On reconnait le bonheur au bruit qu'il fait quand il s'en va.

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Sa dernière altercation avec un bipède avait bien amochée Yû, à présent, une vilaine cicatrice était apparue sur son épaule gauche, elle qui, avant, était pure de toutes blessures. Sa patte vrillait de douleur lorsqu'elle s'appuyait trop dessus, lui arrachant parfois un grognement de douleur et de colère, elle haïssait vraiment les hommes. Ils méritaient tous la mort, et leurs chiens aussi. D'ailleurs, elle avait vraiment besoin de manger, cela faisait presque trois jours qu'elle n'avait rien mangé et avec cette blessure, ça n'allait pas être une partie de plaisir. Elle allait devoir prendre son mal en patience et attendre de récupérer un peu avant de se nourrir, dure la vie, dur d'être une solitaire.

Après quelques minutes de marche, la louve noire arriva à côté d'une drôle de cabane. Elle la reconnut cependant rapidement, la cabane du chasseur. Mais il y avait-il réellement un chasseur par-ici ? Certes, il y avait des armes, des pièges à loup, des peaux... à faire faire des cauchemars mais elle n'avait jamais vu d'homme ici. En même temps elle préférait ne pas traîner dans le coin à cause des pièges mais là, elle allait peut-être trouver une boîte de conserve, du pain, de la viande... n'importe quoi. Yû s'approcha avec beaucoup de discrétion de la cabane, observant avec attention avant d'entrer dans l'habitacle, poussant la porte du nez. Il n'y avait personne, juste ces têtes d'animaux empaillés sur les murs, ces outils, ces armes, ces peaux...brr.

La petite louve noire boitilla jusqu'à la table en reniflant l'unique pièce, balayant l'endroit du regard de ses yeux sombres. Elle repéra enfin sur la table une petite miche de pain, ce n'était pas grand chose mais c'était mieux que rien ! Elle posa ses pattes avant sur le banc en bois et poussa avec difficulté, sentant la douleur rugir dans son épaule gauche, elle grogna et parvint enfin à se hisser sur le banc. D'un autre bond, elle atterrit sur la table, sa queue fit tomber un gobelet en métal qui fit un bruit pas possible en chutant sur le bois. Yû attrapa la miche de pain entre ses crocs puis redescendit de la table, repartant vers la sortie.

Cependant, le vent lui apporta une odeur, heureusement c'était celle d'un loup. Son cœur avait manqué un battement, elle avait eu peur qu'un bipède ne l'ai entendu. Elle sortit donc et repéra un loup, proche, un mâle.

« Faîtes attention aux pièges. »

Étrangement, sa blessure semblait la rendre plus amicale.

« Connais ton ennemi et connais-toi toi-même, même avec cent guerres à soutenir, cent fois tu seras victorieux. »

On ne le répètera jamais assez. La connaissance est un pouvoir parfois bien trop sous-estimé.

Ce jour-là, Reaven s’était mis en tête d’en apprendre plus sur les humains. On en savait que trop peu sur ces étranges bipèdes, si ce n’est qu’ils étaient la cause de la destruction du monde et qu’ils étaient un grand danger pour les loups, qu’ils prenaient plaisir à chasser, avec leurs fusils bruyants et leurs pièges discrets, tout cela pour n’en utiliser que la peau et laisser des cadavres derrière eux, muscles à vif, prêts à être mangés par les charognards. Pourquoi ne consommaient-ils même pas leur chair ? C’était du gaspillage, une mort inutile.

Reaven voulait en apprendre plus sur eux, essayer de comprendre comment ils fonctionnaient. Non pas pour élaborer des méthodes de combat contre eux, Reaven était un pacifiste convaincu, mais plutôt pour apprendre comment contrer leurs attaques et comment se dissimuler d’eux. Ainsi s’était-il lancé dans une "tournée" des lieux humains. A commencer par la Cabane du Chasseur.

