Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Il était là, le cimetière. Je me trouvais face à lui. Je ne savais pas pourquoi j'étais venue ici. Mais mon intuition m'avait guidée jusque là. Il me semblait que je devais venir ici. Je ne savais pas pourquoi. Mais je savais que je devais l'écouter. Souvent, mon intuition était fondée. De toute façon, je n'avais que ça à faire. Je n'arrivais à rien à la chasse, ma patte cassée prévenait toujours les proies que j'essayais de traquer. Les camps des Hommes étaient partis, et je ne pouvait aller chercher des proies chez eux maintenant. J'ai voulu aller voir dans leur village, mais un Homme me surveillait tous les jours. Il ne se déplaçait jamais en revanche. Il devait surveiller son camp. Mais la dernière fois que j'y étais allée, il m'avait traquée avec ses deux chiens. Et puis, sans que je ne sache pourquoi, l'un des deux bâtards avait disparut. Il ne restait plus que le plus gros et le plus rapide des deux. Heureusement, je m'étais dirigée vers mon terrier. J'étais bien moins grosse que lui, et l'entrée était faite pour mon gabarit. Cela me permet de moins craindre une éventuelle pénétration dans mon chez-moi. Je ne tiens pas à ce qu'un loup vienne voler mon peu de nourriture. D'autant plus que je n'ai toujours pas trouvé de guérisseur. Et donc que je ne suis toujours pas soignée... Enfin, et donc je me trouvais ici, dans le cimetière. Il n'y avait personne, tout était silencieux. J'avançais entre les tombes, observant les noms qui s'y trouvaient. Je ne comprenais rien à la langue humaine, alors je détournais vite mon regard ailleurs. Il n'y avait vraiment personne dans tout le cimetière. Et, alors que je marchais toujours en claudiquant, je vis l'immense statue allongée qui se tenait devant moi. Elle représentait une humaine ailé, à l'air divin. Je me souviens encore de son regard mystérieux. C'est à ce moment précis, alors que je contournais sa tête pour mieux revoir son visage, que ma première rencontre avec elle me revint en mémoire. C'était une froide journée au milieu de l'hiver. J'étais encore jeune à l'époque. Au plus neuf ou dix mois. Peut-être onze en fait... Bref, on s'en fiche. Je venais d'apprendre la mort de ma mère à ma naissance, et j'avais pardonné mon père ce secret qu'il avait trop longtemps gardé pour lui. En cet instant, je ne comprenais pas vraiment ce qu'il avait ressenti pour me cacher la triste vérité, mais je savais de quoi il en retournait. Ce sentiment, il me l'avait décrit. Cet être aimé que l'on perd, le grand vide qu'il nous laisse. Il me l'avait dit. Et, après, lorsque mon père avait disparu, je savais exactement ce qu'il en était; je ressentais la même chose. Mais à cette époque, je ne le savais pas exactement. Enfin bref. Donc je reprend. J'étais allée dans la forêt, et, sans m'en rendre compte, j'étais allée jusqu'au cimetière. C'était la deuxième fois que je l'avais vu. Mais, ce jour là, je me posais beaucoup de questions. J'étais un peu perdue. Je voulais savoir qui était ma mère, tout en sachant très bien que je ne pourrais jamais le savoir. Je savais qu'elle était morte. Je voulais aussi savoir beaucoup d'autres choses. Ma tête était tourmentée, mais vous dire toutes les questions sans réponses qui l'avait hantée reviendrait à vous l'expliquer pendant plusieurs jours. Enfin, j’exagère là... Enfin, mes pas m'avaient emmenée seuls jusqu'au cimetière. Et, tout en me posant beaucoup de questions, je marchais entre les tombes. C'est en arrivant vers le centre du cimetière, que l'un des souvenirs qui avait hanté mes cauchemars pendant de longs mois me revint en mémoire. Ce souvenirs, il s'était passé ici-même. Le jour où un loup m'avait attaquée, alors que j'étais à peine âgée de trois mois. À peine, si ce n'est pas moins. Enfin dans les horizons de mes trois mois, quoi. Donc, le gros loup qui m'avait justement prise pour un en-cas. Ce que je n'étais absolument pas. C'est alors que mon père était arrivé, et l'avait abattu de sang-froid après s'être battu un moment. Mais, vu que je connaissais l'effet de mes souvenirs, je m'étais sauvée. D'habitude, lorsque je revoyais un souvenir, c'est qu'un événement similaire allait se produire. En quelque sorte une vision du futur, avec les événement du passé. Sauf qu'il y avait un problème. Je m'étais aventurée trop loin. Je n'avais pas saisi tout de suite mon erreur, mas alors que je courrais, je me suis retrouvée devant cette statue. Je ne l'avais jamais vue. En même temps, c'est normal puisque c'était seulement la seconde fois que j'étais venue ici, et la première je n'étais pas restée longtemps. Enfin, la statue était encore debout à l'époque. Majestueuse, fière et droite, elle était gigantesque et elle avait encore toute sa splendeur passée. Oui, certaines des créations humaine sont belles, je l'avoue. Après m'avoir surprise, elle me fit l'effet inverse. Je l'observais avec beaucoup d'attention. Elle me fascinait. Son regard mystérieux me donnait des frissons. Rien de mal, juste de excitation. J'aurais pu l'observer pendant des heures, mais les Hommes ne m'en laissèrent pas le temps. J'ai dû rester un