Depuis le début de la guerre des hommes, tout le monde est mobilisé et je me retrouve souvent à chasser non plus par fierté, non plus par plaisir, mais bien par nécéssité. Enfin, avant, la chasse revenait toujours à de la nécéssité ... Mais, pour moi, ce n'en était pas. Enfin ... Bref. Tout ça pour dire qu'encore une fois, je me retrouve sur les pistes du gibier. Je soupire fréquemment. Toute envie a quitté mon corps mais je suis bien obligée de nourrir la meute. Hors de question que je vois tous les Esobeks mourir de faim. Mon instinct me mène dans la Blessure. Cet endroit, je le connaissais déjà mais n'y est jamais allée. Maintenant, avec la guerre, seul le passage souterrain est possible. Je sais que le camp Sekmet se trouve près d'ici, c'est pourquoi je suis une autre route et débouche près de ce qu'on doit appeler la Nappe Fumante. J'en ai entendu parlé, et la description qu'on en fait au camp n'est pas exagérée. Les espèces de petits lacs fumants m'ont l'air bien trop chauds, mais qui dit eau dit vie. C'est peut-être une bonne piste. J'arpente l'endroit et me met immédiatement à avoir chaud, ce qui, je dois bien l'avouer, fait du bien avec la fraîcheur ambiante. Mais la chaleur augmente trop et je suis obligée de m'éloigner un peu. Je suis la paroi, à l'affût d'une piste. Là ! Un corbeau croasse et passe au-dessus de moi, ailes toutes déployées. Je plisse les yeux et me mets à le suivre. L'oiseau noir décrit une petite descente vers moi. Je continue de le suivre et n'est plus à quelques pas de lui lorsqu'il remonte brusquement vers le haut. Je peste. Seulement, trop concentrée sur l'oiseau, je n'avais pas remarqué qu'un loup se trouvait là aussi. Sekmet, Horde ? Je crains le pire et recule de quelques pas. Il est noir, mais, attendez ... Il n'a pas l'air très ... Embonpoint. J'oublie ma colère contre cette proie ratée et m'approche. Il est là, et semble ne pas voir le monde qui l'entoure. Mon museau n'est plus qu'à quelques longueurs de lui. Le corbeau, qui lui ne m'a pas oublié, décrit une courbe et se pose près du loup. Je lui grogne dessus. Est-il fou, pour se jeter lui-même dans la gueule du loup ?

Ma perplexité ne fait que grandir lorsque je vois que le loup  m'aperçoit. Son regard croise le mien, ma première intuition serait de détourner la tête mais je me retiens. Il ne me fera aucun mal, j'en suis certaine. Il n'est même pas capable de se mettre debout, se contentant de lever légèrement la tête. Il m'en ferait pitié, mais j'ai appris de ne pas sous-estimer les autres si facilement. Quoique, lui en vaudrait bien la peine. Enfin, j'en suis là de mes réflexions quand je me rends compte que le silence s'éternise. Je gratte un instant la terre. Le corbeau croasse de plus belle et je l'en aurais presque oublié. N'est-ce pas ... étrange ? Le loup noir et le volatile ont l'air en parfaite complicité, mais je préfère garder ça pour moi. Peut-être que le corbeau se joue du mâle ? Oui, ça doit être ça, il s'est lui-même joué de moi.

YAN'KA - « Euh, hm, bonjour. Je suis Yan'Ka, et toi, qui es-tu ? »

Piètres paroles. Lui qui semble attendre la mort - ou un sauveur, je ne sais pas réellement - depuis quelque temps, doit se trouver bien peiné par ces mots-là. En même temps, qu'aurais-je pu faire ? Je ne me serais pas sentie capable de lui tourner le dos et de détaler sans me retourner.

Me voir semble allumer dans ses yeux comme une lueur d'espoir, de vie. Je pourrais faire mine d'ignorer, mais en me mettant à sa place, je ne peux m'empêcher de le comprendre. Là, au bord de la mort ...

??? - « Bonjour jeune demoiselle. Pourrais-tu m'aider ? Il marque une pause, ponctue sa phrase d'un long soupir. Connaîtrais tu Naïa ? C'est une Esobek et elle est nourrice. »

Si je peux l'aider ? J'essaie de réfléchir sincèrement à sa question. Et s'il se retournait contre moi ? Non, il ne serait pas assez fou pour ça. Encore que, il est l'ami d'un corbeau, c'est dire. Ensuite ... Pourquoi me parle t-il de Naïa ? Oui, bien sûr, je la connais. Seulement elle n'est pas nourrice, Naïa est une espionne. Même si cela fait un petit moment que je ne la vois plus. Effectivement, elle a deux petits - Elixir et Midnight Sun, si mes souvenirs sont bons. C'est sûrement pour cela qu'il fait l'amalgame. Mais pourquoi me parle t-il d'elle ? La connaît-il ? Son odeur est solitaire, seulement, peut-être qu'il fut une taupe jadis ? J'hésite réellement à aider ce pauvre loup. Je vais d'abord essayer d'en savoir plus à sujet, nous verrons bien.

YAN'KA - « Tu n'as pas répondu à ma question, je souligne. Je détourne le regard. Oui, je la connais. »

Mon attention se porte malgré moi sur le volatile au pelage charbonneux qui s'est posé près du solitaire.

AARON - « Je suis Aaron, Oeil d'Ébène. Ne t'inquiète pas pour le corbeau, laisse le. Des nouvelles de Naïa et ses deux petits ? Une noire et un blanc ? »

Je prends chaque problème un par un. Quant au corbeau ... Je ne sais pas, je ne préfère pas me poser de questions, je verrais bien. Même s'il a le don de m'effrayer, je n'en laisse rien paraître. Quant à Naïa ... Elle ne doit plus être de ce monde, à présent. Aaron semble inquiet. J'espère qu'il ne la connaît pas personnellement, les nouvelles que j'ai à lui donner ne sont pas forcément joyeuses à entendre. D'ailleurs, je n'ose pas prononcer ce que je pense fort. Peut-être qu'il s'agit d'un membre de sa famille ? La fille de Naïa est noire ... Peut-être était-il son compagnon ? Mes yeux se réduisent à deux fentes. Je n'ai pas spécialement envie de parler de mauvaises choses.

YAN'KA - « Tu as l'air d'avoir faim. Non, comme si ça ne se voyait pas ... Mais je préfère détourner la situation. Je ferais mieux d'aller t'attraper u truc. »

Et je m'en vais traquer quelque chose. C'est idiot, certes, de chasser pour un ennemi. C'est pourtant la seule chose qui me semble logique sur le moment.