Il s’y était rendu avec en tête l’objectif d’en apprendre plus sur les pièges que les hommes utilisaient, peut-être apprendre comment les désamorcer, voire même en rapporter à la meute. C’était dangereux, certes, comme toute intrusion en territoire humain, mais le jeu en valait la chandelle, et il serait prudent.

Reaven devait faire très attention à où il posait ses pattes. Le moindre faux pas, et il finirait coincé dans un de ces pièges aux mâchoires d’acier qui entouraient la cabane. Certains d’entre eux présentaient des marques de sang et de rouille. C’est donc qu’ils pouvaient servir plusieurs fois. Reaven se mit en recherche d’un piège déjà déclenché, et un trouva un assez rapidement, qui contenait encore la queue verte d’un lézard qui l’avait abandonnée afin de sauver sa peau. Il en approcha doucement son museau, tentant de percer les mystères du mécanisme.

Tout à coup, un bruit tonitruant se vit entendre, provenant directement de la cabane. Reaven se redressa d’un coup, prêt à fuir si jamais le chasseur se montrait, mais l’air ne lui apportait aucune effluve d’humain, juste celles d’un loup inconnu. Celui-ci, ou plutôt celle-ci car c’était une jeune louve au pelage d’ébène, sortit quelques secondes plus tard de la cabane, boitant, une miche de pain entre les crocs. Reaven devina que c’était une solitaire, visiblement blessée à une de ses pattes, qui risquait de ne pas faire long feu dans son état. Leurs regards se croisèrent.

« Faîtes attention aux pièges. »

Reaven hocha en signe de salut respectueux.

« Merci de votre prévenance, mais ne vous inquiétez pas pour moi. »

Il pointa la blessure de la louve du museau, sincèrement préoccupé.

« Je vois que vous êtes blessée. Je suis guérisseur, peut-être puis-je vous aider ? »

Tu ne t'inquiétais pas pour lui, pas le moins du monde. Comme d'habitude mais bon, tu n'étais pas une garce au point de laisser un loup se faire blesser si facilement. Garce ? En fait cela dépendait de beaucoup de choses, ton caractère était bien spécial, un beau mélange de défauts et de quelques qualités, peu aimait ta présence parfois silencieuse et assez serviable, parfois langue de vipère et aussi mauvaise que le pire des serpents. Étrange, te cerner était bien difficile mais cela t'amusais, énormément. Au fond, tu cherchais surtout ça, t'amuser un peu, te distraire. Finalement, le mâle pointa ta blessure du museau et presque par réflexe, tu déposas ton regard sombre dessus. Cette blessure qui te rappellerais ton premier meurtre, la première fois que tu tuais un humain et cela t'avais paru superbe. Mais tu t'en étais sortis avec un coup de couteau dans l'épaule, au fond, tu remerciais cette louve grise, Kaïs qui avait pu divertir l'humain avant que tu ne plante tes crocs dans sa gorge découverte.

Tu finis par reposer son regard sur le mâle, un guérisseur ? Ah, bien sûr, les meutes avaient des loups qui excellaient dans le domaine des soins, ta propre mère avait été une guérisseuse solitaire mais elle n'avait pas eut le temps de te communiquer son savoir, partie avant. Et, surtout, il te proposais de l'aide. Lui. Un loup de meute voulait aider une solitaire qui, de toute façon ne ferait pas long feu ? Tu le savais que tu ne vivrais pas longtemps, tu ne te faisais pas d'illusions mais c'était bien la première fois qu'on te proposais de l'aide. Enfin, tu pouvais toujours te réjouir de n'avoir aucune maladie, sinon ce serait bien pire, là, tu ferais définitivement une croix sur ta vie de solitude.

─ ... De l'aide ?

Tu plissas légèrement tes yeux noirs, penchant ensuite légèrement ta fine tête sur le côté. Il semblait sincère vu son air intrigué... ou plutôt tracasser. Yû finit par se rapprocher du loup, déposant le morceau de pain dans l'herbe, s'asseyant en face de lui. Elle n'aimait pas accepter de l'aide, par simple fierté débile, cependant, si elle pouvait rallonger un peu son espérance de vie elle ne pouvais refuser.