moment à côté d'elle à l'observer. C'est alors qu'un grondement se fit entendre. À l'époque, j'ignorais ce qu'était la guerre. Mais je l'ai vite compris. Pour moi à cette époque, les Hommes n'étaient qu'un mythe raconté par mon père. Je ne les avaient jamais rencontrés, fort heureusement pour moi. Donc, ce rugissement provenant de ma droite me fit sursauter, tellement j'étais fascinée par l'étrange beauté de la statue. Il n'était pas très loin ce long bruit menaçant, à quelques kilomètres en vrai, mais pour moi il semblait être à dix mètres. J'étais terrifiée par ce que je venais d'entendre. Et, tellement que j'en oublias presque de respirer. Mais je n'avais pas bougé d'un millimètre. D'un autre point, on aurait sûrement pu me prendre pour une statue. Je fixais l'horizon, de là où le rugissement semblait provenir. Mais je ne voyais rien venir. Je m'étais alors levée, lentement. Et, tout aussi lentement, les yeux toujours fixés au loin, je m'étais éloignée de la statue. Mais ce que je redoutais arriva. Des Hommes en uniforme, que je voyais pour la première fois étaient sortis des fourrés en hurlant des ordres entre eux. Je ne comprenais par leur langue, mais ils passèrent devant moi sans me remarquer. Ou alors, s'ils m'avaient vue, ils se gardèrent bien de me tuer. Ils cherchaient à s'éloigner du rugissement, et alors qu'ils disparaissaient entre les tombes, je le compris. Aussitôt, je reprenait ma marche, mais plus vivement cette fois. Mais je n'eus pas le temps de sortir du cimetière. Un BOOM assourdissant venait d'éclater derrière moi. La puissance du souffle de l'explosion me projeta au loin, mais je fus vite arrêtée par une tombe. Le souffle coupé, les yeux exorbités par la terreur, je me relevais difficilement. Et, alors que je venais de lever les yeux au ciel, un deuxième choc me propulsa sur le côté, et je reçu quelque chose dans le ventre. Peu après, un deuxième BOOM éclata. Mais ce n'était pas une explosion cette fois. Je sentis des crocs se refermer sur ma nuque, et me remettre sur mes pattes. J'observais le nouveau-venu qui venait de me sauver et reconnus mon père. Derrière lui, à l'endroit où je me tenais avant qu'il ne me rentre dedans, la statue s'était effondrée. En voyant l'humaine ailée complètement fissurée et couverte de terre et dont le bas était complètement explosé, je compris que mon père venait de me sauver encore une fois. Ensuite, on était rentrés à la tanière sans un mot. Mais en rentrant, j'éclatais en sanglots, réalisant tout ce qui s'était passé. Mon père me consola, disant que ce n'était pas grave, que le principal était que j'étais encore en vie, et finalement mes pleurs s’atténuèrent. Je le remerciais pour m'avoir encore sauvée, et lui demandais ce qu'il l'avait averti de tout ça. Il me répondit qu'il était parti chasser non loin du cimetière, et qu'il avait entendu l'explosion, la première. Il avait alors décidé de faire demi-tour, mais en chemin, il avait senti mon odeur et m'avait rejointe. Lorsqu'il m'avait aperçue m'écraser contre la tombe, il s'était dépêché de me rejoindre. Ensuite, lorsque je m'étais relevée, il avait accéléré pour m'empêcher de finir écrasée. Et maintenant, depuis tout ce temps, la statue n'a pas bougé, toujours allongée par terre, et malgré les quelques problèmes dont elle a amèrement subi les conséquences, elle est toujours majestueuse. Certes beaucoup qu'avant, mais quand même un peu. Je repris mon chemin, tout en redoutant ce qui allait ensuite se passer. Je savais que rester ici n'était pas très prudent, étant donné le souvenirs que je venais de revoir. Mais, avec une patte cassée, courir n'est pas non plus la chose la moins dangereuse. Au contraire même. Je ne tiens pas à empirer le résultat. Déjà que je n'ai trouvé personne pour me soigner, mais si en plus il a encore plus de boulot parce que j'ai décidé de courir, il va m'assassiner. Enfin... De toute façon, je n'ai aucune envie de courir. Et pour l'instant aucune raison non plus. Et puis, comme je le craignais, une explosion retentit dans mon dos. Je me retournais en sursaut, mais elle ne paraissait pas être très près. Je scrutais l'horizon, cherchant le moindre indice qui pourrait trahir la présence d'un Homme ou d'autre chose. Mais rien, absolument rien, alors je repris ma route aux aguets. Une deuxième explosion, encore plus loin résonna. Et puis, des cris, des ordres, et enfin, des Hommes. Je me cachais derrière une tombe, et les vis qui s'éloignaient de l'autre côté. Lorsqu'ils eurent disparu, je voulu reprendre mon chemin mais des ordres, cette fois dans une autre langue, m'en empêcha. Je me tapis derrière la tombe, et vis un autre groupe d'Hommes qui passaient en courant, leurs bâtons à feu dans les mains. Ils semblaient êtres les ennemis des précédents, avec leurs écharpes autours des bras rouge, les autres étant bleus. Après tout, je m'en fichait. Les Hommes se débrouillent entre eux de leurs problèmes. S'ils ont des comptes à régler, qu'ils le fassent ensemble en nous foutant la paix. Mais ils ne savent pas vraiment la signification de "foutre la paix", visiblement. Enfin, moi je dis ça, je dis rien...