Le rouge complet. Athos cligna des yeux, essaya de comprendre ce qui lui arrivait mais il était trop tard. Il était perdu dans sa folie, il était loin de comprendre ce qui lui arrivait, loin d’imaginer que la forme qui se trouvait devant lui était sa propre sœur. Une telle chose ne lui était jamais arrivée. Il sentit la bourrasque glacée lui gifler le visage. Mais il ne broncha pas. Il ne bougeait plus. Les griffes profondément enfoncées dans le sol, il était tel un pantin dont on allait tirer les fils. Un frisson le parcourut. Un fil avait été tiré. Malgré lui, il avança doucement, la tête légèrement baissée et les yeux rivées sur sa nouvelle proie, sur la forme qu’il pouvait à peine distinguer. Il n’essaya pas, d’ailleurs, de savoir face à quoi il se trouvait. Le grand loup brun écoutait simplement chaque parcelle de son corps, chaque muscle, chaque veine qui palpitait si fort qu’il crut que sa tête allait exploser. Et ses yeux. Ses yeux brûlaient plus fort que le feu et la lave sur la peau. Ses yeux l’embrouillaient, ses yeux le rendaient fou. Il pensait brûler de l’intérieur. Mais, à sa grand surprise, ce n’était pas douloureux. Il se sentait vivre par impulsions simultanées, il se sentait vivre par chaque fibre de son corps sans pour autant se sentir lui-même, sans pour autant être sûr qu’il s’agissait là de lui, sans pour autant savoir si c’était lui qui contrôlait ce corps ou non. Il se sentait à la fois intérieur et extérieur à ce corps. Il se sentait déchiré et entier.
D’un coup sec, il releva la tête, un sourire aux lèvres. La chose difforme devant lui avait prononcé des paroles qui résonnaient comme un défi à ses oreilles. Une bagarre, une guerre. Si ses yeux le trahissaient, son odorat était également perturbé, mais totalement fiable. Il ne remarqua pas l’odeur de la louve, non pas parce qu’il en était incapable, mais parce qu’il avait oublié ce qu’elle représentait. Mais son odorat ne le trahit pas. Il parvint à déceler que c’était une louve devant lui. Cela aurait pu être un élément déclencheur pour calmer ses pulsions, mais au contraire, elles n’en furent que plus fortes. Car la louve devant lui était une Navniks, les ennemis des Sekmet. Ses pattes tremblèrent d’excitation. Il aurait voulu égorger cette pourriture d’Atom lui-même. Il aurait voulu tous les tuer. Tous. Le loup se prépara à l’attaque.

Le grand loup vit la louve qui allait lui sautait dessus. Un grand sourire aux lèvres, il se prépara à la pousser. Mais la rage avait embrouillé son esprit et il ne s’attendit pas à ce qu’elle évite le corps à corps et glisse à terre pour lui faucher les pattes. Le grand loup roula à terre et se releva, les yeux injectés de sang. Il grogna férocement et se jeta sur sa soeur. Il roulèrent ensemble dans la poussière et Athos la plaqua au sol. Dans un grognement sourd, il leva la patte pour lui asséner un coup au visage.

Soudain, il se sentit bondir en arrière, avant même de frapper Rajaa. Le grand loup brun secoua la tête, il entendit un bruit sourd, des bourdonnements d’abeilles dans sa tête qui lui brûlaient le cerveau. Soudain, la brume rouge se dissipa. Il écarquilla les yeux, ne comprenant pas ce qui venait de lui arriver. Il avait déjà senti cela, à la chasse, mais jamais à une telle intensité... Il leva les yeux vers sa soeur, le regard perplexe mais dur et froid.

« Je pense qu’il faut arrêter. »

Il lui tourna le dos, allait partir, et glissa un presque muet :

« Je suis désolé »