La brise chassa peu à peu la nuit et ses nuages garnis gris. La poussière se soulevait sous les assauts régulier du vent matinal tandis que les premiers rayon d'un soleil silencieux éclairent cette triste terre. Auron soupira. Il ouvrit lentement les yeux, bailla avec paresse et frissonna en sentant la brise s'infiltrer dans son pelage. Le loup tira sur ses patte et se redressa et ébroua la poussière qui lui salissait les poils. Quelques coups de langues sur les pattes et Auron s'élança dans la plaine, le ventre grondant. Cela faisait trop longtemps que le loup n'avait pas manger. Il avait trouvé refuge dans le cimetière, lieu tranquille quoique lugubre mais l'endroit lui avait semblé sûr pour la nuit.

Le loup traina la patte aux travers de la poussière et des carcasses d'os. Auron attrapa ce qui avait été les côtes d'un boeuf entre ses crocs et serra les mâchoires. Il répéta son opération plusieurs fois d'affilées, tirant avec force puis écrasant l'os sous son poids. Il s'exécuta jusqu'à ce que la côte se brise du reste du squelette. Et Auron s'éloigna en trottinant et mâchant avec énergie ce morceau d'os. Le loup s'assit et penché sur le bout d'os, il le croqua à la recherche d'un peu de reste à avaler. L'opération était aussi bonne pour ses crocs et ses mâchoires, et cela lui donnait le sentiment de manger. Mais Auron n'allait pas se contenter de cela, non. Il était bien décidé à se trouver à manger. Le loup abandonna son morceau d'os et partit à la recherche de quelque chose à manger.

Auron inspira profondément les parfums charbonneux de la brise. Toujours rien d'autre que la terre noire, la poussière et le sifflement strident de la brise dans les crânes délaissés. Auron perdait patience. Il se glissait entre les buttes et les carcasses squelettiques mais ne trouvait toujours rien. Un bruit attira pourtant son attention, mais ce n'était qu'un morceau d'os tombant au sol dans un lit de poussière. Toujours pas d'âmes qui vivent. Cela en devenait désespérant. Le loup s'ébroua et reparti à la recherche de son repas.

Cette fois-ci, la chance lui sourit. Après avoir cherché des pistes pendant plus d'une heure, Auron détecta enfin une petite piste. Une piste légère, acide, un parfum disparaissant peu à peu. Le loup sentait l'excitation de la chasse et du repas le traverser. Ses muscles se raidirent un instant puis se relâchèrent. Le loup était près, près à mener sa traque. La piste de guida vers un amoncellement d'os brisé par des rochers. Rien en apparence, jusqu'à ce qu'Auront ne perçoive un rat, peu gras, visiblement à la recherche lui aussi de quelque chose à grignoter. Auron ne laissa pas passer sa chance. Il avança prudemment puis bondit à vive allure en direction de sa proie. Le rat tenta bien de s'échapper mais trop tard. Les crocs du loup se refermèrent sur son corps frêle et en un instant, le rongeur était mort.

Auron se lécha les babines avec bonheur. Enfin, le loup allait pouvoir déguster un peu de viande fraîche. Attrapant son déjeuner, le chasseur victorieux trottina jusque dans un renflement qui le tiendrait à l'abri de la brise. Il s'allongea et entama son repas durement mérité.

La nuit avait été longue et fraîche. Empress avait suivi des pistes, traqué des vagabonds qui avait violé ses frontières. Leurs traces avaient disparues sur les chemins de cendres de l'Est. La dominante allait rebrousser chemin lorsqu'elle décida de prolonger sa route. Ce qu'elle voulait voir, c'était ce qui restait des Terres des Hurleurs de l'Aube. Et le spectacle dépassait l'entendement. Le territoire d'autrefois n'était pas d'une grande richesse de sol, mais aujourd'hui, il n'était plus qu'un triste cimetière d'os et de cendres. Empress observa la plaine morte, à la fois effrayée par la puissance meurtrière des bombes et fasciné par ce paysage de néant. La louve s'ébroua et décida d'explorer ce domaine chaotique et sombre. La louve erra au milieu des carcasses, poussée par la curiosité et la fascination d'un tel lieu. Mais rapidement, son instinct repris le dessus. L'odeur d'un loup vient troubler son errance. L'odeur d'un solitaire, d'un vagabond. Un peu différent de celle des vagabond qu'elle suivait mais peut-être en était-il tout de même lié. La louve suivit la piste, aussi discrètement que l'habile chasseuse qu'elle était. Elle aperçut alors le loup, allongé, occupé à manger un rat. La vue de cette proie fit saliver la dominante, mais rapidement, elle se reprit. Elle bondit face au loup, le pelage hérissé, le regard dur, le toisant de haut. Ses mâchoires claquèrent.

