Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Que serait-il devenu s'il avait rejoint les Solitaires ? Serait-il un meilleur loup qu'il n'est aujourd'hui ? Son cœur serait-il entièrement en osmose avec ses sentiments ? Serait-il complètement en paix ? Aimerait-il sa nouvelle vie ? Le muet s'était posé cent fois ses questions sans y accorder une seule réponse. Durant son errance, il avait pensé à milles choses et à ses raisons d'être chez les Sekmet. Si on ne tient pas compte que c'était son clan natif, qu'avait-il de commun avec eux ? Sa couleur ? Son caractère ? Ses émotions ? Il ne le savait pas réellement. Pourtant, le plus évident était là, sous ses yeux naïfs et vides. Oui, juste sur son visage et sa manière de gesticulé. Son fort tempérament et sa fougue étaient ses seuls ressemblances avec son clan. Si on oubliait la fidélité à laquelle il lui accordait sans limite. Une confiance aveugle et durable. Oui, les siens pouvaient fautés, le mettre dans l'embarras, mais il sera toujours là pour eux, quoi qu'il se passe. C'est pour ça qu'il était revenu sur les premières terres qu'il avait foulé et qu'il était encore là aujourd'hui.
Le soleil venait à peine de sortir de son sommeil et s'élevait doucement vers l'horizon, dans un ciel orangé et clair pour la saison. Si on oubliait les Hommes, l'herbe aurait pu être riche et abondante. Pour la première depuis mon retour, je me dirigeai vers les terres des meutes, vers mes terres plus exactement. L'odeur du métal froid et des cendres envahirent mes narines et gonflèrent mes poumons sous ma poitrine. Arh ! Qu'est-ce que je n'aimais pas ses odeurs ! Mes pattes, plus exactement mes coussinets, pénétrèrent dans la poussière noire, vestige d'un feu. Les traces des Hommes étaient partout. Ils envahissaient nos décors qu'on aimait si bien pour ne laisser qu'un tas de détritus. Nos foyers n'existaient plus, effacés par les conflits quotidiens de ces êtres qui avaient prit possession de nos terres. Ou étions-nous sur les leurs ? Je n'étais pas encore né le savoir. Tout ce que je savais, c'était qu'ils étaient à l'origine de nos maladies, de nos famines et de nos pertes. Je ne pouvais pas imaginer un seul instant les aimer pour ce qu'ils faisaient, même si sans eux, nous aurions peut-être pas de gros bétail. Peut-être que sans eux, nous aurions plus de proies. Hélas, nous le saurions jamais, même si par fois, il m'arrivait d'imaginer ce que le monde serait sans eux. Un environnement plus libre, plus sain et plus joyeux. Mais, sans doute pas plus sûr.
En voyant l'épave d'avion qui nous servait de garde-manger, je sus que j'étais enfin sur le territoire. J'étais enfin à la maison! J'eus envie de respirer l'air familier à pleins naseaux, mais je fus rapidement rattrapé par la réalité. Ma queue se releva légèrement et je pris le trottinement. Enfin, je passai les décombres pour arriver sur une terre infertile et nu. La végétation et la vie semblaient l'avoir quittés de part et d'autre. Doucement, je vins effleurer le sol en essayant de me rappeler ce que cela avait été autrefois. La nostalgie envahit mes artères et mes pensées pour ne laisser place qu'à la mélancolie. C'est également ici que je décidai d'attendre mes potentielles partenaires d'entraînements.
De retour de sa chasse, Aion, le jeune loup aperçut au loin un loup de couleur noir. Il s'approcha lentement de lui et, se présenta devant lui. L'odeur de ses proies lui avait envahit le museau. Il tourna la tête et observa les arbres à moitiés arrachés. Il leva les yeux au ciel, et, il respira un bon coup pour enfin baisser la tête. "Quelle belle journée, n'est-ce pas?" demanda gentillement Aion au loup en face de lui. "Qu'attends-tu ici?" demanda-t-il curieux.
