Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Une grosse lune ronde flottait très haut dans une toison noire et sans étoiles. Son éclat blanc donnait un aspect blafard à tout ce qui entourait Djall et projetait par endroit de minces ombres. La fourrure argentée de la Navnik scintillait comme la surface de l’eau sous un peu de lumière. La louve se trouvait assise et immobile tel une pierre grise au centre d’une clairière de poussière et d’herbe jaune. Quelques jeunes arbres maigrichons entouraient l’endroit en se dressant vers le ciel obscur. La guerrière patientait là depuis maintenant de longues minutes. Avec le départ du mal alpha récent, les choses risquaient de changer chez les Navniks. Toutes ces histoires de hiérarchies donnaient une migraine permanente à Djall qui préférait se réfugier dans la seule chose qui lui paraissait encore concrète. L’entraînement. Durant la journée qui avait pris fin il y a de cela plusieurs heures, la femelle avait croisé une louve qui avait rejoins la meute depuis peu. Une certaine, Rajaa. Sans arrières pensées malsaines, Djall lui avait proposé de s’entraîner avec elle et de la rejoindre quand l’astre nocturne serait à son zénith. A présent, elle attendait sa camarade.
Quelques heures auparavant, une louve du nom de Djall avait proposé un entraînement. Alors, ça allait permettre à Cendres du Sphinx de faire d'une pierre deux coups. S'entraîner, et apprendre à connaître les loups de sa nouvelle meute. C'était bon ça. Très bon même. Elle s'élança dans la direction du lieu de rendez-vous, puisque la lune était à son zénith. Avec la perte d'Isha, l'Alpha mâle des Navniks, que la louve noire connaissait personnellement, d'ailleurs, la meute n'était pas à son fort. En tout cas, Rajaa préférait ne pas trop y penser. Toutes ces histoires avaient de quoi la paumer. Elle arriva au lieu de rendez-vous avec un peu de retard. Mais ça, ce n'était pas vraiment nouveau. Djall était déjà présente, et Cendres du Sphinx s'approcha d'elle et s'excusa :
-Désolée du retard. Tu as une idée pour commencer ?
Djall sentit Rajaa bien avant de la voir. L'odeur de cette autre louve commençait à lui être familière et s'imprégnait déjà de celle de la meute. Bientôt, ce serait une Navnik reconnue. Décelant d'où provenait ce parfum reconnaissable, la femelle grise se tourna vers le buisson d'où émergea Rajaa quelques minutes plus tard.
« - Désolé du retard, lança la nouvelle arrivante en s'avançant dans la clairière, tu as une idée pour commencer ? - Mettons-nous dans le bain tout de suite, un combat ? »
La guerrière à la fourrure argentée se secoua les puces et détailla son adversaire d'un œil expert. Une femelle au pelage noir et aux reflets parfois gris parfois roux. Plutôt petite par rapport à Djall et relativement chétive mais tout en muscles. Une rapide à première vue. Ca promettait d'être intéressant. La Navnik couleur ardoise planta ses griffes dans le sol d'herbe et de poussière pour s'élancer plus facilement. Des fourmillements atroces lui taquinaient les membres et, n'y tenant plus, la louve se jeta sur Rajaa qui s'était trop approchée. Profitant de son poids considérablement plus important et de sa force supérieure, Djall bouscula la noiraude pour la déséquilibrer et la cloua au sol en saisissant délicatement une oreille poilue entre ses mâchoires.
- Mettons-nous dans le bain tout de suite, un combat ? proposa la louve grise.
Un léger hochement de tête de la part de Cendres du Sphinx suffit. Et déjà, Djall lui fonçait dessus, la percutait, la faisait tomber à la renverse, et attrapait une des oreilles de la noire dans sa gueule. Mais Rajaa n'allait pas se laisser faire aussi facilement. Elle plaqua ses pattes sous le ventre de la louve ardoise, et, d'un puissant coup de patte, la fit reculer. Une petite pensée de remerciement envers Ebène, et elle se relevait. Elle fonça droit devant elle, en plein sur le poitrail de la louve, et, comme à son habitude, pivota au dernier moment, et comme son père lui avait appris, glissa sous l'estomac de Djall, lui faucha les pattes arrières et remonta d'un coup. La louve culbuta cul par dessus tête, et la louve noire se remit en position de combat.