Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Depuis la pâleur grise de l'aube j'avance, sans savoir ou je vais te trouver, je ne me rends pas compte du temps qui passe, c'est comme un arrêt sur image à chaque pas que je pose sur ce sol poussiéreux. Un effet figé dans le temps sans que je comprenne quoi que ce soit, sans pouvoir me rendre compte de mes erreurs. De tout ce que j'ai pu rater sans m'en apercevoir. Être aveugle est-une chose mais ne pas voir ce que nous faisons nous-mêmes à chaque moment de notre vie est quelque chose de plutôt surprenant, d’inquiétant. Je ne suis qu'un morceau du décor, vidé de toute émotion. Je ferme les yeux doucement bercé par le son du vent sur les branches mortes des arbres décorant ce lieu sombre dans lequel je me retrouve. Le village des hommes n'est pas loin, leur odeur âcre flotte jusqu’à moi. Mais quelque chose viens briser de ses pleurs la bulle dans laquelle je me suis mise. Je tend les oreilles, pour comprendre d’où viennent ces pleurs incessants, je me retourne vivement, toujours à la recherche de ce petit son maintenant indistinct. C'est comme si cette chose m'appelait, qu'elle me faisait signe de la rejoindre. Cette petite chose m'attire vers elle. Elle a besoin de moi je le sens, comment pourrais-je décrire quelque chose que je ne vois pas mais qui me rend légèrement triste, brisée? C'est comme si je ressentais le désespoir dans cette voix. J’accélère le pas avec pour seul guide, mon cœur, comme un lien, il me relit à ces pleurs. Ceux-ci s'accentuent doucement, ce n'est plus loin, je le sens au plus profond de moi. Soudainement, ils se retrouvèrent justes en face de moi, et l'odeur me fit vaciller. Un homme. Ou plutôt, vu la diffusion, un enfant, non une enfant ! Elle est là, toujours les larmes aux yeux, tout ce que je peux ressentir est un immense puits de peur. Elle est perdue. Je m'approche plus doucement pour lui toucher le front d'un geste maternel. Elle relève la tête pour me dévisager, je sens l'incompréhension prendre place de la peur. Sans que je ne fasse le moindre mouvement, elle attrape de ses deux grandes pattes mon cou, plongeant son visage dans ma fourrure sale. Je reste figée, je ne bronche pas, même mon cœur semble s’arrêter. Je n'ai pas peur, je n'ai pas mal, au contraire je me sens étrangement bien alors qu'un homme me serre dans ses bras. Lentement je m'allonge contre le sol, la petite semble suivre mon mouvement, je la laisse là, elle ne va pas me faire du mal, j'essaye de la rassurer. Tendrement je lui lèche le visage comme une mère avec son petit. Puis pose ma queue sur son dos, je la sens s'allonger contre mon ventre, je pose ma tête contre le sol, mais quelque chose m'inquiète grandement, il faut la ramener au village, mais comment les hommes me regarderont-ils ? N’essayeront-ils pas de me tuer ? De croire que je viens leur piquer leurs bétails . Hélas je ne vais pas abandonner cette pauvre petite ici, dans ce lieu dangereux, je ne suis aussi méchante que ça. Je pousse la petite du bout du museau lui indiquant du mieux que je peux qu'il fallait se lever. Je me redresse, attrapant ce que je croyais être ses poils pour l'entrainer à ma suite. Je sens sa petite main attraper une touffe de poils et on partit, j'essayais de me diriger du mieux que je pouvais. Me guidant des peux de sens qu'il me restait. Un bruissement sourd me sortit de ma concentration, quelqu'un approchais, des pas d'hommes, oui j'y suis arrivée, je les entendais crier ce qui semblait être un nom, la petite fille me lâcha pour courir droit vers l'autre homme. Je sentis un lourd regard se posé vers moi, puis des paroles, sans comprendre ce qu'il voulait me dire alors je baisse doucement la tête avant de reprendre mon chemin emplis d'incertitude. Je souris.