Un petit tour et puis s'en va

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La louve descendit pour aller voir si la roue n’avait blessé personne. Elle observa un mouvement de recul lorsqu’elle vit la figure menaçante du Chasseur Sekmet. Athos plissa les yeux car la louve était encore loin. Cette robe blanche, cette démarche... Rêvait-il ? La louve qu’il voyait approcher lui rappelait tout bonnement celle qu’il n’avait pas pu supporter, celle qui avait semé la zizanie partout où elle allait, celle qui lui avait volé sa soeur et son meilleur ami en les enrôlant dans sa meute. C’était Atom qu’Athos voyait dévaler doucement la pente, pour venir à la rencontre du Sekmet.

Il faillit le faire. Il faillit crier de rage et lui sauter à la gorge. Mais il n’en fit rien... juste à temps. C’était la démarche de la louve qui l’avait alerté d’abord. Ce n’était pas du tout la même que celle d’Atom : plus légère et saccadée à la fois, plus frivole et plus jeune. La louve qui descendait avait à peine le même âge que le jeune Sekmet, et ne pouvait en aucun cas être Atom. Lorsqu’elle s’approcha doucement, d’un pas hésitant, il fut certain que ce n’était pas elle. Ses crocs reprirent leur place naturelle mais ses muscles demeurèrent tendus. C’était tout de même une Navnik. Elle s’était aperçu de la rage soudaine qui était venue en lui, et avait crié, de là où elle était, qu’elle ne cherchait pas querelle, entre autres.

La loup sourit lorsqu’elle prononça ces mots. « Nos meutes ne font pas tout ». Non, mais nos meutes, c’est notre reflet, c’est la famille que nous choisissons pour nous même. Elles nous correspondent et font de nous ce que nous sommes. Telle était la conviction du jeune chasseur. Mais il savait néanmoins qu’il y avait une part de vérité dans ce qu’elle disait. Il haïssait certains membres des Sekmets presqu’autant qu’il haïssait les Navniks. Alors d’un certain sens, il y avait autre chose dans ce « tout », que la meute.

La tension légèrement dissipée, Athos détendit ses muscles. Il ne la réduirait pas en miettes. Du moins pas encore. Elle avait raison, il devait voir comment elle était, si elle était comme tous ces traîtres et lâches qui composaient sa meute. Après tout, sa propre soeur était bien Navnik... Même si cela était si dur pour lui de l’admettre. Il devait lui laisser une chance.
Le grand loup changea alors peu à peu de regard vis-à-vis de la jeune louve qui n’était maintenant qu’à une dizaine de mètres et qui attendait de voir la réaction du Sekmet. Il ne la regarda plus comme une vermine à exterminer, il essaya de la regarder comme une femelle. Comme tous les Sekmets le savaient, Athos était depuis toujours un grand séducteur et amateur des plaisirs de la chair. Il était coureur de jupons et avait fleurté au moins une fois avec toutes les belles louves du clan et en dehors, mais seulement les belles. Il n’aimait que le bon cru. Son regard de mâle dans le plus bel âge regarda brièvement la femelle. Il pouvait le nier, elle était très belle. Sa robe blanche immaculé était très soyeuse et soignée, ses formes en parfaite harmonie ondulaient gracieusement jusqu’au bout de sa queue qui balayait doucement l’air, telle une plume. Elle était jeune, peut être légèrement plus jeune que lui de quelques mois. Il se dit que, peut être, elle n’avait pas encore eu le cerveau pourri par ces mécréants de Navnik. En fait, il aurait trouvé n’importe quel prétexte pour expliquer le fait qu’elle soit ainsi, car les Navnik n’étaient que des pourceaux pour lui. Et ne pouvaient en aucun cas être aussi gracieux. Il garda son expression ferme néanmoins. Pourrait-il oublier ce qu’elle était pendant un petit instant ? Il allait essayer...

Le grand loup plongea son regard bleu-corbeau dans celui de la louve blanche. Il tenta de voir la moindre étincelle qui aurait pu le faire douter. Mais il n’en vit rien. Alors, il détendit ses muscles et lâcha d’une voix assurée, masculine et mordante :

« Cela dépend du point de vue. Qui es tu ? »

Il attendit qu’elle dise son nom avant de dire le sien. Sait-on jamais...

