F.11 | A. 14 | E. 9
- Citation :
- Lors d'une de tes chasses, un éboulement te tombe dessus. Tu te retrouve coincé. Comment va-tu faire pour sortir de là ? il te faudrait pousser un des rochers pour te faufiler. Tu devra faire 800mots minimum.
Dieu seul savait pourquoi le louveteau s’était de nouveau aventuré dans ces souterrains qu’il haïssait désormais. Il y avait pourtant vu le jour – c’était un bien grand mot – et y avait grandit, les premiers mois de sa vie. Jamais il n’aurait pu imaginer qu’un monde extérieur si merveilleux que celui qu’il avait découvert puisse exister pour de vrai. Il se souvenait encore des premiers rayons de soleil sur sa fourrure, et des premiers parfums qui s’étaient offerts à ses narines juvéniles. Des souvenirs qui resteraient à jamais gravés dans sa mémoire.
Alors pourquoi diable était-il retourné dans les profondeurs de la terre ? Lui-même ne savait pas trop. Ses pas enfantins étaient retournés d’eux-mêmes en ces lieux qu’il connaissait par cœur. Chaque recoin, chaque salle lui étaient familiers. Mais pas un soupçon de nostalgie ne l’avait effleuré. Non, décidément non, le monde était bien trop beau dehors. Il pataugea péniblement dans une flaque visqueuse et puante. Les égouts ne lui avaient décidément pas manqué… L’eau s’infiltrait entre ses coussinets, sensation qu’il exécrait particulièrement.
Soudain, il su pourquoi il était ici, dans ce trou noir et puant.
L’odeur familière d’un mulot venait de chatouiller son museau.
Autrefois, il réussissait plus ou moins à chasser dans les boyaux sombres et étroits. A la surface, c’était chose quasi-impossible. Il suivit donc avec intérêt la piste du petit rongeur : c’était là l’occasion de renouer avec la chasse en bonne et due forme.
Le louveteau avance, la truffe au ras du sol. Il est persuadé d’avoir flairé cette piste prometteuse, mais n’en trouve toujours pas son auteur. Il fouine, à droite, à gauche, regardant dans les crevasses, inspectant avec minutie le moindre trou. Rien. Il ne rêve cependant pas, la piste du mulot est toujours là, à lui chatouiller les narines, le narguant de toute sa force ! Il approche du but, il le sent. Et en effet, il ne tarde pas à apercevoir le rongeur, blotti contre un mur, occupé à faire sa toilette.
Dernière toilette, petit animal, songe le jeune loup ironiquement. Il s’approche lentement, avant de s’élancer. Au même instant, le mulot bondit et une course-poursuite s’engage. Pandémonium connaît bien les souterrains, et à chaque fois que le rongeur tente de s’échapper dans un trou, le jeune loup est plus rapide et lui en empêche l’accès. La course est longue, elle semble infinie : le louveteau fatigue, et il a l’impression qu’il ne rattrapera jamais ce fichu rongeur. Ils courent tant et si bien qu’ils finissent par arriver dans une partie des égouts que le louveteau ne connaît pas. Il se laisse déstabiliser par ce lieu inconnu, levant la tête de temps à autre pour tenter de reconnaître quelque chose. Le mulot finit par s’échapper, et le louveteau est bredouille, victime de son manque de concentration.
Un soupir s’échappe de sa gueule entr’ouverte. Quelle stupidité. Il s’engage dans un petit tunnel perpendiculaire à celui qu’il vient d’emprunter : son instinct lui dicte que la sortie est par là. Il s’aventure donc dans ce conduit étroit. Quelque chose ne va pas. Un léger frisson agite le sol sous ses pattes fluettes, et son cœur se met à battre un peu plus vite. Un sale pressentiment étreint subitement sa conscience. Fuir. Pourquoi fuir, il n’en sait rien, mais il lui faut fuir, et vite. Il fait donc volte-face, n’écoutant que son instinct, et commence à galoper vers l’endroit où il est entré. Mais le frisson devient tremblement, et le tremblement se métamorphose rapidement en un vacarme assourdissant. Devant lui, le plafond cède et s’écroule, les pierres roulent et s’entrechoquent. Les quatre pattes de Pandémonium freinent et, à nouveau, il fait demi-tour pour galoper dans l’autre sens. Il entend le fracas des pierres derrière lui. Bientôt, celui-ci cesse mais le jeune loup n’arrête pas de courir. Et lorsqu’il touche enfin à ce qui semble être une sortie, il s’aperçoit qu’il est en réalité bloqué derrière une véritable muraille de rochers entassés les uns sur les autres. La poussière qui retombe encore sur le sol lui montre que l’éboulement est encore tout récent. Il sait qu’il n’a aucune chance de sortir par-derrière : des mètres et des mètres de couloir se sont effondrés et il sera mort avant d’avoir réussi à écarter la moindre roche. Son cerveau cogite à toute vitesse. Comment sortir d’ici ? Il tourne déjà en rond, frustré et paniqué de se trouver ainsi enfermé, emmuré, enterré vivant somme toute. La peur prend place dans son cœur quelques secondes, avant qu’il ne la disperse. Non, il doit y avoir un moyen de sortir d’ici. Il ne mourra pas tout de suite.
Alors, rassemblant ses forces, il commence à pousser du mieux qu’il peut sur le premier caillou venu. Ses pattes postérieures dérapent sur le sol mou et humide, et ses mâchoires se serrent. Ses muscles se tendent, mais rien ne bouge. Alors, il donne des coups d’épaules, de pattes, force par à-coups dans le tas minéral.
Tu finiras bien par céder. Enfin, imperceptiblement, la pierre bouge sur son socle. Elle vacille à peine, mais elle vacille. Le louveteau redouble d’efforts. Il pousse un peu plus. La pierre finit par céder et, dans sa chute, elle entraîne deux autres énormes rochers qui tombent de part et d’autre du louveteau. Il va falloir se montrer plus prudents : un seul de ces colosses sur le crâne, et il pouvait dire adieu à toute forme de vie autre que celle d’une crêpe. Mais une trouée s’est formée dans la muraille. Il s’y faufile, et est à nouveau arrêté par d’autres éboulis. Un petit trou entre les rochers lui permet d’y glisser une patte pour faire traction sur quelques petits cailloux, qui cèdent sans résistance. Le louveteau se faufile à nouveau. A présent, le noir est total, il n’y voit plus rien. Il s’aventure à tâtons, pousse un peu à droite, tire un peu à gauche, tente une percée, échoue puis recommence. Il ne se décourage jamais, et semble infatigable. Il a l’impression, cependant, que sa peine est interminable. Il pousse sur un énorme rocher, puisant dans ses dernières forces. Ses pattes tremblent, et il halète à grand bruit. L’envie de vivre le rend surpuissant, mais ses limites commencent à être dépassées. La pierre tremble à peine sous son impulsion. Alors, désespéré, dans un cri rageur, il se jette contre elle une fois, puis deux, puis trois, puis quatre, sans jamais s’arrêter malgré la douleur qui mord son épaule. Et lorsqu’enfin, dans un grand bruit, le rocher chute, Pandémonium chute avec lui.
En plein souterrain. Hors de cet enfer.