« Défi lancé par Palladium. »
Jauges : F9 / A7 / E4
La journée avait été épuisante. Trop peut-être même. Chasse, recherche, danger et difficultés. Mais maintenant, Noire voulait prendre le temps de se reposer. Tranquillement. Alors avec un mouvement las, elle s'étala dans sa tanière, fatiguée, et ferma les yeux pour tenter de s'endormir. Paisiblement.
Malheureusement pour elle, ce fut plus difficile qu'elle ne le pensait. A peine eut-elle fermé ses petites paupières, qu'un bruit terrifiant la ramena à la réalité. Surprise par ce boucan non-prévu, elle se redressa d'un bond, prête à affronter le premier intrus-venu... Avant de réaliser qu'elle ne le pouvait pas. Qu'elle ne le pouvait plus. Elle n'était pas de taille à combattre son adversaire.
C'était une bête poilue, qu'elle connaissait bien. Un raton-laveur. Blanc et noir. Mais contrairement à ses congénères de taille normale, celui-ci était énorme, gigantesque. Et Noire, comparé à lui, n'était qu'une petite poussière ridicule. Aussitôt, sans prendre de risque, elle s'enfuit à toute patte hors de sa tanière, pour s'éloigner du danger.
Mais quelle fut sa surprise lorsqu'elle aperçut le monde extérieur ! Lui aussi était devenu géant. Les fougères et les herbes avaient la taille de plusieurs loups empilés les uns sur les autres, et les ridicules cailloux qu'elle avait l'habitude de remuer avec ses pattes étaient désormais bien plus grands qu'elle. Les yeux écarquillés, elle partit en courant le plus loin possible de ce monde étrange.
Mais plus elle avançait, et plus son esprit s'éclaircissait. Tout était tellement gigantesque, qu'elle comprit que s'était elle qui avait rapetissé. Elle était devenue toute petite, aussi petite que la plus petite des proies, si bien que personne ne risquait de la voir. Ni même de l'entendre. Désespérée à l'idée de ne plus jamais retrouver sa taille normale, et donc de ne plus jamais pouvoir chasser ou courir à toute vitesse, la louve sentit en elle un gros brouillard de pensées noires l'envahir peu à peu. Mais après réflexion, elle parvint à se convaincre du bon côté des choses. Sous ce camouflage, elle pourrait tranquillement aller jeter un oeil sur les territoires des meutes, ou bien encore se cacher et épier d'autres loups... Mais elle risquait aussi de se faire écraser comme une vulgaire fourmi. Il fallait qu'elle fasse attention.
Elle se décida donc à partir vers le territoire d'une des meutes, pour voir un peu comme ils fonctionnaient tous là-bas. Elle marcha à travers les herbes gigantesques, faisant des efforts énormes pour pousser un petit caillou qui lui barrait la route, ou une herbe tombée par terre, alors qu'en temps normal, un simple coup de patte aurait réglé le problème.
Elle poursuivit une longue route au milieu des plantes, mais alors qu'elle cavalait depuis de très longues minutes, elle entendit un bruit étrange. On aurait dit un orage, du tonnerre. Inquiète, elle tenta de s'enfuir pour se réfugier sous une racine, ou dans un endroit du même genre, mais il était trop tard. Une bête gigantesque surgit tout près d'elle, sans même la remarquer, et ses pattes puissantes manquèrent de l'écrabouiller. Noire poussa un cri d'horreur, et partit en courant se réfugier plus loin, même si en vérité, elle n'avançait pas bien vite. Mais la créature continua sa route, abandonnant derrière elle la minuscule femelle noire.
La louve marcha, encore et encore, faisant très attention de ne pas se faire écrasée par telle ou telle bête, et elle arriva tout à coup dans un endroit étrange. Ses pattes s'enfonçaient dans le sol, qui était d'une couleur très claire. On aurait dit... Un ensemble de petites pierres. Minuscules. Encore plus petites qu'elle. Effrayée à l'idée de rester dans la végétation gigantesque, la louve décida d'avancer dans cette drôle étendue claire. Elle s'y enfonçait presque jusqu'au poitrail. C'était étrange comme sensation. Mais elle continua, encore et encore, car Noire n'abandonnait jamais. Même en mesurant quelques centimètres.
Mais tout d'un coup, un bruit horrible lui rappela le lieu où elle se trouvait. La Mer. La Plage Blanche. Terrifiée, elle voulut retourner en arrière, mais il était trop tard. Le vent soufflait, et les vagues montaient haut. Elle voulut retourner en arrière, mais ne trouvait plus son chemin. Elle voulut partir vers la droite, mais des barbelés lui barraient la route. De même sur la gauche. Elle aurait put passer en dessous, et c'est ce qu'elle voulut faire, mais une vague puissante la happa soudainement, l'emportant dans la mer dans un cri d'horreur. Elle allait se noyer. Et personne n'allait l'aider, puisque personne ne la verrait, ni l'entendrait. Terrifiée, elle sentait l'eau s'engouffrer dans ses oreilles, dans sa gueule, gonfler son pelage noir et l'alourdir, si bien qu'elle se sentit couler, tandis qu'autour d'elle, les vagues et le vent hurlaient en concert. C'était la fin de sa petite existence....
Mais tout à coup, elle ouvrit les yeux. Haletante, apeurée. Elle n'était plus dans l'eau. Le monde ne lui paraissait plus gigantesque. Elle était dans sa tanière, sans raton-laveur.
Elle s'était endormie, tout simplement, et avait rêvé.
Qu'elle idiote se dit-elle, elle s'était laissée emporter par ses songes. Le coeur encore battant, elle se promit de ne plus jamais emmerder les fourmis ou les petites bêtes qui ne lui servaient pas à se nourrir. Ce rêve, bien qu'idiot et effrayant, lui aurait au moins -peut-être- servit de leçon ?