Le bosquet tortueux dégageait une ambiance sinistre. De loin en loin, les cimes calcinées des arbres morts n'étaient plus que les fantômes de ce que cet endroit avait été autrefois. Un souvenir. Désormais, plus rien ne poussait sur le sol, et au fil du temps, la végétation semblait s’être appauvrie encore d'avantage. Véga n'était pas venue ici depuis longtemps. Elle s'aventurait rarement sur les terres des meutes, et ce point de passage n'était pas celui qu'elle privilégiait lorsqu'elle passait par le territoire Esobek. Il était pourtant le chemin le plus rapide pour atteindre sa prochaine destination, et elle n'avait pas l'intention de s'attarder d'avantage par ici.

Il faisait frais pour la saison et aucun vent ne faisait bruisser les branches rachitiques des arbres. Un silence oppressant régnait dans l’atmosphère. Véga s'était levée aux aurores pour faire le chemin qui lui restait à parcourir au plus vite. Elle avait dormi dans ce même bosquet toute la nuit, et le silence commençait à devenir pesant. Depuis qu’elle était ici, elle n'avait croisé personne hormis un oiseau qui s'était envolé à son approche.

Agacée par ce silence interminable, Véga s’était finalement mise à chantonner une mélodie dont elle avait oublié les paroles. C’était un faible son dont le refrain était toujours le même, mais au moins, elle se sentait plus a l'aise.

Fiche réalisée par @Joy

Hormis celles des arbre et de la suie, il y avait peu d'odeurs différentes dans les parages. Elles étaient assez puissantes pour camoufler l'odeur du mâle qui la suivait depuis quelques temps, mais la louve le repéra dès que ce dernier s'approcha de trop près. Il sortit d'un bosquet, son pelage se confondant avec la couleur de la végétation. C’était un grand loup à la carrure solide. Il la dépassait même de plusieurs centimètres. Elle l'observa calmement se rapprocher, appréciant de rencontrer l'un de ses congénères même si lui risquait de ne pas appréhender sa présence de la même façon.

- Que nous vaut l'honneur d'une présence inconnue ? Fit t-il.

Il ne semblait pas être une brute épaisse, c’était une bonne chose, mais mieux valait rester prudente. Véga se laissa encercler sans montrer le moindre signe d’agressivité. Ses cercles ne la dérangeaient pas, il était dans ses droits, du moment qu'il ne s'en prenait pas à elle.

- Je ne suis qu’une simple mercenaire, répondit t-elle en souriant, je crains que ma présence ne vous apporte pas le moindre honneur. Elle redressa ses oreilles, suivant le mâle du regard. Mon nom est Véga, ravie de vous rencontrer.

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-Dans ce cas, si tu n'apportes rien à ce territoire et à cette meute, qui ne sont pas tiens, qu'est ce qui te permet de les fouler ?

Elle perçut une once d'orgueil dans le ton de sa voix, mais rien n'indiquait chez lui une quelconque agressivité. Comme tout garde qu’il était, voir une solitaire vagabonder sur ses terres ne lui plaisait pas. Véga était habituée à ce type de réactions. Il attendait seulement d'elle des réponses plus claires, et elle le comprenait. Le grand mâle se rapprocha, stoppant ses cercles de rapace pour venir se placer face à elle.

- Justement, rétorqua t-elle, j'apporte bien quelque chose à ce territoire, du moment que je peux le fouler. Elle se mit face à son interlocuteur. J'appartiens à un groupe qui pourrait être utile à bon nombre d'entre vous. Elle fit balancer sa queue de droite à gauche. Les mercenaires accomplissent toutes sortes de missions pour leurs clients, qu'il s'agisse d'un seul loup ou de toute une meute comme la votre. En temps de guerre, nous pouvons nous montrer très utiles.

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Le visage du grand mâle se durcit. La réponse qu'elle venait de lui donner n'avait visiblement pas l'air de le satisfaire. Il semblait peu ouvert à la discussion, mais malgré sa froideur, il ne se montrait pas violent pour autant. Il était à juste titre en train de défendre les terres de sa meute. Véga respectait cette attitude, mais elle se parait tout de même à l'éventualité ou il l'attaquerait, auquel cas elle n'aurait d'autre choix que de riposter.

