Il me faut un petit moment avant d'oser m'aventurer à l'extérieur, parce que récemment je me suis fait gravement réprimander par maman. C'est que je ne savais pas, mais j'avais déjà de nouvelles responsabilités à tenir et j'ai été absent à un entraînement à cause de mon tempérament téméraire. J'ai filé au devant d'un nouveau jeu, et par ma faute deux loups adultes ont perdu leur temps à me chercher partout pendant des heures alors que nous aurions dû passer ce temps à s'entraîner. Du moins ils avaient des choses à m'apprendre, à moi. J'ignore qui est ce grand loup qui est venu à notre tanière me chercher, il y a quelques jours. Mais qui que ce soit, maman m'a confié à lui et il m'a à son tour posé entre les pattes de deux autres adultes. Je ne sais trop quoi penser de lui, d'eux tous. Il est très grand, très impressionnant, mais ce n'est pas lui qui supervise mes entraînements. Je me demande pourquoi ce sont Tybalt et Ebène qui le font, ils ne sont pas mon papa. J'aurais aimé être entraîné par lui. J'aurais aime l'observer, le voir à l'oeuvre et apprendre tout ce qu'il sait. Au lieu de ça, je dois entendre les deux combattants se disputer tout le temps et me taire pour ne pas attirer leur fiche agressivité sur moi.

Je suis plus à l'aise, lorsque je déambule dans les tunnels. Depuis que les premiers cours ont commencé avec mes mentors, j'ai peur de moins de choses, et je me dis que j'ai toujours une excuse valable si je me fais attraper à errer tout seul dans les sous-terrains. Les oreilles dressées, la queue portée haute, je trottine de longues minutes. Un couloir passe, je vire un gauche et c'en est un autre que je traverse. J'entends les crépitements des rongeurs dans les parois, et je suis justement là pour chasser. Mais pas tout de suite. Pour le moment, je fais du repérage, comme me l'a appris Ebène. Je prends connaissance du terrain, je me familiarise avec les sons et les odeurs. Et j'essaie de tout identifier afin de mieux m'en sortir. J'entends des voix, plus loin. Des voix de femelles. Je m'en approche, c'est le second couloir que je parcours. Une grande louve fauve me lance un regard en coin, puis s'étonne en ne voyant arriver personne derrière moi. L'air de rien, je fais mine de passer à côté d'elles deux sans les voir, et la seconde adulte se retourne pour voir ce qui a interpellé sa compagne. Elles me lancent des regards inquisiteurs, mais elles mettent un temps fou à réagir. Ce ne sont pas des nourrices, nul doute là-dessus. J'aurais pu leur filer entre les pattes.

- Dis donc, petit. Qu'est-ce que tu fiche ici ?

Je fais mine de les remarquer seulement maintenant, affichant un air parfaitement innocent.

- Oh ! Je rejoins mes mentors, j'ai rendez-vous dans peu de temps.

Elles semblent étonnées, mais elles acquiescent en silence, tout en jetant des regards intrigués partout autour de moi. Je reprends aussitôt ma route, et après avoir traversé deux autres tunnels qui me paraissent gigantesques au vue de mes toutes petites pattes, je commence enfin ma traque.

Dé de chasse : 11 - 2 = 9

Mes premières leçons portent déjà leurs fruits. Mes oreilles se tortillent dans tous les sens, et perçoivent rapidement les galopades d'un rongeurs sur ma droite. Je hume les effluves qui m'entourent, ne perdant pas de vue qu'il faut se méfier de tout et être sans cesse aux aguets. C'est encore Ebène, qui m'a appris ça. Il a dit que les risques sont partout et qu'il ne faut pas se fier aux apparences. Qu'un silence trop pesant est signe qu'un danger nous guette. Alors je suis à l'affût des moindres bruits, de chaque mouvement de l'air dans mon pelage. Et puisque rien ne se passe, mes babines de louveteau s'étirent en un sourire ravi et je m'approche de la paroi sans hésiter. J'analyse l'endroit et j'aperçois un conteneur rond qui gît un peu plus loin. Je prépare le terrain. Je m'éloigne de l'endroit où crépite la bestiole, et je roule l'objet jusqu'à un orifice dans le mur. Je jette un oeil furtif pour m'assurer que ce trou mène aux galeries, et effectivement je vois bien les petits tunnels creusés par les pattes travailleuses. Je redresse le conteneur afin de pouvoir y stocker mon butin, et je fais écrouler l'autre partie du tunnel à rongeurs pour empêcher la fuite de ma proie et l'obliger à se jeter en dehors. Je retourne alors près de ma cible qui continue de farfouiller le mur sans se douter de mon piège. Elles se sont habitué aux déplacements des loups dans les tunnels, et ne se méfient plus autant que les premiers jours. D'un seul coup, je tape furieusement contre le mur jusqu'à enfoncer ma patte à quelque distance d'elle. La petite bête pigne et part en courant, exactement dans la direction que je veux. Je cours avec elle, l'entendant dans le mur, et j'arrive au-dessus du sceau juste quand elle tombe dans la précipitation de sa fuite. Je passe ma gueule au-dessus de la boîte à l'instant où elle saute pour s'enfuir, et sans que j'aie le temps de réagir elle est déjà dans ma gueule. Surpris, je claque des mâchoires, lui brisant les os sans même le vouloir. Gagné !

