Jauges : 16 // 18 // 24

Je suis là à ne rien foutre, complètement groggy par l'âge de la fainéantise. Affalé dans l'herbe grasse du printemps, je profite d'un temps de silence et de solitude pour méditer sur le sens de la vie. Ou pas. En fait j'ai juste envie de ne rien faire, et c'n'est pas pour ça que j'réfléchis à des choses importantes. Non, je me contente du silence et du vide dans ma tête. Du moins, seulement quelques minutes. Parce que maintenant, j'entends des pas crisser dans les graviers du chemin, et je sens l'odeur d'un intrus. Je me redresse aussitôt, l'air de rien, mais le mâle m'a déjà repéré. Peu importe. Chacun sa vie, après tout. Mais, contre toute attente, voilà le gros lourdaud qui s'approche et me fixe, un sourire carnassier étirant ses babines. Je le détaille avec une certaine curiosité. Comment un être aussi moche peut-il avoir vu le jour ? Probablement a-t-il des parents chiens, pour avoir hérité de gènes d'une telle laideur. Je le laisse venir à moi, gardant une distance de sécurité. Ben oui, téméraire, mais pas suicidaire.

- Dis-moi petit, t'es-tu un jour demandé à quoi ressemblaient tes intestins ?

Il s'approche un peu plus, je m'éloigne d'un pas sans le quitter des yeux.

- Mes intestins ? Non, pas vraiment. Et toi, tu t'es d'jà d'mandé à quoi ressemblaient tes ancêtres ? Parce que vu ta gueule, ils devaient pas avoir grand chose à vanter ...

Ok. Là j'suis suicidaire. Mais les menaces, j'aime pas trop ça. Alors quitte à me faire taper sur la gueule -parce que je me doute que ses intentions ne sont pas de m'épouser- autant que je le mérite un minimum, sinon ce s'rait pas drôle.

Jauges : 16 // 18 // 24

Il baille, comme pour faire preuve de mépris pour mon entité. J'avoue peiner grandement à réprimer un sourire amusé. C'est la première fois que je rencontre un loup adulte aussi grossièrement incapable d'être méprisant.

- Et bien il semblerait que nous avons les même ancêtres.

- "Ayons", mon vieux. "Ayons".

Pauvre de lui, carrément incapable de parler correctement, en plus de n'avoir aucun sens de la répartie. Eh bien, s'il cherche les ennuis avec aussi peu de tact, je sens que je vais vite finir par m'endormir ... Mais pas le temps de tergiverser sur sa stupidité, le mâle bondis sur moi. Et forcément, vu la gueule de mes résultats de chasses ces dernières semaines, je n'ai pas le temps de réagir. Je termine au sol en un rien de temps, mais je me redresse aussitôt pour suivre mon agresseur du regard.

- Quoi que, tu est bien trop laid, trop faible, trop idiot.

Un sourire mesquin étire mes lèvres.

- Oh je vois, t'es l'genre tout dans les pattes et rien dans la tête ? T'en fais pas, j't'en veux pas. On peut pas tout avoir, et c'pas ta faute si t'as rien.

Puis, dans ce sourire prétentieux, je bondis sur mon assaillant. Me faire casser la gueule, oui. Sans réagir, non. Je pince sa peau cuirassée et je griffe son épaule aussi fort que je le peux, attendant les représailles sans lâcher ma prise.

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Pas le temps de discuter davantage. Les crocs de l'animal se referment sur ma peau, la déchirent sans difficulté. A croire qu'il n'a à faire qu'à une simple proie, un misérable lapin sur son chemin. Je gronde, la colère monte en moi. Et surtout, je crois, la frustration d'être aussi faible et de ne pas réussir à progresser plus vite. Je lui calque un violent coup de patte dans le museau, balance mes postérieures dans les airs pour le faire descendre de mon corps. Mes dents rencontrent un os, celui de son antérieure. Je serre de toutes me forces et entends la puissance de mes mâchoires faire crisser l'ossature, mais il me faudrait pouvoir me mouvoir et tordre brutalement son membre pour le lui casser. Je ne peux que mâcher avec hargne pour le blesser et faire couler le sang qu'il m'a déjà pris, m'envoyant une chaleur fulgurante dans la hanche. Je gronde, claque des mâchoires sur son os, balance des coups de postérieures plus brutaux les uns que les autres. Je me libère de son étreinte, pars à quelques pas à toute vitesse. Mais au lieu de reprendre mon souffle, je lui lance un regard plein de mépris et fonds de nouveau sur lui. A la dernière seconde, je me tapis au sol pour éviter la contre attaque, et j'attrape son poitrail entre mes crocs. Je me sers du poids de son propre corps pour le faire passer par-dessus moi et le renverser. Mais je m'suis raté, je visais sa gorge. Encore heureux que je sache improviser. Je n'attends pas pour lui bondir dessus et viser sa jugulaire. Mes crocs s'arrêtent sur sa joue, dont le sens coule sur mes crocs meurtriers.

Jauges : 16 // 18 // 24

Le combat est acharné, et même si je n'ai pas la moindre chance, ça ne m'empêche pas de rouler des muscles et de me fondre corps et âme dans la bataille. Peu m'importe le résultat, je veux donner tout ce que j'ai. Mieux vaut mourir debout que vivre à genoux, n'est-il pas ? Je gronde férocement, j'ignore la douleur comme je l'ai appris durant les mois d'errance, et je continue de lui mordre toutes les parties que je peux attraper entre mes crocs puissants. Il me rend malheureusement mes coups au centuple, si ce n'est plus, et j'ai beau m'acharner comme un beau diable, je vois ma fin arriver. Lorsque ses crocs se referment sur ma jugulaire, je sens la Mort comme s'il était là, physiquement, à m'attendre. Puis il me relâche, je me débats en lui balançant un violent coup de griffe au visage, et il cherche à capturer mon crâne. Par un beau tour de passe-passe, j'échappe à son emprise. Pour me retrouver au sol la seconde d'après, dans un enchaînement de mouvements et dans un enchevêtrement de corps que je n'ai pas le temps d'anticiper ou de comprendre. Sa patte sur ma gorge fait pression, et je crache du sang en m'étouffant dans un gargouillis répugnant.

- Dis-moi une bonne raison de ne pas te tuer.

Je ne peux alors m'empêcher de sourire, de cet air mesquin et provocateur qui m'est si naturel. Et entre deux gargouillis et quelques quintes de toux douloureuses, je parviens à articuler une dernière tirade avant ma très probable si ce n'est inévitable mise à mort.

- Pas d'chance, j'ai plus de raisons d'te pousser à l'faire ...