Sans décrocher un mot, le mâle se rapprocha d'elle, la frôlant de l'épaule.

- Vous les mercenaires, vous vous rabattez juste à satisfaire les missions que les meutes ne veulent accomplirent de peur de se salir les pattes, alors, pourquoi rejoindre un mouvement pareil ?

Véga s'éloigna du mâle brun, plantant ses yeux verts dans les siens. La vision qu'il avait des mercenaires était bien celle d'un loup n'ayant jamais rien connu d'autre que la vie en meute. Elle n'allait pas débattre sur le sujet mais seulement briser le stéréotype qu'il se faisait d'elle.

- Mon statut de mercenaire ne veut pas dire que j'accepte de faire tout et n'importe quoi, répondit t-elle. Les missions que j'accepte ne servent qu'a assurer ma survie.

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Il sembla se calmer et reprit une posture plus décontractée. Véga avait du mal à saisir ce qu'il attendait réellement d'elle, mais elle crut comprendre que le grand mâle ne voulait pas seulement savoir ce qu'elle faisait sur ses terres, mais aussi nourrir sa curiosité au sujet des Mercenaires. Ses questions avaient beau avoir une allure d’interrogatoire, il essayait tout de même de comprendre ce qu'elle expliquait sans se borner à sa première impression, et c'était une chose qu'elle appréciait.

- Et qu'est ce qui garantie la loyauté d'une mercenaire ?
Poursuivit t-il en se remettant à tracer ses cercles de vautour. Véga le suivit du regard.

- Rien, fit t-elle. Il fallait être franche, rien ne pouvait garantir l’honnêteté de l'un des leur, mais mieux valait l'être au moins envers ses clients si l'on voulait avoir des contrats. La réputation de leur groupe était en jeu.

Ses oreilles se dressèrent. Je pense que certains de mes "camarades" ne sont pas très loyaux de nature, mais ils ont tout intérêt à l'être lorsqu'ils accomplissent une mission. Quel intérêt y aurait t-il à être un mercenaire qui ne fait pas son travail correctement ? Elle sourit.
- Pour ma part, je suis loyale envers mes clients et ma famille, c'est tout.

La encore, elle était franche. Pour avoir sa loyauté, il n'y avait que ces deux options. Même envers les mercenaires, elle savait que sa loyauté n'était pas garantie à toutes épreuves. Elle l'avait déjà dit, jamais elle n'accepterait jamais de faire tout et n'importe quoi.

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Véga prit un instant pour observer la posture du grand mâle. Tout son corps paraissait crispé, comme si quelque chose le troublait. Elle avait souvent rencontré de l'agressivité chez les loups de meute, mais rarement une attitude telle que la sienne. Il n'était pas foncièrement idiot ou brutal, mais il semblait très perturbé par sa présence. Ce n'était qu'une solitaire pourtant. Pourquoi ne se contentait t-il pas de la chasser, si sa présence le dérangeait à ce point ?

Il ne répondit pas aux dernières paroles qu'elle avait avancée, semblant se renfrogner en se stoppant face à elle, prenant une position de dominance tout en retroussant légèrement ses babines. Véga recula doucement, intriguée par son comportement, mais tout aussi troublée que lui par la tension qu'il avait installé. Réagissait t-il ainsi car il ne croyait pas ce qu'elle disait ? La prenait t-il réellement pour une mercenaire sans foi ni loi ? Elle avait pourtant usé de franchise, chose qu'il aurait du remarquer.

Ses oreilles se dressèrent sur le devant de son crâne. Elle redressa son port, scrutant le grand mâle les yeux dans les yeux.

- Que voulez vous, au juste ? Lança t-elle.

Elle commençait à perdre patience. Il était peut être temps qu'elle continue son chemin, car à choisir entre supporter les saut-d'humeur de cet Esobek ou continuer d'endurer le silence de ce bosquet, elle pensait déjà avoir sa petite préférence.