- Que fais-tu ici, vagabond ?

Le rat avait une forte odeur, mais sentir la viande, même rêche, et le sang chaud couler dans le gosier avait revigoré Auron. Ses crocs se plantaient avec envie dans la chair jusqu'au os qu'il faisait craquer entre ses mâchoires. Son appétit était tel qu'il en oubliait tout autours de lui. Rien n'était meilleur que ce repas, aussi maigre soit-il. À dire vrai, le loup ne s'attendait à voir personne. Les rares pistes étaient anciennes, le terrain n'était que peu propice à la chasse, que ferait un prédateur dans un tel endroit. Et pourtant.

Pourtant Auron n'était pas seul. Un louve courtaude au pelage bicolore venait de bondir face à lui. En voulait-elle à son repas ? Auron n'était pas près à la laisser lui prendre sa pitance. Il avait eu trop de mal à l'attraper. Devait-il se battre ? La louve semblait forte, elle dégageait le parfum puissant des alphas. Pourtant, aucune odeur de cette sorte couvrait le secteur, cette louve n'était donc pas sur son territoire. Auron se redressa, sur ses garde mais fit en sorte de ne pas se montrer agressif. D'une patte, il glissa la nourriture entre ses jambes et fit face à la femelle. Le loup ne montra pas les crocs mais soutient le visage de la louve.

"Une alpha sans terre, et je suis le vagabond ? Je n'ai pas de prétention sur ces terres, simplement sur ce repas."

Le vagabond avait plus de répartie que prévue. L'alpha avait tendance à les prendre pour des imbéciles, ils l'étaient certainement moins qu'elle ne le pensais. Contrariée mais pas déstabilisées pour autant, la louve afficha un sourire mauvais mais amusé malgré tout. Une lueur inquiétante venait de se glisser dans ses sombres iris tandis qu'elle détaillait le loup avec minutie. Il bonne stature, à n'en point douter, mais Empress avait suffisamment confiance en ses capacités pour ne pas se laisser intimider par un vagabond.

- Tes prétentions ne m'intéressent pas, vagabond. Cette nuit, des rats de ton espèce ont tenté de voler sur mes terres de chasse…

La louve ne demeura pas en place. Elle tourna distraitement autour d'Huron, en apparence uniquement car Empress ne perdait pas une miette de ses observation. Son corps étaient tendu, près à se battre et se défendre. Avec les vagabonds, on est jamais suffisamment prudent. L'alpha fronça les sourcils un instant et reprit.

- … et je ne serais pas étonné qu'ils furent tes compères…

Ses mâchoires claquèrent comme pour ponctuer la fin de sa phrase. La dominante ne se ferait pas manquer de respect, encore moins de la part d'un solitaire.

La louve n'était pas commode. Je ne cédais cependant pas à son regard bien que ce fut tentant. Son charisme avait quelque chose d'agressif et écrasant. Visiblement, elle avait eu des soucis avec d'autres vagabonds. Mais Auron n'en savait rien, et n'avait aucune envie de payer à leur place. Le loup soupira, le regard perché au ciel un instant, tandis qu'il réfléchissait. Auron demeura sans bougé, ne reculant pas, n'avançant pas.

"Je comprend votre position, alpha, je ne suis cependant lié à aucun vagabond des environs. À vrai dire, je suis arrivé depuis peu dans la région, je ne connais personne…"

Auron n'aimait guère voir la dominante lui tourner autour. Visiblement, elle n'avait pas apprécier le sarcasme de sa remarque précédente. Auron banda ses muscles, près à réagir en cas d'attaque. Il avala sa salive et se lécha les babines sanglantes.