Au dessus de toutes têtes le ciel se déchirait. Tout un tas de nuances de gris ne faisaient que se succéder, créant ainsi un ballet sombre et inquiétant. Le vent glaçait le sang de chacun, et souvent même des larmes de foudre s’abattaient sur les territoires, achevant les plus faibles sur leur passage. Le sort s'acharnait, mais c'était un sentiment auquel on s'habituait très vite maintenant. Surtout lorsque l'on se fichait de tout.

Comme moi.

Entre deux pleurs du ciel, je m'étais glissé hors de mon territoire. Enfin... c'était surtout le territoire de la meute que je squattais, parce qu'honnêtement, je n'en avais strictement rien à faire. Le fait d'être Esobek n'était qu'un titre parmi tant d'autres, ça n'avait rien d'inné. Tout comme ce nom, Sam, par lequel on m'appelait. Cette meute n'était qu'une couverture, et faisait partie d'un autre de ces jeux tordus sortis tout droit de ma tête. Ou plutôt une expérience peut-être même. Celle de voir combien de temps ces vaux-rien mettraient à comprendre que je ne suis pas ce que je prétends, et que mon coeur est aussi noir que ce sentiment envoûtant que l'on ressent lorsque l'on est mort. Peut-être qu'ils ne feraient jamais le lien, après tout. Moi en attendant ça m'allait tout autant, parce que je récoltais tous les avantages : la bouffe et la protection. Et eux ? Et bien eux, songeais-je gaiement, ils laissaient le mal s'infiltrer petit à petit chez eux, et se coltinaient tout le travail. Parce que n'imaginez pas une seule seconde que je faisais des rapports importants auprès de cette bonne vieille Yroen, lorsque j'avais du dossier vous pensez bien que je me le gardais, ça pouvait toujours servir pour du chantage ou des jeux d'esprits. Non, les informations confidentielles étaient très certainement privées, car elles avaient bien plus de poids que les griffes et les crocs en combat. Pourquoi me déferais-je de mes meilleures armes ?

Plongé dans mes pensées, je vagabondais en terres libres. Je ne me posais pas de questions, simplement mes membres se déplaçaient où bon leur semblait. Sous mes pattes, le sol devenait boueux. Avec les traces profondes et marquées que je laissais derrière moi, même un louveteau aurait pu me suivre -ce qui, en l’occurrence, ne lui aurait pas vraiment été bénéfique... De vrais amuses-gueules ces p'tits !-. Heureusement pour moi, je ne me cachais pas. Dans aucun sens du terme, d'ailleurs : même si j'avais eu l'habitude d'adopter ce masque de sentiments en présence de ma...meute, je n'avais aucune raison de le garder à cet instant. Aucun Esobek n'était dans le coin, de sorte que je pouvais laisser librement ma véritable nature prendre le dessus, cette ombre que personne ne souhaite croiser. Un sourire sadique et satisfait déformait mon visage, et mes yeux marquaient l'ivresse pure. Et puis, je m'étais arrêté. Mes sens de traqueur étant stimulés, ma tête se baissa au niveau du sol et mes oreilles se dressèrent. C'était à peine perceptible, mais je le sentais, là, tout proche de moi. Il y avait quelque chose. Il y avait quelqu'un. C'est comme ça que je débusquai cette louve, déambulant au milieu de toute cette nature morte. Une grimace se rapprochant sans doute à un sourire cruel illumina mon visage. Enfin une distraction, merci mon dieu, j'en avais bien besoin ! Jaugeant ladite femelle, je parvins à déceler l'odeur des Sekmets -une belle broche d'empotés eux aussi- sur son pelage. Le vent était contre moi de sorte qu'il serait bien plus difficile pour elle de me détecter : la balle était dans mon camp. Mais finalement, je ne savais plus vraiment comment l'aborder. Ce n'était pas le choix qui me manquait, juste... Je ne savais pas vraiment ce qui serait le plus amusant pour le moment. Devais-je sortir de ma cachette comme un égorgeur, avec mon regard de psycopathe, et voir si elle faisait une crise cardiaque ? Devais-je tenter de la charmer, voir si j'arrivais à la faire entrer dans mon jeu, pour ensuite la blesser ? Devais-je me faire passer pour un misérable, un pauvre loup victime du destin ? Ou simplement venir là, droit devant elle, et la fixer, en silence ? Quoi qu'il en soit, je ne pouvais pas pourrir sur mes quatre pattes, plongé dans mes fantasmes malsains. J'avais fait mon choix. J’agirais en temps et en heure, selon ses réactions. L'improvisation, c'était bien aussi !

▬ SALUT POUPÉE ! ALORS COMME ÇA, LES SEKMETS SONT DE SORTIE ? JE COMMENÇAIS JUSTEMENT A ME DEMANDER SI SKULL NE VOUS AVAIT PAS TOUS TUÉS...

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Finalement, la femelle me regardait avec des yeux vides et inexpressifs, et sa voix neutre tranchait avec la mienne qui était plutôt chantante. Elle faisait preuve d'un réel détachement, cela en devenait presque perturbant. Presque. Moi, je m'en fichais, cela ne faisait qu'ajouter à ma curiosité sans bornes et à mon amusement insatiable. Secouant la tête je m'avançai alors bien plus proche de la créature, sans prendre le temps d'adopter une posture, qu'elle doit dominante ou dominée. Bien que s'il fallait absolument choisir l'une d'elles, je serais plus dominant que dominé.

« Uh, quelqu'un s'est levé du mauvais côté, on dirait. Dis-moi, t'es plutôt du genre pessimiste na ? »

Mon visage se crispa en un sourire carnassier et mes yeux plongèrent dans les siens. C'était une étrange louve je devais admettre. Elle dégageait un espèce d'aura lugubre, glacé, comme si la peine ou un autre truc comme ça que je ne comprends pas avait dévoré son âme. C'était comme si elle était ailleurs et ici en même temps. C'était juste un ressenti, mais c'était bizarre.

« Mais dis-moi, y'a une raison pour que tu sois d'humeur aussi... Hum... Maussade, ou bien t'es toujours comme ça ? Non non en fait laisse moi deviner ! C'est à cause de la Horde qui vous prend tous pour des larbins ? Ou alors tu viens de remarquer que t'étais gérée par des supérieurs incapables ne serait-ce que de secourir votre alpha probablement morte et desséchée à l'heure qu'il est ? Rah, la vie est triste. »

Je me moquai sans ménagement le la louve même si j'avais l'impression que mes mots n'auraient pas beaucoup d'impacte sur elle. Mais pourquoi s'en priver alors que je pouvais le faire ? C'était drôle, et ça faisait la conversation. Puis même si j'arrivais à la mettre en pétard et qu'elle me bondissait dessus, ça ferait de l'animation. J'avais le dos en compote ce jour là, j'avais bien besoin d'un petit peu d'exercice. Mais il est vrai que je préfèrais largement jouer avec des mots plutôt qu'avec des crocs, d'autant que je n'étais effectivement pas le plus fort des canidés de ces terres. Oh et puis qu'importe, pas besoin de chercher à anticiper une situation alors que je la verrais bien au moment voulu. J'avais pas envie de réfléchir, juste de faire chier.