─ Hé bien... je.. erf.. oui. Si t'es capable de soigner ça, j'accepte.

Elle avait reprit de sa contenance, redressant un peu sa tête pour regarder le guérisseur d'un air fier, certes, elle avait été déstabilisée quelques instants mais elle ne devait pas se laisser aller, ce n'état pas son genre.

La louve était visiblement déstabilisée par son offre, jamais personne n’avait dû lui proposer de l’aide auparavant. La vie de Solitaire était une vie bien différente de la vie en Meute. Plus indépendante, mais autant plus dangereuse. Reaven en avait déjà eu un avant-goût après la disparition de sa Meute et il espérait ne plus jamais devoir faire face à cette vie. Qu’est-ce qui pouvait pousser un loup à abandonner la vie en communauté pour en poursuivre une en solitaire ?

« …De l’aide ? »

La louve noire plissa les yeux. Elle sembla un instant méfiante, ce qui était tout à fait compréhensible. Qu’est-ce qui lui prouvait que Reaven n’était pas là pour profiter d’elle ? Mais elle finit par ne plus douter de sa sincérité et se rapprocha, déposant ea morceau de pain volé dans l’herbe, et s’assit en face du Guérisseur.

« Hé bien... je.. erf.. oui. Si t'es capable de soigner ça, j'accepte. »

La louve se redressa, sûrement avec l’intention de protéger sa fierté. Reaven n’en tint pas compte, du moment que cela ne le gênait pas dans son travail. Il se rapprocha d’elle à son tour et examina la blessure de plus près.

La blessure n’était pas infectée, et elle ne risquait pas de l’être si elle était bien nettoyée tous les jours et qu’aucune saleté ne s’y incrustait. Le seul problème immédiat que la blessure causait était la douleur que la louve pouvait ressentir en s’appuyant sur sa patte, ce qui pouvait être assez handicapant. La meilleure chose à faire était d’envelopper l’épaule dans une toile d’araignée, afin d’empêcher la saleté de s’y immiscer et diminuer la douleur. La toile partirait peu à peu alors que la blessure cicatriserait.

Reaven lança un regard vers la cabane proche. Il était de connaissance commune que les araignées aimaient faire leur toile dans les bâtiments humains.

Il se retourna vers la Solitaire :

« Votre blessure n’est pas infectée, ce qui est un bon signe. Mais j’aurai besoin d’un morceau de toile d’araignée pour envelopper votre épaule afin de diminuer la douleur et les risques d’infection future. »

Son regard se dirigea de nouveau vers la cabane.

« Je ne serai pas long. »

S’approcher de la cabane était, il le savait bien, une entreprise risquée ; mais c’était l’endroit le plus proche où chercher des toiles d’araignées. Il serait prudent, au moindre problème il en sortirait le plus vite possible.
Reaven slaloma entre les pièges et passa le nez dans la cabane.

Le bâtiment était rempli d’outils divers et variés, certains étaient garnis de lames tranchantes, d’autres avaient une tête plate, sculptée dans une sorte de pierre, d’autres encore arboraient d’étranges formes. Reaven remarqua même un de ces "fusils" cracheurs de feu que les hommes utilisaient pour la chasse. La cabane dégageait une odeur singulière, mélange d’humidité, de fer, de bois et de sang de divers animaux, dont du loup.

En toute honnêteté, l’endroit le terrifiait et les poils de son dos s’hérissaient alors qu’il entrait lentement dans la cabane, ses griffes cliquetant sur le sol en bois. Il ne lui fallut pas aller bien loin pour trouver ce qu’il cherchait : il trouva deux toiles bien fournies accrochées aux pieds d’une table. Le Guérisseur les emporta toutes les deux, comptant en rapporter une à sa Meute, et quitta rapidement la cabane.

L’air frais de l’extérieur lui fit le plus grand bien. Il se détendit et se rapprocha de la louve blessée, qui était restée en place.

« Me revoici, avec de quoi enrober votre blessure. Pourriez-vous lever votre patte afin que j’aie plus de facilité ? »