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Le grand mâle ne répondit pas tout de suite à la question. Son air sévère se métamorphosa peu à peu en une légère confusion et il se mit à se dandiner de droite à gauche. Véga l'observa en silence, son regard rivé sur lui. Il avait l'air un peu plus troublé qu'a l'ordinaire, depuis qu'elle lui avait posé cette question. Elle commençait à se demander si il en connaissait lui même la réponse.

Au bout de quelques instants, le loup finit par se ressaisir, reprenant son air dur tout en étirant son cou dans la direction de Véga. Elle sentit son souffle lui effleurer la fourrure, mais malgré cette soudaine proximité qu'il avait avec elle, la louve ne recula pas d'un centimètre.

- Je m'interroge quand à ta présence ici à vrai dire. Déclara t-il. Mais je t'avoue que quelque chose chez toi me perturbe.

Elle ne put s’empêcher de sourire. L'interrogation du loup Esobek quand à sa présence n'avait rien d'anormal, mais c'était bien la première fois qu'on l'accusait d'avoir quelque chose de "perturbant". Certaines louves auraient pu être vexées par la remarque mais elle ne l'était pas. Après tout, il avait été franc. Décidément, ce mâle commençait à l'intriguer.

- Et qu'est-ce qui te perturbe tellement, chez moi ? Fit t-elle en fouettant l'air du bout de la queue. Elle était curieuse de le savoir.

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Cette fois-ci, elle n'obtint aucune réponse de la part du grand mâle. Celui-ci resta muet, puis, dans une impulsion soudaine, se jeta dans sa direction. Elle eut à peine le temps d'entamer le début d'une esquive qu'elle se retrouva brutalement plaquée au sol, tout le poids de son assaillant s'appuyant contre son corps. Surprise, Véga lâcha un profond grognement. Le choc avait été violent et il ne l'avait pas ménagée, mais elle était tombée de sorte à ce qu'elle ne soit pas blessé ou écrasé par quoi que se soit à terre. Le loup avait été trop imprévisible pour qu'elle puisse contrer son attaque et elle se retrouvait desormais en proie à son emprise.

- Maintenant je veux savoir ce que tu fais ici, et pas de blagues. Lui lança t-il.

La louve le dévisagea avec froideur, plantant ses yeux verts dans les siens. Pourquoi se sentait t-il obligé de la malmener ainsi ? Elle commençait à croire que tout ne tournait pas rond chez lui. Elle n'avait proféré aucune menace à son égard, ni à celui de sa meute. Elle n'avait pas non plus l'odeur d'une louve ennemie. La prenait t-il pour une espionne ? Pour une tueuse ? S'imaginait t-il vraiment qu'elle représentait un danger ?

Véga se retint de répliquer tant bien que mal. Elle avait terriblement envie de le repousser aussi violemment qu'il l'avait plaquée à terre, d’attraper sa gorge entre ses crocs puis d'y mordre jusqu’à ce que son sang en jaillisse, mais il fallait qu'elle se calme. Cela n'arrangerait pas les choses au contraire, et elle n'était pas en position de force. Elle avait des muscles en réserve, ça oui, mais le fait était qu'il en avait lui aussi. Dans tous les cas, sa meute pouvait lui venir en aide même si elle parvenait à le mettre en déroute, alors qu'elle demeurerait seule. La louve relâcha lentement son souffle, tachant de faire fi de la pression qui l'écrasait. Ses idées devaient être claires.

- Je n'ai aucune raison de blaguer, répliqua t-elle, je suis une mercenaire, comme je te l'ai déjà dit. Ses crocs se resserrèrent. Tu me prends pour une menteuse, c'est ça ...? Ses oreilles se plaquèrent en arrière. Tous les solitaires ne sont pas animés de mauvaises intentions, malgré tout ce qu'on à pu te raconter. Tu veux vraiment savoir ce que je fais ici ? Au fond, je cherche moins à trouver des clients qu'a avoir de la compagnie, mais je pense que d'autres rencontres dans ton genre pourraient m'en faire passer l'envie.

Elle n'aimait pas beaucoup raconter ça à n'importe qui, c'était une chose qu'elle voulait garder pour elle, mais il la mettait dos au mur. En réalité, elle était surtout venue sur ces terres pour faire d’une pierre deux coups : trouver de nouveaux clients tout en faisant de nouvelles rencontres. En revanche, elle ne s'attendait pas à des rencontre comme celle-ci, et elle s'en serait bien passée.

