La louve semblait lui accorder un certain intérêt, ce que le jeune loup appréciait plus que tout au monde : être au cœur de l’attention le transportait d’allégresse, la plupart du temps, et il aimait à ce qu’on le considère pour ce qu’il était : un louveteau hors-normes.

« Ohh, eh, c’est bon. Fais pas le chiot. » Aussi, le ton détaché, presque désintéressée de la louve ivoire à son égard le choqua quelque peu. Comment pouvait-elle s’intéresser physiquement à lui, et montrer aussi peu d’attrait pour sa personne avec des paroles si méprisantes ? Oui, ces paroles reflétaient un certain mépris à son égard. Chiot ? Voilà bien longtemps qu’il n’en était plus un ! « C’est pas comme si j’allais te bouffer. », ajouta-t-elle très sérieusement. Pandémonium la regarda fixement, l’air un peu ahuri. Evidemment, qu’elle n’allait pas le bouffer, il n’était pas stupide ! De toute façon, elle avait plutôt l’air pacifique, même si son odeur déplaisait fortement au jeune loup, allez savoir pourquoi.
« C’est juste que tu me rappelles quelqu’un. Mais si tu veux, j’étais solitaire jusqu’à très récemment, cela fait longtemps que je n’ai pas vu de jeunes. » Nous y voilà, les bonnes vieilles excuses qu’on sort une fois qu’on a peur de se faire attaquer ! Non, il ne lui rappelait personne, il le savait. Et pourquoi le savait-il ? Parce qu’il était exceptionnel, voilà pourquoi ! Personne ne pouvait lui ressembler sur cette terre, pas même sa propre mère ! Dieu merci, d’ailleurs, songea-t-il avec un sourire moqueur.

« J’avoue que je n’ai pas l’habitude des histoires de meute, de fait ça ne me choque pas tellement. Mais je vous pensais plus unis que ça, j’avoue… Cela dit, la situation est si grave que ça ? Pour que tu veuilles t’en aller tout seul… t’as pas l’air d’apprécier ta famille tant que ça, si ? »
Au fur et à mesure que la louve parle, le jeune loup connaît différentes émotions. Tout d’abord, la surprise. Cette infamie ne la choquait pas !? Mais quelle honte ! N’importe quel abruti serait choqué d’entendre pareille histoire ! Et elle se devait de l’être – ou au moins faire semblant – en tant que membre à part entière des Navniks ! Quoi que, elle ne se serait sûrement pas rebellé, comme tous les autres d’ailleurs… Ensuite, il eut un soupir insolent. La situation, grave ? Non, pensez-vous ! Les Navniks détruits, gouvernés par des traîtres inconnus, des ennemis qui plus est ! Et l’on se demande encore si la situation est grave !?
Passons ensuite au sarcasme le plus total, lorsqu’elle lui demande soudain s’il « apprécie » sa famille. Un rire moqueur s’échappe entre ses petits crocs pointus. Apprécier sa famille ? Quelle famille ? Celle qui l’a abandonné, ou bien celle qui s’est volatilisée ? Il s’assoit, le port de tête haut et fier. Il sait combien les adultes sont réceptifs au pauvre petit louveteau abandonné par sa mère dès le plus jeune âge. Il sait comment s’attirer leur compassion et leur attention. Mais cette fois, il veut que son histoire ne choque pas, il veut montrer à quel point son histoire l’a renforcé, l’a endurci. Il veut montrer à cette louve qu’il a survécu, malgré tout, en se battant chaque jour. Il veut lui montrer qu’il n’est pas un chiot comme les autres, qu’il est une machine de guerre, une mauvaise herbe qui repousse toujours.

« Je n'ai pas de famille. Allégeance Immortelle - devrais-je dire ma mère ? - m'a abandonné lorsque j'étais tout petit, et c'est le plus beau service qu'elle m'ait jamais rendu. », avance-t-il d'un ton dur et froid. Il veut la convaincre.
« Quant à mon père... », légère hésitation, gorge qui se crispe. Non. Reprise des moyens perdus, remise en route. « Il a disparu il y a peu, ce qui a causé ce chaos politique au sein des Navniks. »

HRP:

Il a bien vu qu’il avait perdu son attention en cours de route. L’expression de la louve blanche s’est subitement transformée. Qu’a-t-il dit de si incroyable pour que son visage se ferme si brutalement ? Il n’en a encore aucune idée. Et puis soudain, ça sembla la submerger. Ses yeux étincelèrent de rage, et le jeune loup pu apercevoir ses mâchoires se crisper avec violence. Elle lui fit presque peur, sur le coup. Il se retint de reculer d’un pas : allait-elle l’attaquer ? Les autres ont des réactions si imprévisibles et si incroyables, parfois… On n’est jamais trop prudent. Mais au lieu de lui sauter dessus tous crocs dehors, la louve se contenta de lâcher quelques mots.
« Alors comme ça, t’étais pas mort. » Les yeux du louvard s’écarquillent de stupeur. Bah non… Pas à sa connaissance, non. Etait-elle tombée sur la tête, soudain ? Un de ses neurones avait du disjoncter…
« … Je vais la tuer. » De mieux en mieux. Bon, au moins ce n’était pas lui qu’elle désirait tuer – à moins qu’elle ne se soit pas rendue compte qu’il était un mâle ? – ce qui le réconfortait un peu. Mais que s’était-il bien produit pour qu’elle s’énerve aussi violemment, sans raison apparente ? Mystère.

Elle se leva, allant marcher un peu plus loin. Enfin, elle piétinait plus qu’elle ne marchait, mais Pandémonium se garda bien de le lui faire remarquer. En fait, il commençait à douter sérieusement de sa santé mentale. Lorsqu’elle se tourna à nouveau vers lui, ce fut pour lui lancer ces quelques phrases sans queue ni tête.
« C’est bien gamin, c’est bien. Vu comme tu t’en es sorti, tu réussiras ton coup peu importe ce que tu choisis. Tu vas devenir une sacrée bête plus tard. » Bien que le compliment le touchasse, Pandémonium ne fut pas certain de comprendre où elle voulait en venir. Cependant, il ne put retenir le mouvement de son poitrail qui se gonflait de fierté. C’était vrai, qu’il s’en était bien sorti quand même. Et tout seul, en plus ! Il n’avait eu besoin de l’aide de personne. Il avait prouvé qu’il était plus fort et plus malin que le commun des mortels. Et cela, la louve blanche avait su le voir.

« Blizzard Immortel. C’est ça mon nom, au fait. Heureuse de te revoir. » De te revoir ? Les yeux du jeune loup se plissèrent. Un détail lui échappait, visiblement. Immortel. Comme Manîthil ? Quelques pièces du puzzle s’assemblaient difficilement dans son crâne. Cette louve avait un lien avec sa mère, mais lequel ? Allez savoir. Et pourquoi toute cette colère subite ? Pourquoi le croyait-elle mort ? Il plongea son regard gris dans celui de Blizzard Immortel qui, curieusement, possédait les mêmes iris que les siennes et que celles de sa mère.

« Je suis pas sûr de tout comprendre, là. T'as quelque chose à voir avec Manîthil ? », avance-t-il d'un ton inquisiteur.
Et puis, au risque de la vexer : « Pis j'me souviens pas de t'avoir déjà vue quelque part. »