La rege boue en moi. L'impuissance est un sentiment que je ne connais que trop bien, et je suis incapable de m'avouer vaincu face à un obstacle quel qu'il soit. Pourtant, aujourd'hui, je ne peux rien faire. J'ai beau bondir comme un lapin, essayer encore et encore comme un forcené, les liens tiennent et Arawn, la tête en bas, attend l'heure de sa mort avec une résignation qui me fiche des frissons d'effroi. Il essaye de sauver ma vie, puisqu'il a compris que je ne pouvais rien pour la sienne. Pendant de longues secondes, sa voix se mêle à celles de ces enfoirés de chiens galeux. Il tente de me convaincre de prendre la fuite. Tout comme beaucoup de nos semblables, Arawn ne me connaît pas. Il ignore qui je suis, et il n'a aucune idée de mon tempérament tout aussi loyal que suicidaire, parfois. Je ne peux pas abandonner, et je fini par claquer des mâchoires près de son visage pour le faire taire. Je gronde furieusement, et je continue d'essayer. Toujours plus haut, toujours plus longtemps, mais jamais assez pour épargner la vie de mon apprenti. Mais les chiens se rapprochent à mesure que je laisse le temps filer.

Et en quelques secondes, c'est sous des piaillements stridents et menaçants que je me vois contraint de reculer, une meute de ces foutus corniauds me forçant à reculer en me montrant leurs armes fatales entre deux aboiements. Je gronde, je montre les dents et je plaque mes oreilles contre mon crâne. Moi aussi, je les menace, mais ils sont bien trop nombreux, même pour moi. Si c'est une colère sourde qui vrille en moi tandis que je regarde un à un les clébards, c'est la peur que je ressens aussi fort lorsque les humains débarquent avec leurs longues branches de fer. Je n'ai pas le temps de m'immobiliser, je dois constamment être en mouvement pour éviter les tentatives de morsures de leurs sous-fifres. Le temps me manque, l'énergie aussi. Je ne saurais tenir un combat contre autant de ces molosses. Et lorsque je relève la tête une fraction de seconde plus tard -du moins c'est l'impression que j'ai- Arawn disparaît dans les tunnels, inerte. Mort. Ils ont tué l'un des miens, sous mes yeux et je n'ai rien vu. Encore une fois. Furibond, je lâche des grondements sourds et j'avance pour faire reculer les chiens. Grâce à la surprise et à la violence de mes mâchoires, je gagne deux pas sur eux. Mais rapidement ils reprennent leurs droits sur moi et je suis de nouveau acculé. Je continue de claquer des mâchoires de les menacer en mordant le vide tout près d'eux. Mais dans le même temps, je regarde Arawn qui s'en va. Et je repère un semblant de mouvement sur sa cage-thoracique. Espoir trop grand ou vérité funeste, mon jeune n'est pas mort. Je veux y croire. Alors je réfléchis à toute allure et, puisque les chiens ne cherchent pas à me faire reculer davantage, je prends la chance que j'ai si c'en est une. Je lance un regard dur sur mon compagnon de meute, et je prends la fuite comme un vulgaire lapin effarouché. A bout de forces mais libre, je jure vengeance et je continue de courir.