !
A cause du mouvement incessant de tes griffes contre la cendre, tu as soulevé un nuage de poussière qui t'oblige à plisser les yeux et à serrer la gorge pour éviter de partir dans une affreuse quinte de toux. Tu serres les babines, écartant d'un mouvement de la patte le nuage de cendre qui s'est formé devant toi, et écoutes alors la réponse du Sekmet, qui te fait écarquiller les yeux.
"C'est par où les terres Sekmets ?"
Quel idiot. Oh mais quel idiot. Tu le dévisages un instant, incrédule, tandis que le nuage de cendres se dissipe, et éclate soudain de rire. Tu n'as pas ris depuis longtemps, ce qui te fait une sensation très étrange au fond de ta gorge, mais tu ne peux pas t'en empêcher. Ce jeune mâle est vraiment une bonne surprise tombée du ciel. Il ne connaît vraiment rien au monde, et pourtant il semble avoir déjà plusieurs mois. Les Sekmets seraient-ils vraiment tous des idiots ?
"Tu es sérieux p'tit ? Tu te fiches de moi ? Ricanes-tu, deux petites larmes de rire perlant au bord de tes yeux. Tu sais même pas comment rentrer chez toi et tu me demandes à MOI de t'indiquer la route ?"
Tu étouffes de nouveau ricanement, reprenant ton sérieux tandis qu'Oma'reth attend surement une réponse. Mais tu ne comptes pas lui montrer la route. Plutôt crever que d'aider un Sekmet.
"Alors écoutes-moi bien. Tu vas te débrouiller tout seul, car moi je suis une solitaire, So-li-tai-re, et je n'aime pas les loups de meute. T'as beau être un louveteau, t'es comme les autres. Un débile qui ne sait pas se démerder seul. Fallait pas partir de chez toi si tu sais pas retrouver ta route."
Voilà, ça lui fera les pieds. Tu n'as pas du tout envie de l'aider, et rien de ce qu'il pourra dire te fera changer d'avis. Même le fait qu'il soit un bébé loup sans défenses.
D'un coup, j'entendis un rire éclater dans le silence de la plaine. À l'écouter, il donnait vraiment l'impression d'être moqueur et mesquin à la fois. Ah, voilà maintenant qu'elle se moque de moi. Je pris une grande bouchée d'air. C'était le pompon !
« Tu es sérieux p'tit ? Tu te fiches de moi ? Tu sais même pas comment rentrer chez toi et tu me demandes à MOI de t'indiquer la route ? »
À cet instant, je me rendis compte à quel point j'avais été naïf. Idiot de croire qu'une personne comme elle puisse me venir en aide, malgré tout le mépris qu'elle me témoignait. Je secouai mon encolure et m'éloignai encore d'elle. Je voulais que tout cela s'arrête. Maintenant et tout de suite.
« Alors écoutes-moi bien. Tu vas te débrouiller tout seul, car moi je suis une solitaire, So-li-tai-re, et je n'aime pas les loups de meute. T'as beau être un louveteau, t'es comme les autres. Un débile qui ne sait pas se démerder seul. Fallait pas partir de chez toi si tu sais pas retrouver ta route. »
Je connais les alentours de mes terres, mais pas celles-là ! Ma truffe s'humidifia lentement. Me retournant vivement, je cachai mon désarroi. Abruti que tu es ! Je voulais prendre les jambes à mon cou et m'enfuir de ce calvaire ! Tout ce que je devais retenir de cette rencontre, c'est que je n'aime vraiment cette louve-là ! Tu le paieras un jour, quand je serai plus grand ! Je te ferai mordre la poussière sale vermine !
Tu le dévisage encore un instant, puis te détourne avec dédain. Il n'y a plus rien à soutirer de ce louveteau inutile. C'est un idiot, mais il finira par retrouver son territoire, tu le sais. Et dans le cas contraire, tant pis. Ce fera un Sekmet de moins, un ennemi de moins à affronter pour les Esobeks. Et tu es de loin plus du côté de la meute de Reaven, que de la meute de Oma'reth. Un louveteau qui crève, tu t'en fiches plus que de tes propres excréments. Tu te détournes donc et t'en vas, pour de bon cette fois-ci, laissant le mâle avec son problème entre les pattes. Elle lui aura au moins apprit une chose, tout le monde n'est pas gentil sur cette terre, loin de là. Mis à part ceux de sa meute, personne ne se montrera sympathique avec ce jeune mâle, quoi qu'il fasse. Mieux valait ne pas le laisser espérer, et lui ouvrir un peu les yeux. De toute façon, tu ne lui as pas dit ton nom, tu ne risques donc rien s'il retrouve sa meute, personne ne pourra te poursuivre pour ne pas avoir porté secours à un petit en détresse. Tu es solitaire. Pas Sekmet. Le destin des loups de meute ne t'intéresse et ne te concerne pas.
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