Tu marchais, silencieuse, sur cette terre dévastée. Le sol terne, gris et sale te ressemblait, si bien que l'on aurait presque pu confondre ton pelage avec la terre. Ton allure décharnée, tes yeux ternes, mais luisants toujours d'une lumière vengeresse, pouvaient te faire passer pour une folle acharnée. Tu étais solitaire, mais une solitaire spéciale. Blessée intérieurement, prête à tout pour obtenir vengeance. Pour tes frères. 
Tu savais que cet endroit était dangereux, mais tu aimais venir dans les lieux étranges et remplis de dangers, de cruauté. Pourquoi ? Bonne question. Tu ne te le demandais pas. Tu te contentais seulement d'avancer, tournant en rond autour de ce lac d'acide sans te fatiguer. 
Tu attendais seulement que quelque chose, ou quelqu'un, vienne troubler ton rituel. 
Ce qui ne tarda pas.

Tu continuais de tourner en rond, rituel insensé, mais que tu prenais plaisir à exécuter, lorsqu'une odeur acre vient te frotter les narines. Tu t'arrêta, les oreilles dressées, tous les sens déployés autour de toi. La vue, pour tenter de repérer la provenance de l'odeur. L'ouïe, pour écouter attentivement le moindre petit craquement suspect, le moindre hurlement. Et surtout l'odorat, pour renifler et déterminer à qui appartenait cet effluve.
La réponse arriva vite, il s'agissait d'un loup. Un Navnik. Tu n'en avais pas croisé souvent dans ta petite existence, mais tu n'aimais pas cette meute. Tout comme celle des Sekmets d'ailleurs. La seule meute que tu supportais, c'était la meute Esobek. Car tu possédais quelques connaissances là-bas, utiles dans le futur. Reaven, le guérisseur. Reny, le louveteau qui lui rappelait tant son frère. Onyx, le fou-furieux croisé dans les tunnels, qui lui avait évité une mort assurée avec la Bête aux yeux rouges...
Tu frissonnas en y repensant. Cette chose immonde te faisait toujours aussi peur.
Mais tu n'eu pas le temps d'y penser davantage, car le loup à qui appartenait cette odeur répugnante s'avançait dans ta direction. Il était blanc, massif. Impressionnant même. Impressionant-e. C'était une femelle. Comme toi.
Elle n'avait pas l'air agressive, mais tu ne pouvais t'empêcher de rester sur tes gardes. Et lorsque vous furent toutes-deux très proches l'une de l'autre, ton pelage se hérissa et tu montras les crocs, menaçante. Qu'elle ose encore s'approcher, et elle tâterait de tes griffes !

La louve blanche ne semblait vraiment pas agressive. Mais tu avais apprit récemment qu'il fallait toujours se méfier des apparences. Avec Diedora par exemple, cette femelle avec qui tu avais exécuté une chasse en duo. Certes, tu avais ainsi attrapé une biche, mais cette solitaire te faisait toujours froid dans le dos. Il faudrait vraiment penser à se méfier d'elle à l'avenir.
Mais la Navnik a qui tu faisais face dégageait quelque chose de bienveillant, de sympathique, si bien que lorsqu'elle parla, de sa voix douce et amicale, tu te détendis un petit peu.

"Hey ? N'est pas peur, je vais pas te manger. Tu n'es pas sur les terres de ma meute donc pourquoi je voudrais te tuer ?"

Peur ? Tu n'avais pas peur. Tu te méfiais, ce n'était pas pareil. Tu lâchas un petit grognement désabusé, mais n'osa pas l'élever trop fort, de peur -justement- de faire fuir la femelle blanche. Ce n'était pas un petit oiseau, mais tu voyais bien que cette louve était fragile. Grande, imposante, surement très forte au combat... Mais fragile. Intérieurement.
Lorsqu'elle s'assit, éloignant donc toute sorte d'agressivité, ton pelage se remit à sa place et tes crocs disparurent sous tes babines tandis que tes muscles se détendaient. Lentement, sans lâcher la blanche du regard, tu t'assis à ton tour, et un petit silence s'installa entre vous. Tu ne savais pas trop quoi dire, tu n'avais pas prévu de papoter avec une louve de meute aujourd'hui... Tu laissas donc le silence prendre sa place, tes yeux jaunes toujours fixés sur cette inconnue, le temps du moins qu'elle engage elle-même la conversation.

Tu attendais, encore un peu tendue, non pas gênée par ce silence, mais bien par l'attention sympathique la louve blanche te portait. Tu voyais bien qu'elle semblait pacifique, amicale, mais cela te dérangeait davantage que lorsque tu te trouvais en face d'un loup sanguinaire. Tu n'avais pas l'habitude que l'on te renvoie ce regard tendre, ce regard si gentil que la Navnik te lançais actuellement.

"Soyons claires, je ne te veux pas de mal. Je m'appelle Ulvys, membre Navniks. Pourtant tu vois, je t'ai pas encore manger."

Tu déglutissais, et ta queue commença à balayer le sol, tandis que tu forçais sur tes pattes avants pour éviter qu'elles ne se mettent à faire des cercles dans la terre, comme tu avais l'habitude de le faire lorsque tu te sentais stressée. Certes, il n'y avait pas de quoi avoir peur de cette "Ulvys", mais au fond de toi, tu restais méfiante. Après tout, le dernier Navnik que tu avais croisé était loin d'être amical.


"Noire."

Tu lâchas ce mot dans le vide, comme une pierre ricochant sur la surface d'un lac et te rattrapas quelques secondes après.

"Je m'appelle Noire."

La Navnik te sourit d'avantage, mais au lieu de te détendre, cela te gênas un peu plus. Tu n'aimais pas spécialement que l'on te témoigne de l'attention, de l'amitié... Tu préférais la solitude, la noirceur, comme celle qui envahissait ton coeur, (et l'avait même engloutis depuis longtemps.)

"Enchanté Noire. Tu es magnifique et sembles gentille. C'est donc heureuse que je te rencontre."

Ton pelage se hérissa. Non, vraiment, tu n'avais pas l'habitude que l'on te parle de cette manière. Chaque rencontre que tu faisais se terminait généralement avec un combat, du sang qui giclait, des coups de crocs, de griffes... On ne te disait jamais que tu étais "Magnifique", et que tu semblais gentille. Les autres loups se contentaient de te cracher au visage, et tu leur répondais avec un affrontement violent. Mais Ulvys était différente. Différente et... Pas assez méfiante. Si tu lui avait voulu du mal, tu n'aurais eu aucune difficulté à la mettre à terre. Mais au contraire, tu te contentas de la dévisager encore un petit moment, avant de lâcher brusquement :

"Je suis loin d'être gentille et magnifique. Tu ne sais rien de moi."