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Il regarda un instant la louve, dubitatif. Anya... Un ancien louveteau Sekmet qui avait bien grandi. Il avait déjà vu cette petite fourrure blanche se balader autour de l’avion. Il se souvient des noms qui avaient rapidement fait le tour de la meute, les enfants de la renégate qui ne l’était pas encore, à cette époque. Le loup planta ses griffes dans le sol et sembla s’y accrocher comme pour s’empêcher de bondir et de briser la nuque à la jeune louve blanche. Il y arriverait, sans aucun doute. Il avait sûrement plus d’entraînement, plus d’expérience, et il était plus massif. Et cela ferait une de moins à combattre dans la guerre à venir. La rage montait en lui, il voulait tuer Atom.

Soudain, son sang se glaça dans ses veines à ses propres paroles intérieures. Il ferma quelques centièmes secondes les paupières. Puis les rouvrit durement en plongeant son regard noir corbeau dans ceux de la jeune louve blanche qui se trouvait en face d’elle. Elle ressemblait à s’y méprendre à sa mère, mais en plus svelte, plus douce, plus jeune. Athos voulait tuer Atom. Mais à l’évidence, Anya n’était pas sa mère. Comment Athos pourrait prôner la justice et la loi alors qu’il attribuait lui-même les crimes d’une mère à son enfant.

« Je vois. »

Ce fut la seule chose qui sortit de sa bouche. Puis, un rire sortit de sa gorge.

« Enchanté. »

Sa voix était débarrassée d’amertume.Il ne réfléchissait plus à comment réagir face à elle. Il laissa couler, voyant se qui allait se passer, et faisant tout son possible pour oublier l’amertume laissé par Atom. Son regard glissa sur la louve, de son museau à sa queue et il ressentit un frisson qu’il connaissait bien. Mais pour la première fois, il ne savait comment l’interprêter.

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Il la regarde, perplexe. Elle se tient droite, un affront permanent qui se dresse devant lui, une provocation certaine dans le regard, un caractère farouche. Mais au fond, dans ce regard perturbé et arrogant, se dissimule tant d’amertume et de sombre tristesse. Elle a le regard de ceux qui ont été jugés toute leur vie pour ce qu’ils n’avaient pas fait, de ceux qui tiennent sur leurs fines épaules toutes la misère, la honte et la haine d’une seule famille. Elle supporte le regard de ceux qui haïssent, endurent, respectent ou craignent les siens. Elle supporte la vie de sa mère comme si c’était la sienne. Une chose qu’Athos ne pouvait pas comprendre. De sa vie, il n’avait jamais supporté le poids d’une quelconque famille. Les siens étaient morts, et il tenait de la distance avec sa propre meute, même après son élection au range de Général. Il avait supporté son propre poids sur ses épaules, sa propre réputation de jeune arrogant, incapable de se soumettre aux ordres jusqu’à ce qu’il prenne tant de distance qu’il ne dorme même plus avec les siens. Finalement, il en venait à cette conclusion : il ne pouvait pas la juger, elle pour les crimes de sa mère. Non pas parce qu’elle n’avait rien avoir avec eux, mais parce qu’il n’en connaissait pas le poids qui pesait sur ses épaules et qui devait être bien assez lourd comme ça, pour qu’elle soit devenue si dure et si rude. Comme lui. A l’inverse que lui ne portait que sa propre histoire. Mais elle avait forgé sa âme, son coeur, ce qu’il était. Sa vie.

Elle lui avait parlé d’une manière tout à fait singulière, comme si elle comptait cacher tout intérêt vis-à-vis de lui, mais qu’en même temps elle cherchait à en savoir plus. Il se montra froid et impassible, comme à son habitude. Mais il ne montra aucune haine comme celle qu’il réservait aux Navniks. Il avait l’impression de comprendre cette louve et de ne pas la cerner en même temps. Il ne savait ni comment la prendre ni comment l’appréhender. Et il était évidemment trop distant pour dire qu’il avait compris, cette fois. Qu’il avait compris face à qui il se trouvait. Il se trouvait face à Anya. C’était tout, et il le réalisait maintenant, non pas sans difficulté.