Dé de chasse : 9 - 2 = 7

Fier de ma première prise, je dépose le petit cadavre brun dans mon conteneur avec la ferme intention de recommencer ce splendide piège un peu plus loin. Je serre mes petites mâchoires sur un rebord de l'objet en métal, et je m'éloigne dans les tunnels en cherchant une nouvelle prise, un nouveau terrain de jeu. Je suis content de ma trouvaille, papa serait fier de mon ingéniosité. J'en suis certain. Lorsque j'entends de nouveaux crépitements, deux couloirs plus loin, je dépose mon sceau sur le sol et j'analyse de nouveau le terrain. Je cherche la procédure à adopter, et je décide que mon plan de tout à l'heure pourrait bien marcher une seconde fois. Je cherche alors une entaille dans les parois de terre et lorsque je la trouve, c'est le même manège. Je dépose la boîte en-dessous et je fais écrouler une partie du tunnel, pour ensuite rejoindre ma proie plus loin et taper furieusement dans le mur pour la faire fuir. Elle prend la bonne direction, tout comme son prédécesseur. Fier de moi, cette fois je ne cours pas. Je suis persuadé de l'avoir déjà eue. Je rampe sur le sol en la suivant, certain que je pourrais lui broyer les os comme son copain. Afin de pimenter un peu le jeu, je bondis à la dernière seconde sur ma gauche et je prends appui sur la paroi pour sauter au-dessus du sceau. Mais la souris me vois au dernier moment et par une magnifique prouesse d'habileté, elle s'enfuit sur le mur pour rejoindre un autre tunnel. Je la regarde disparaître dans les profondeurs des murs, impuissant. Alors je rejoins mon sceau.

Dé de chasse : 2 - 2 = 0

Les yeux plissés dans la pénombre, je me couche sur le sol et je plaque les oreilles sur mon crâne. Attentif comme jamais, je guette les moindres sons dans les parois, les moins mouvements. Rien. Rien d'autres que les courants d'air chauds qui parcourent habituellement les tunnels, et qui m'apportent les odeurs des adultes qui vaquent à leurs occupations dans les parages. Je soupire, faisant voler une mince poussière devant mes narines. Je cherche des effluves acides, ceux caractéristiques des rongeurs. Mais rien. Alors je commence à ramper, pour me faire le plus discret possible, et je passe sous les planches de bois abandonnées par les humains pour ne pas me faire repérer par une proie éventuelle ou un loup adulte qui traînerait dans le coin. C'est que je n'ai aucune envie de rentrer à la tanière tout de suite ! Lorsque j'entends s'éloigner les pas d'un guetteur, je sors furtivement de ma cachette et je bondis sur un promontoire en métal pour observer mon territoire vu d'en haut. Je cherche mes proies au sol, mais ne trouvant rien je redescends pour trouver une autre tour de guet. J'aperçois alors un amoncellement de rondins de bois et, le visage illuminé, je fonce vers lui. J'escalade le premier, pose une patte sur le second et la retire aussitôt alors qu'il se met à vibrer. J'hésite, calcule, et bondis avec assurance. En haut, je recommence mon observatoire, mais ne trouve rien.

Dé de chasse : 1 - 2 = -1

Je descend finalement de mon promontoire et, plaquant mon corps contre le sol, le pétris la terre de mes pattes. Je cherche à faire corps avec la terre, comme pour me fondre en elle et disparaître sous sa protection. Ainsi, je pourrais traquer qui bon me semble sans jamais me faire repérer. Mais j'ai beau essayer, le sol ne m'aspire pas pour fusionner avec moi. Alors mes fesses se relèvent vers le plafond et, le regard déterminé et fixant droit devant moi, je fonce soudainement en avant pour attraper une créature invisible. Je me jette alors sur le sol et me roule sur le dos pour lancer mes pattes dans tous les sens en grognant férocement, afin de faire fuir mon adversaire et le terrasser de mes crocs puissants. De nouveau en appui sur mes quatre pattes, je fais des bonds de côté pour intimider mon ennemi en le fixant dans les yeux, mais tout ce dont j'écope c'est une écharde dans le coussinet. Je lâche un geignement de douleur, surpris par cette attaque soudaine, et je m'assois vivement au sol pour regarder ma patte blessée. Je pigne de longues secondes en fixant la blessure, mais je me rappelle que maman n'est pas là. Alors, courageusement, je clopine sur trois pattes, récupère ma souris dans le sceau en métal et je prends le chemin du retour en espérant rentrer bien vite.