Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Gallya avait décidé de partir se balader aujourd'hui. Les petits dormaient. Sa camarade s'en occupait. C'était une bonne chose. Elle avait envie de pouvoir se dégourdir un peu les pattes. Et, pourquoi pas, ne pas effectuer quelques mouvements que lui avait montré Torka, lors de leurs petits moments en museau à museau, hein ? La louve pourrait lui montrer qu'elle faisait de son mieux pour s'entraîner. Peut-être qu'une nouvelle lueur dans le regard du mâle pourrait s'allumer, suite à ça.
Elle repensait souvent à ce petit lien qui se créait lentement entre Elle et le Prince de sa meute. Elle avait déjà la chance de pouvoir se faire entraîner comme ça par le grand loup sombre, alors qu'elle n'était qu'une simple Nourrice au sein de leur meute à tout deux. Secouant le museau à ces quelques pensées, elle leva le museau vers le ciel. La journée battait son plein. Il devait être environ une moitié d'après-midi passé. Le soleil n'était pas encore prêt à descendre. Et pourtant, la lumière commençait à laisser sa place à quelques endroits autour de la jeune louve.
Un mouvement attira son attention. Quelque chose tournait au dessus de sa tête. Fixant le point sombre, elle remarqua qu'il ne s'agissait que d'un corbeau unique. Un solitaire sans doutes. Celui-ci volait en de petits cercle à une bonne hauteur. Croassant, par moments. Rien de bien étrange, aux yeux de la Blanche. Elle continua simplement son chemin. Se mettant à sauter au dessus de quelques obstacles sur son chemin, comme elle l'apprenait avec Torka.
Le temps passait. Une heure ou deux, sans doutes ? Le soleil descendait à présent. C'était visible. L'après-midi allait bientôt laisser place à la soirée. La lumière à la Pénombre. Et le soleil à la lune. Il était grand temps de rentrer. Faisant demi-tour, la louve senti un courant d'air le loup de son dos. Suivit d'un croassement aiguë proche de ses oreilles. Un corbeau venait de la frôler. Il avait même essayé de lui donner un coup de bec, fallait-il croire.
Se retournant alors, l'angoisse prit rapidement le dessus sur la louve. Ils étaient nombreux dans le ciel. A tourner en rond au dessus d'elle. Tel un balais aérien en mémoire aux morts sur un champ de bataille. Sauf que là, il n'y avait aucun cadavre pour ces charognards ! Il n'y avait qu'elle... Et elle n'était pas morte ! Pourquoi étaient-ils tous ici, hein ?
Elle n'allait pas tarder à le savoir. Les oiseaux piquaient vers elle, les uns après les autres, lâchant des croassements à glacer le sang. Donnant des coups de bec à la pauvre louve qui ne comprenait pas ce qu'il lui arrivait. Elle eu a peine le temps de cacher son museau entre ses pattes avant, que les sales bêtes étaient déjà sur elle. Lui laissant, à chaque passage, des plaies dans le corps. Il n'avait suffit que d'un instant pour que la si sublime fourrure immaculée de la jeune femelle se retrouve tâchettée de sang un peu partout.
Fuir. Vite. Il fallait fuir. Fuir et se défendre. Que dirait Torka, s'il apprenait qu'elle n'avait même pas utilisé ce qu'il lui apprenait ? Secouant la tête, rejetant un peu le sang qui s'écoulait devant ses yeux. Elle se mit à courir afin d'éviter les charognards volants. Se retournant, de temps à temps, afin de pouvoir leur faire face. Se défendre et les destabilisés, avant de repartir au quart de tour comme une furie. Dès lors qu'elle se retournait. Elle envoyait ses pattes vers les oiseaux sombres. Ses griffes déchiraient la chair. Envoyant des plumes voler de-ci, de-là. Tâchant encore plus sa fourrure de sang.
Mais tandis qu'elle se dressait pour en frapper certains. Les autres en profitaient pour lui attaquer le dos, les pattes, le cou... Elle commençait à perdre des forces. Et le sang coulait toujours plus de ses plaies. Et à toujours plus d'endroit le long de son corps. Cette fois. La défense n'était plus de mise. Elle devrait fuir. Oh que oui. Fuir et ne pas s'arrêter !
Jetant alors une dernière fois ses pattes dans la mêlée. Elle fit un bond de l'endroit où elle se trouvait, avant de détaler comme un lapin à travers champ. Ne jetant dès lors plus aucun regard derrière elle. Une seule et unique pensée était à présent grâvée dans son crâne. Fuir. La fuite. Survivre. Echapper à ces oiseaux de malheur.
Quelques uns arrivaient encore, dans sa fuite, à la toucher. Lui offrant de terribles coups de bec. Courant à s'en arracher les poumons. La louve perçut une odeur éventée de renard dans les environs. Qui disait renard, devait sans doutes dire terrier. Prenant alors la direction de cette odeur, elle ne se fit que plus furreur afin de pouvoir arriver le plus vite possible. Ses muscles la mettaient au martyr. Son corps lui brûlait de partout.
Les corbeaux en avaient toujours après elle. Mais, là, cachée derrière ce buisson famélique et à moitié calciné, l'entrée du terrier se faisait voir. Il ne fallut pas deux secondes en plus pour que la louve entre dedans. Et s'écroule dans le fond. Hors d'haleine. Il semblait abandonné et encore en bon état...
Là où elle était, elle pourrait lécher ses plaies. Et bien sûr. Attendre. Attendre que ces maudits piafs partent. Ils ne resteraient pas longtemps. Et s'ils venaient à rester ici longtemps eh bien … Elle en était certaine. Son absence serait visible. Et ses camarades agiraient.
En attendant... Il fallait se reposer. Économiser ses forces... Elle avait échappé à ces détracteurs.