Il devait l’avouer, lui non plus n’était pas indifférent à cette louve. Il la troublait, elle était un mystère à elle seule. Quand il pensait avoir levé le voile sur le genre de femme qu’elle était, il retombait et se rendait compte qu’il ne savait rien, et c’en était presque frustrant. Mais, après tout, elle non plus ne savait rien. Peut-être... Peut-être qu’il aurait été intéressant d’en savoir plus. Qui sait ?

Le grand loup brun se laissa aller à sa nature curieuse et ne se braqua pas à la question de l’étrangère.

« Athos. Je suis Athos. »

Puis, il lança avec un sourire ironique :

« Je viens faire des ménages ça se voit pas ? »

A la fois distant et mordant, il n’était pourtant ni agressif ni désagréable, et il en fut le premier surpris. « Oh ! Et puis on verra bien hein... » se dit-il. Il dirait ce qu’il pense, comme à son habitude. Il n’était ni faux ni hypocrite, il ne s’était jamais caché de quelque haine ou mécontentement que ce soit. Il était ainsi. Droit, sincère, honnête, et surtout, sans détour.

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Athos lança un sourire arrogant, mordant et séducteur à la fois.

« J’étais le rigolo, avant de devenir ce que je suis. Depuis, ils s’écrasent tous. »

Ceci n’était absolument pas faux. Il avait été moqué, à son arrivée chez les Sekmet. A plus de 7 mois, il était déjà rempli d’ambition, voulait être le conquérant de la terre entière, plus fort que toute une meute réunie. Il voulait être celui qui battrait n’importe quel Alpha et n’importe quel bras droit. Il était l’insoumis. Il ne voulait se conformer à aucune règle, il avait été jusqu’à mordre un loup, il ne savait plus vraiment lequel, qui lui avait donné un ordre qui allait contre les principes du louvard de l’époque. Il avait été puni pour ses désobéissances, mais jamais soumis. Les plus anciens l’avaient moqué, mais d’autres commençaient peu à peu à le respecter. Car ses ambitions devenaient réalités. Il s’était entraîné nuit et jour, il ne dormait plus avec la meute, dans l’avion, dans le compartiment attenant à la nourriture. Il dormait seul, où il voulait, et le plus souvent dans le cockpit, là où il avait élu domicile. Les jeunes de sa génération le connaissaient tous pour ce qu’il était. Un être sans peur, qui pouvait défier n’importe qui, mais qui n’était plus puni, du fait de son influence grandissante et de son dévouement à son Alpha. D’ailleurs, ce n’était pas vraiment du dévouement, plus un profond respect. Peut-être était-ce mieux, peut-être pas, mais c’était comme cela.

Il avait cloué le bec aux derniers qui le dénigraient, lui, le louvard venu d’on ne sait où, l’insoumis qui, il s’en souvient, les anciens l’avaient dit « ne servirait en rien et devait être remis à la nature ». Ils auraient voulu laisser le louvard, la bouche inutile, livré à lui même, sans formation ni entraînement, sans même vraiment savoir comme chasser. Mais les protestations s’étaient tues par la nomination à haute voix devant tout le clan. « Deux nouveaux Généraux /.../ Athos. ». Il avait été aussi stupéfait que tous ces vieux, sur le moment. Puis son autorité avait grandi, et les réticents n’avaient pas eu d’autre choix que de s’écraser.

Le loup se souvint de ce savoureux moment non sans un frisson d’extase. Puis, son regard dévorant revient à la jeune louve blanche.

« Et toi, tu es la jeune effarouchée des Navniks ? ».

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Elle le provoquait du regard aussi bien qu’elle semblait l’en dévorer. Elle riait de bon coeur, on aurait dit qu’elle n’avait jamais autant ri. Et c’était sincère, il en fut surpris. Les Navnkis n’étaient pas réputé pour une quelque sensibilité que ce soit, même du rire.

Il lui lança un regard provoquant à son tour. Puis un sourire amusé et presque sarcastique, illança

« Une espionne, que c’est étonnant ! Je ne m’en serai pas douté, ou presque ».

Un sourire sarcastique inonda son visage, sans pour autant être méchant, plutôt « Joueur ».

« Pas comme prévu... Trop impulsive ? Etonnant encore ahah. »

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