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Bien que l'entrave du mâle était devenue moins écrasante que lorsqu'il l'avait plaquée au sol, Véga sentait qu'elle commençait à perdre patience. Elle tachait de garder son sang froid malgré ce qu'il était en train de lui faire subir, mais en son for intérieur, elle bouillonnait de lui faire payer cette humiliation. Elle détestait se retrouver coincée de la sorte, et encore moins comme une vulgaire proie. Elle n'avait pourtant pas le choix : il fallait qu'elle attende jusqu'à ce qu'il la relâche de lui même. Si elle l'attaquait, il ne lui laisserait plus l'opportunité de s'expliquer.

Les babines de l'Esobek se retroussèrent sur la gauche, découvrant une canine profondément fissurée. Véga se demanda ce qui avait bien pu l’ébrécher. Si toute sa dentition était dans le même état, elle n'avait pas grand chose à craindre de lui. Son geôlier la sortit brusquement de ses pensées.

- Qu'est ce qui te fait dire que nus avons besoin de mercenaires ?Fit t-il. Et pourquoi devrais-je te croire ? Je veux dire, qu'est ce qui m'empêche de te tuer là maintenant ?

Elle garda ses yeux rivés dans ceux du mâle brun. A l’intérieur de ses pupilles brunes, elle pouvait voir son propre reflet, une image d'elle, bloquée en dessous du corps de l'Esobek. La mine toujours aussi dure, celui-ci continuait de la maintenir au sol avec l'air de ne plus vraiment savoir ce qu'il était en train de faire. Sa gestuelle, le ton de sa voix, tout indiquait qu'il était en proie à une grande confusion, et sans qu'elle ne puisse l'expliquer, il semblait lui en vouloir personnellement.

C'était sans doute la première fois qu'il rencontrait une solitaire sur les terres de sa meute. Était-ce une situation si étrange et dérangeante pour lui ? A le voir, on avait presque l'impression qu'il était en train de retenir un monstre. Ainsi, il avait en tête de la tuer ? Si il s'imaginait qu'elle allait se laisser faire bien sagement, il était encore plus à coté de la plaque qu'elle le pensait. Dans les faits, absolument rien ne l’empêchait de la tuer là maintenant, mais il n'avait pas l'air d'un meurtrier et Véga savait qu'il ne voulait pas vraiment sa mort. Il semblait prendre personnellement le fait qu'elle soit venue dans leur meute en particulier. Croyait-il qu'elle les prenait pour des faibles ? Son orgueil avait peut être été touché par cette idée. Véga reprit calmement.

- Je n'ai pas dit que vous aviez particulièrement besoin de mercenaires, mais peut être qu'un membre de ta meute aurait pu faire appel à nos services... On ne sait jamais qui peut avoir besoin de nous. Je suis venue ici comme j'aurais pu venir ailleurs, ça n'a absolument rien à voir avec vos compétences !
Son regard se durcit. Elle voulait tellement lui ouvrir les yeux.

- Tu crois vraiment que je mérite de mourir pour ça ? Parce que je suis venue sur vos terre ? Elle secoua lentement la tête. Je n'ai rien pour te prouver mon honnêté, c'est vrai. Tu ne peux te fier qu'en ma parole, mais réfléchis... Est-ce vraiment une raison pour me tuer ? Un grognement agacé finit par s'échapper de sa gueule. Cette situation l’exaspérait. Elle n'en pouvait plus d'être plaquée au sol de la sorte ! Elle souffla, reprenant plus haut :

- Tu es en train de me menacer de mort pour la simple raison que "quelque chose chez moi te perturbe" ! Je comprend que tu veuilles protéger les tiens et c'est tout à ton honneur, mais si tu veux le faire correctement, apprends d'abord à différencier un danger de ce qui ne l'est pas !

Elle avait peut être été un peu trop loin pour lui, mais au moins, elle lui avait dit ce qu'elle avait sur le cœur. Quelque inconnu que l'ont soit, on ne tue pas quelqu'un sans raison.

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