C'est tel un spectre que je me faufile dans l'ombre. La nuit, tout demeure calme et silencieux. Nulle âme ne traîne ici, personne n'ose s'aventurer dans des terres où leurs pattes ne foulent plus un sol de lumière. Non, je suis seule ici. Ici pour nourrir ma meute.

Je longe les rives du lac pollué lentement, la truffe en l'air, la gueule entre-ouverte pour détecter les odeurs éventuelles. Mais je ne sens rien, rien sauf l'odeur âcre et nauséeuse du lac. L'eau exhale une telle odeur ... Je me renfrogne et m'éloigne du bord de l'étang pour tenter de trouver mieux ailleurs. Je marche lentement, mieux vaut se faire discrète. Mes yeux scrutent les ténèbres, et je ne décèle aucun mouvement.

Tout à coup, une odeur se détache de celle du lac. Elle n'est pas très puissante mais assez importante pour la sentir légèrement. Je fais halte et me concentre sur le fumet. J'inspire par petits coups, et l'odeur semble se faire plus forte à mesure que son porteur s'approche. Un cerf. Je reste sur mes gardes, ma dernière confrontation avec un cerf s'était plutôt ... Mal passée. Je pivote sur moi-même et je le vois. Il passe au petit trot. Je reste à l'observer quelques instants, avant de finalement me lancer. Je démarre en pleine vitesse et dérape presque dans la poussière. Mais le cervidé se fait plus rapide. Il se cabre à ma vue et commence à galoper. Poussée par l'adrénaline, je le prends en chasse et cours à toutes jambes. Il ne tarde pas à me distance. J'essaie d'accélérer mais l'animal est si paniqué qu'il fait de même. Après quelques minutes de chasse, j'estime que l'écart qui s'est creusé entre nous deux s'est fait trop grand et je décélère. Ça aurait été une belle prise, mais il était trop endurant.

Je repars en chasse, reprenant mon souffle lentement. J'hésite à retourner vers le lac, duquel je me suis plutôt éloignée. Car, en effet, si j'ai trouvé un cerf plus loin, il y en a peut-être d'autres. Qui n'attendent que ma venue. Après un moment d'hésitation je décide finalement de m'éloigner vers là où le cerf s'est enfui. Je marche lentement, sans prendre d'attention particulière, sereine. J'inspire l'air fréquemment tout de même mais à part la trace éventée du cerf qui vient à peine de s'enfuir, je ne détecte rien du tout. Et évidemment, comme à chaque fois que je fais quelque chose de tel, mon esprit s'égare. Je pense aux autres, restés au camp. Peut-être qu'il y a des loups qui se lamentent sur ce que les hommes ont fait. Moi, je l'ai déjà fait et ça ne va pas me gâcher la vie pour toujours. Peut-être que d'autres discutent stratégie pour l'assaut contre la Horde ? Je me suis déjà proposée pour aider le groupe qui délivrera Reaven et l'Alpha Sekmet. D'autres sont peut-être de sortie, tout comme moi. Chassent-ils ? Combattent-ils un intrus ? Observent-ils les étoiles ? Soudain, une odeur me ramène à la réalité. Un cerf, à nouveau. J'ignore s'il s'agit du même que tout à l'heure, mais s'il est aussi essoufflé que je l'étais à l'instant, ce serait bon signe. Je marche un peu à l'aveuglette et bientôt je sens son odeur s'amplifier. Il n'est pas loin ! Je continue d'avancer et je le vois débouler fièrement. Ce n'est pas le même que j'ai pris en chasse. Celui-ci est bien plus jeune, plus grand de quelques centimètres seulement qu'un loup pleinement adulte. Il est bien plus grand que moi, cependant. Il n'est qu'à quelques longueurs de moi quand il m'aperçoit. Il est trop tard. Il n'a pas eu le temps de faire demi-tour. Il essaye, mais n'y parvient pas. Je bondis sur lui d'instinct et atterrit sur son dos. Il se cabre et brame longuement. Je me cramponne en lui enfonçant mes crocs dans sa chair. Je ne peux viser la nuque, je me suis postée plus bas sur son dos. Il hurle et décrit un puissant geste qui me fait tomber à terre. Je percute le sol et j'en ai presque le souffle coupé. Je me relève durement, une oreille baissée. La chute a été violente ... Mais je m'y tiens. Le cerf est quasiment vaincu ! Je repars à la charge. Il essaie de me frapper de ses sabots, mais je l'esquive par petits bonds. Un moment néanmoins, il parvient à me frapper au flanc, mais il s'épuise, et son coup n'est pas très douloureux. Une fois proche de lui, je bondis à nouveau. Mais je vise la nuque cette fois-ci. J'y parviens. Mes crocs lui attrapent le col et je ne lâche plus. Je me tiens uniquement par la force de mes mâchoires, suspendue dans le vide. Il commence à s'épuiser, essayant de lutter. Il tombe bientôt à terre et je bondis. Je contemple mon énorme prise, pas peu fière. C'est une des plus grandes que j'ai jamais chassée. Et ces bêtes-là sont de plus en plus rare ces temps-ci, j'ai du tomber sur une petit horde, par chance. Il va falloir que je le ramène au camp. Je ne sais pas comment je vais me débrouiller, le cerf a beau être petit, je suis le suis aussi. C'est vrai que je suis petite pour mon âge. Bref ... Je reviendrais demain matin continuer la chasse, je pense. J'espère qu'il y en a d'autres ... !