Il n'y a rien de plus exaltant que le plaisir de redécouvrir ses propres terres après les avoir perdu pendant ce qui semble être des décennies. Certes je n'ai pas vécu suffisamment de temps pour prétendre avoir connu ces dites décennies, mais le temps a été tellement long loin de ma vraie vie, que c'est le sentiment que j'ai. Me voilà de retour depuis quelques semaines et je n'ai passé que bien peu de temps sous terre, comparé à mes frères et soeurs de meute. Pourtant je ne cache pas ma joie lorsque je foule de nouveau les terres sur lesquelles j'ai vu le jour. Dévastées, complètement anéanties, mais pas moins ma terre natale pour autant. Je soleil est bas dans le ciel, il se lève à peine. Dans quelques heures, à la fin de cette journée, je pourrais de nouveau hurler pour accompagner sa chute, tandis qu'il cédera place à son ennemie jurée pour les heures suivantes. Ses doux rayons réchauffent mon pelage avec une ardeur délicieuse, je profite des premières lueurs de l'aube avant que l'astre ne brûle mon pelage d'ébène et la peau qu'il protège. Je rejoins un endroit que j'ai bien connu autrefois, et qui aujourd'hui n'a plus aucun rapport avec la plaine que j'affectionnais dans mon enfance. Elle regorgeait alors de lapins et autres rongeurs en tous genres. Aujourd'hui elle n'est plus que désolation et oubli. Plus rien ne galope, plus rien de se promène et plus rien ne ... Oh mais attendez ! Je n'suis pas seul ! Là-bas, à quelques dizaines de mètres, je repère deux loups. Je lève la truffe en l'air pour capter leurs effluves, et mes muscles se détendent aussitôt alors que j'assimile qu'ils font parti des miens. Certain de ne pas être en danger, peut-être même d'avoir trouvé-là de potentiels compagnons pour gagner davantage de compétences, je trottine jusqu'à eux et, à moins de dix mètres, j'entends l'un d'eux saluer le noireaud. Noireaud que je reconnais comme étant le mâle rencontré il y a quelques temps de cela, dans les tunnels, et avec lequel j'ai pu participer au plus beau monologue qui soit. Je les détailles quelques secondes, puis je m'approche un peu plus et contourne le mâle gris pour qu'il m'aperçoive.
- Perds pas ton temps, il est aussi bavard qu'une tombe. T'peux l'appeler Héos j'suppose, il m'a pas bouffé quand j'ai tenté.
Je fais encore quelques pas pour me situer entre eux de manière à voir et être vu des deux, puis je m'assois l'air de rien et détaille une seconde mon comparse ébène. On n'a pas échangé énormément la dernière fois que je l'ai croisé, mais il me semble plus blasé qu'alors. Puis je reporte mon attention sur le nouveau que je ne connais de nulle part. Un nouveau qui débarque ? Un nouveau de l'époque durant laquelle j'étais mort ? Vas savoir.
Le jeune mâle leva la tête, regarda le ciel qui c'était assombrit depuis peu. Pas une goutte d'eau ne tomba, pourtant, il faisait assez humide. Il regarda de droite à gauche pour faire genre d'attendre quelque chose, mais le mâle auquel il avait adressé la parole ne répondit pas. Il baissa la tête, laboura le sol de ses pattes jusqu'à ce qu'un autre loup débarqua. Il se mit entre Aion et le grand loup noir. Il lui dit d'un ton ferme:
- Perds pas ton temps, il est aussi bavard qu'une tombe. T'peux l'appeler Héos j'suppose, il m'a pas bouffé quand j'ai tenté.
Le mâle regarda le loup qui devrait se nommer Héos et ne répondit qu'un signe de tête. Le loup reprit en demandant:
- Moi c'est Isildür.
Sans attendre, le jeune loup releva la tête, vu Isildür se présenter. Il ne semblait pas le connaître. Aion ne le connaissait pas non plus de toute manière...
-Je me nomme Aion. Je suis venu chercher quelqu'un pour m'entraîner. J'ai vu déjà plusieurs autres loups, mais ils n'ont pas accepté de me prendre. Ça te dirai toi de t'entraîner avec moi? Tu as l'air assez expérimenté! s'exclama Aion en s'avançant de trois/quatre pas.